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01/02/2024 | FRANCE | N°21TL04249

France | France, Cour administrative d'appel, 4ème chambre, 01 février 2024, 21TL04249


Vu la procédure suivante :



Par une requête enregistrée le 26 octobre 2021 sous le n° 21MA04249 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL04249 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis deux mémoires enregistrés les 17 février 2022 et 21 février 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Cardis, représentée par Me Gras, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :



1°) d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2021 par lequel le maire de Carpentras a rejeté sa d

emande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour l'extensi...

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 26 octobre 2021 sous le n° 21MA04249 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille et ensuite sous le n° 21TL04249 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, puis deux mémoires enregistrés les 17 février 2022 et 21 février 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Cardis, représentée par Me Gras, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2021 par lequel le maire de Carpentras a rejeté sa demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour l'extension du bâtiment existant avec agrandissement de la surface de vente d'un supermarché à l'enseigne " Super U " et de la réserve, avec création d'un " drive " et de locaux sociaux ainsi que le réaménagement et l'agrandissement du parking par de nouvelles places perméables ;

2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial de statuer à nouveau sur sa demande dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et au maire de Carpentras de réexaminer également sa demande ;

3°) de mettre à la charge de la société Carpendis une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que la même somme à la charge de l'Etat sur le même fondement.

Elle soutient que :

- sa requête, enregistrée dans le délai de deux mois franc après la notification de la décision de refus, est recevable ;

- l'intervention volontaire tardive de la Commission nationale d'aménagement commercial, qui a eu pour effet de retarder le jugement de l'affaire, est irrecevable ;

- la fin de non-recevoir opposée par la Commission nationale d'aménagement commercial, intervenante, est irrecevable comme constituant des conclusions propres ;

- l'avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial est entaché de motifs erronés et étrangers à son appréciation ;

- l'avis de cette commission est entaché d'une insuffisante motivation et d'une incompétence négative en se bornant à recopier l'avis du ministre en charge du commerce, en méconnaissance de l'article R. 752-38 du code du commerce ;

- cet avis défavorable a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière au regard de l'article R. 752-36 du code de commerce car il n'est pas démontré que le maire de Mazan et que le représentant du comité écologique Comtat Ventoux ont respecté le délai de cinq jours avant la réunion pour demander leur audition et qu'ils étaient habilités à présenter leurs observations ;

- l'avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière au regard de l'article R. 752-36 du code de commerce car il est impossible que l'avis du ministre en charge de l'urbanisme ait pu être transmis cinq jours avant la réunion, cette irrégularité ayant eu une influence sur la décision ;

- enfin, alors que la Commission nationale d'aménagement commercial était tenue d'entendre l'ensemble des personnes qui ont assisté à l'audition et qui avaient demandé à être entendues, elle n'a pas entendu le président de la société Cardis, un conseil et le maître d'œuvre en méconnaissance de l'article R. 752-36 du code du commerce, et qu'il n'est pas possible de s'assurer de l'audition par audioconférence du président du comité écologique ;

- les motifs opposés par la Commission nationale d'aménagement commercial à son projet sont entachés d'erreurs d'appréciation, au regard d'un prétendu séquençage du projet, au regard de la présence d'un " drive " piéton, et au regard des objectifs et critères mentionnés aux articles L. 750-1 et L. 752-6 du code de commerce en ce qui concerne l'aménagement du territoire, le développement durable, la prétendue incomplétude de l'étude d'impact et la protection du consommateur.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 décembre 2021, la société par actions simplifiée (SAS) Carpendis, représentée par Me Jauffret, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Cardis la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire en intervention volontaire enregistré le 22 novembre 2022, la Commission nationale d'aménagement commercial, représentée par son président, conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- la requête dirigée contre son avis défavorable revêtant un caractère d'acte préparatoire est irrecevable

- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 24 mars 2023 par une ordonnance en date du 9 mars 2023

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Meunier-Garner, rapporteure publique,

- les observations de Me Senanedsh représentant la société Cardis ;

- et les observations de Me Jauffret représentant la société Carpendis.

Une note en délibéré présentée la société Cardis, représentée par Me Senanedsh, a été enregistrée le 23 janvier 2024.

Considérant ce qui suit :

1. La société Cardis a déposé une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, le 16 décembre 2020, pour l'extension du bâtiment existant avec agrandissement de la surface de vente d'un supermarché et de la réserve à l'enseigne " Super U ", avec création d'un " drive " et de locaux sociaux ainsi que le réaménagement et l'agrandissement du parking par de nouvelles places perméables, sur le territoire de la commune de Carpentras (Vaucluse). Le 24 février 2021, la commission départementale d'aménagement commercial de Vaucluse a rendu un avis favorable sur ce projet. Sur recours formé notamment par la société Carpendis, exploitant un magasin à l'enseigne " Intermarché " sur le territoire de la même commune, après avis défavorable du 31 mai 2021 du ministre en charge du commerce et après avis défavorable du 9 juin 2021 du ministre en charge de l'urbanisme, la Commission nationale d'aménagement commercial a émis le 10 juin 2021 un avis défavorable sur le projet. Par un arrêté du 7 septembre 2021, le maire de Carpentras a rejeté la demande de permis de construire présentée le 28 décembre 202. Par la présente requête, la société Cardis demande l'annulation de cet arrêté.

Sur l'intervention et la recevabilité des conclusions de la Commission nationale d'aménagement commercial :

2. Aux termes de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la commission nationale d'aménagement commercial (...) ". Aux termes de l'article L. 752-17 du code de commerce : " I.- Conformément à l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, le demandeur, le représentant de l'Etat dans le département, tout membre de la commission départementale d'aménagement commercial, tout professionnel dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour chaque projet, est susceptible d'être affectée par le projet ou toute association les représentant peuvent, dans le délai d'un mois, introduire un recours devant la Commission nationale d'aménagement commercial contre l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial. / La Commission nationale d'aménagement commercial émet un avis sur la conformité du projet aux critères énoncés à l'article L. 752-6 du présent code, qui se substitue à celui de la commission départementale. En l'absence d'avis exprès de la commission nationale dans le délai de quatre mois à compter de sa saisine, l'avis de la commission départementale d'aménagement commercial est réputé confirmé. / A peine d'irrecevabilité, la saisine de la commission nationale par les personnes mentionnées au premier alinéa du présent I est un préalable obligatoire au recours contentieux dirigé contre la décision de l'autorité administrative compétente pour délivrer le permis de construire (...) ".

3. Il résulte des dispositions de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme et des articles L. 752-17 et R. 751-8 du code de commerce, que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial a le caractère d'un acte préparatoire à la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, seule décision susceptible de recours contentieux, et qu'il en va ainsi quel que soit le sens de l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial. Il résulte également de ces mêmes dispositions que, lorsque l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial est défavorable, le permis de construire ne peut être délivré. En conséquence, l'Etat a la qualité de partie au litige devant une cour administrative d'appel, saisie en premier et dernier ressort d'un recours pour excès de pouvoir, formé par l'une des personnes mentionnées à l'article L. 752-17 du code de commerce, tendant à l'annulation de la décision prise par l'autorité administrative sur la demande de permis de construire en tant qu'elle concerne l'autorisation d'exploitation commerciale. Enfin, en vertu des articles L. 752-17 et R. 751-8 du code de commerce, le président de la Commission nationale d'aménagement commercial a qualité pour représenter l'Etat devant les juridictions administratives dans ces litiges et peut signer, par dérogation au second alinéa de l'article R. 432-4 du code de justice administrative, les recours et mémoires présentés devant une cour administrative d'appel au nom de l'Etat. Par suite, les écritures présentées par cette commission devant la cour ne sauraient être qualifiées d'intervention volontaire au sens de l'article R. 632-1 du code de justice administrative. Par voie de conséquence, et en tout état de cause, les fins de non-recevoir opposées par la société requérante, en tant que l'intervention volontaire de la Commission nationale d'aménagement commercial serait irrecevable car venant " retarder le traitement de l'affaire " et en tant qu'elle formule des conclusions propres irrecevables, ne peuvent qu'être écartées.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article L. 752-1 du code de commerce : " Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / 1° La création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; / (...) ". L'article L. 425-4 du code de l'urbanisme dispose que : " Lorsque le projet est soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce, le permis de construire tient lieu d'autorisation dès lors que la demande de permis a fait l'objet d'un avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial ou, le cas échéant, de la Commission nationale d'aménagement commercial. (...) ".

5. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la demande d'autorisation présentée par la société Cardis que le projet de magasin en litige porte sur l'extension de 725 m² de la surface de vente d'un supermarché à l'enseigne " Super U " passant de 998 m² à 1 723 m² et la création d'un point permanent de retrait des marchandises par la clientèle d'achats au détail, commandés par voie télématique, organisé pour l'accès en automobile comprenant six pistes de ravitaillement et 441 m² d'emprise au sol affectés au retrait des marchandises, à Carpentras. En application des dispositions précitées, le maire de Carpentras était donc lié par l'avis défavorable rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial dans sa séance du 10 juin 2021 et ne pouvait, par conséquent, que rejeter la demande de permis de construire déposée le 28 décembre 2020. Par les moyens qu'elle soulève à l'appui de son recours dirigé contre le refus de permis de construire, la société requérante invoque l'illégalité de cet avis défavorable. Il s'ensuit que la fin de non-recevoir opposée par la Commission nationale d'aménagement commercial à la requête de la société requérante tirée de ce que son avis ne constitue qu'un acte préparatoire insusceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ne peut être qu'écartée.

En ce qui concerne la régularité de l'avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial :

6. Aux termes de l'article R. 752-35 du code de commerce : " La commission nationale se réunit sur convocation de son président. / Cinq jours au moins avant la réunion, chacun des membres reçoit, par tout moyen, l'ordre du jour ainsi que, pour chaque dossier : / 1° L'avis ou la décision de la commission départementale ; / 2° Le procès-verbal de la réunion de la commission départementale ; / 3° Le rapport des services instructeurs départementaux ; / 4° Le ou les recours à l'encontre de l'avis ou de la décision ; / 5° Le rapport du service instructeur de la commission nationale ". Aux termes de l'article R. 752-36 du même code : " La commission nationale entend toute personne qui en fait la demande écrite au secrétariat, en justifiant les motifs de son audition, au moins cinq jours avant la réunion. / Sont dispensés de justifier les motifs de leur audition : l'auteur du recours devant la commission nationale, le demandeur (...). / (...) Le commissaire du Gouvernement présente et communique à la commission nationale les avis des ministres chargés de l'urbanisme et du commerce. Après audition des parties, il donne son avis sur les demandes. ".

7. En premier lieu, si la société requérante fait valoir que l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial est irrégulier faute pour ses membres d'avoir reçu l'avis rendu le 9 juin 2021 par le ministre chargé de l'urbanisme au moins cinq jours avant la réunion du 3 décembre 2019, aucune disposition du code du commerce ne prévoit une telle transmission aux membres de la commission nationale concomitamment à leur convocation ou préalablement à la réunion. Par suite, ce moyen tiré du vice de procédure doit être écarté.

8. En deuxième lieu, s'il ressort des pièces du dossier que le maire de Mazan et le représentant du comité écologique Comtat Ventoux n'ont été auditionnés par audioconférence, sur leur demande écrite du 8 juin 2021 en vue de l'examen du projet, que lors de la séance de la Commission nationale d'aménagement commercial du 10 juin 2021, soit moins de cinq jours avant la réunion, il est constant que ces personnes se sont prononcées défavorablement sur le projet porté par la société pétitionnaire. Par suite, alors que la société Cardis n'établit pas en quoi ce délai irrégulier d'audition de personnes extérieures l'aurait privée effectivement d'une garantie et aurait pu avoir une incidence sur le sens de l'avis rendu par la commission nationale, cette circonstance n'a pas été de nature à vicier la procédure. Par ailleurs, si la société requérante fait valoir qu'il n'est pas possible de s'assurer de l'identité du représentant du comité écologique Comtat Ventoux en l'absence d'indication des coordonnées téléphoniques du comité, cette seule allégation ne suffit pas à remettre en cause la régularité du déroulement de la séance. En outre, aucune disposition n'impose à la commission d'apprécier la validité de l'habilitation du représentant de la personne morale qui a sollicité son audition par demande écrite. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces conditions d'audition ont été de nature à fausser l'accès et l'appréciation de la commission à l'ensemble des informations contenues dans le dossier s'agissant d'observations déjà formulées dans le rapport d'instruction défavorable établi par les services de l'Etat pour la Commission nationale d'aménagement commercial.

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, en particulier du compte rendu d'audition de la séance de la commission nationale du 10 juin 2021 que M. Renet, président de la société Cardis, M. B..., conseil de la société Aqueduc, M. A..., architecte, et Me Demaret, avocat, personnes auditionnées à leur demande et favorables au projet ont été mis à même de présenter des observations circonstanciées à l'appui de la demande d'autorisation en litige. La société requérante n'apporte aucun élément précis de nature à étayer ses allégations selon lesquelles l'audition se serait déroulée dans des conditions techniques insatisfaisantes. Par suite, alors au surplus que la société requérante avait déjà pu faire valoir ses observations avant la séance en répondant aux questions qui lui avaient été adressées par le service instructeur, le moyen tiré de ce que l'avis de la commission du 10 juin 2021 aurait été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.

10. Aux termes de l'article L. 752-20 du code de commerce : " Les décisions de la commission nationale (...) doivent être motivées conformément aux articles L. 211-2 à L. 211-7 du code des relations entre le public et l'administration ". Aux termes de l'article R. 752-38 du même code, relatif au recours contre les décisions ou avis des commissions départementales d'aménagement commercial présenté devant la Commission nationale d'aménagement commercial : " (...) L'avis ou la décision est motivé (...) ". Cette obligation de motivation n'implique pas que la commission nationale soit tenue de prendre explicitement parti sur le respect, par le projet qui lui est soumis, de chacun des objectifs et critères d'appréciation fixés par les dispositions législatives applicables.

11. L'avis défavorable émis par la Commission nationale d'aménagement commercial le 10 juin 2021 énonce en termes suffisamment précis les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, notamment les raisons pour lesquelles le projet de la société pétitionnaire lui paraît ne pas répondre aux critères visés à l'article L. 752-6 du code de commerce. Il satisfait ainsi à l'obligation de motivation par l'article R. 752-38 du même code. Par ailleurs, il ne ressort pas des termes de l'avis de la commission que celle-ci se serait crue liée par l'avis du ministre en charge de l'économie en date du 31 mai 2021. Enfin, la circonstance que la motivation de l'avis défavorable de la commission nationale serait fondée sur des motifs étrangers à ceux fixés à l'article L. 752-6 du code du commerce est sans influence sur la régularité en la forme de l'avis de la commission.

En ce qui concerne les motifs de l'avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial :

12. Aux termes de l'article L. 750-1 du code de commerce : " Les implantations, extensions, transferts d'activités existantes et changements de secteur d'activité d'entreprises commerciales et artisanales doivent répondre aux exigences d'aménagement du territoire, de la protection de l'environnement et de la qualité de l'urbanisme. Ils doivent en particulier contribuer au maintien des activités dans les zones rurales et de montagne ainsi qu'au rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville et dans les zones de dynamisation urbaine. / Dans le cadre d'une concurrence loyale, ils doivent également contribuer à la modernisation des équipements commerciaux, à leur adaptation à l'évolution des modes de consommation et des techniques de commercialisation, au confort d'achat du consommateur et à l'amélioration des conditions de travail des salariés. ". L'article L. 752-6 du même code dispose : " I.- L'autorisation d'exploitation commerciale mentionnée à l'article L. 752-1 est compatible avec le document d'orientation et d'objectifs des schémas de cohérence territoriale ou, le cas échéant, avec les orientations d'aménagement et de programmation des plans locaux d'urbanisme intercommunaux comportant les dispositions prévues au deuxième alinéa de l'article L. 151-6 du code de l'urbanisme. / La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire ; / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / (...) ".

13. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.

14. Il est constant que le projet en litige porte sur l'extension de 725 m² de la surface de vente d'un supermarché à l'enseigne " Super U", ouvert en avril 2017, dont la surface de vente déclarée est restée inférieure au seuil des 1 000 m² imposé par l'article L. 752-1 du code du commerce, passant ainsi de 998 m² à 1 723 m² et la création d'un " drive " dans les conditions énoncées au point 5 du présent arrêt. Le terrain d'assiette du projet, d'une superficie de 1,93 hectare, situé au n° 1050 chemin du Castellas à Carpentras, est classé en zone 1AUm à vocation d'activités commerciales par le document graphique du plan local d'urbanisme de la commune et se trouve en bordure du tissu urbain nord-est de la ville, qui compte 28 699 habitants. Ce projet est distant de 3 kilomètres, soit à 10 minutes du centre-ville de la commune de Carpentras et à 5 kilomètres, soit 7 minutes du centre-ville de la commune de Mazan.

15. Il ressort des pièces du dossier, notamment de l'étude d'impact, que le projet permet de développer et de renforcer de nouvelles gammes tournées vers les métiers traditionnels, les fruits et légumes bios, le " bio/bien-être ", et ainsi de participer au rééquilibrage de l'offre commerciale en évitant l'évasion commerciale sur d'autres pôles commerciaux limitrophes de la zone de chalandise, notamment ceux de l'agglomération avignonnaise. Toutefois, il ressort également des pièces du dossier que les communes de Carpentras et Mazan ont mis en place divers dispositifs en vue de renforcer l'attractivité de leur centre-ville et conforter la vocation commerciale de celui-ci. Ainsi, la commune de Carpentras bénéficie de " l'opération de revitalisation des territoires " et fait partie du programme " Action Cœur de ville ", et la commune de Mazan relève du programme " Petites Villes de Demain ", de telles circonstances étant de nature à démontrer qu'il existe une situation de fragilité des commerces de centre-ville pour ces deux communes. Il ressort des pièces du dossier que le taux de vacance commerciale de la commune de Carpentras est de l'ordre de 14 %, soit un taux plus élevé que celui observé en France sur des villes de taille identique et traduisant une vacance très élevée et un déclin avéré de commercialité sur ce périmètre. A cet égard, il ressort également des pièces du dossier et n'est pas sérieusement contesté par la société Cardis que le développement des gammes des produits de détail est susceptible d'entrer directement en concurrence avec les commerces de bouche du centre-ville de Carpentras qui comprend cinq supérettes, seize épiceries, dix-sept boucheries, trente boulangeries, une poissonnerie, ainsi qu'un marché de plein-air les vendredi matins, la commune regroupant 78 % des commerces alimentaires du périmètre, les boulangeries représentant 45 % des commerces alimentaires de la zone commerciale étudiée. En outre, il ressort des pièces du dossier, en particulier du rapport d'instruction de la direction départementale des territoires de Vaucluse devant la commission départementale d'aménagement commercial, que ce projet, éloigné des zones d'habitat, " impacte directement des emplois de commerces de centre-ville (- 1,32 emplois estimés) et leur chiffre d'affaires à hauteur de 200 000 € " dans une commune enregistrant une baisse de sa population sur la période entre 2007 et 2017 et présentant un périmètre de commerce en déclin.

16. Par ailleurs, il est vrai que l'analyse de l'étude d'impact relève qu'aucune moyenne ou grande surface n'existe en centre-ville et indique que ce projet assure ainsi un rôle de complémentarité de l'offre existante. Toutefois, alors au demeurant que l'appréciation globale des impacts de ce projet n'a pas tenu compte de la véritable portée du projet en ce compris la surface de vente déjà exploitée par la société requérante depuis avril 2017, au titre d'une autorisation de construire une surface commerciale inférieure à 1 000 m², l'étude d'impact produite par la société Cardis ne se prononce pas de façon claire et précise sur les incidences du projet d'agrandissement du supermarché, équivalant à une extension de plus de 72 % de la surface de vente, notamment sur l'impact concurrentiel du développement de nouvelles gammes avec celles proposées dans les commerces de proximité, avec la préservation et la revitalisation du centre-ville en difficulté et ne se prononce pas davantage sur l'impact du service " drive " projeté sur les commerces du périmètre concerné. Dans ces conditions, il ressort de l'ensemble des pièces du dossier que ce projet commercial majeur ne se limite pas à compléter une offre qui ne serait pas présente ou à offrir des services à une clientèle insuffisamment desservie en commerces et que, par l'importance de la surface commerciale ajoutée, ce projet est susceptible d'entraîner la fermeture ou le déplacement de commerces, au détriment du centre-ville de Carpentras et de celui de Mazan, et de nuire ainsi à l'animation de la vie urbaine. Par conséquent, eu égard aux effets ainsi énoncés du projet en litige tel que résultant de l'extension, la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce en se fondant, pour refuser l'autorisation sollicitée, sur le motif que le projet litigieux est de nature à fragiliser les commerces du centre-ville et à compromettre ainsi l'animation de la vie urbaine.

17. Si la société requérante soutient que la commission nationale a commis une erreur quant à l'appréciation des effets négatifs du projet sur l'imperméabilisation des sols, en tout état de cause, il résulte de l'instruction que la Commission nationale d'aménagement commercial aurait rendu le même avis défavorable si elle s'était uniquement fondée sur le motif tiré de ce que le projet en cause risquait de compromettre la réalisation de l'objectif d'aménagement du territoire en portant atteinte à l'animation de la vie urbaine.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la société Cardis n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 7 septembre 2021 par lequel le maire de Carpentras a rejeté sa demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour l'extension d'une surface de vente d'un supermarché à l'enseigne " Super U ".

Sur les conclusions à fin d'injonction :

19. Le présent arrêt rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par la société Cardis et n'appelle pas de mesure d'exécution particulière au sens des articles L. 911-1 et suivants du code de justice administrative. En conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées par ladite société doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

20. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat et de la société Carpendis, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme que demande la société Cardis au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Cardis une somme de 2 000 euros à verser à la société Carpendis, sur le même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Cardis est rejetée.

Article 2 : La société Cardis versera la somme de 2 000 euros à la société Carpendis en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée Cardis, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la commune de Carpentras et à la société par actions simplifiée Carpendis.

Copie en sera adressée à la préfète de Vaucluse et à la Commission nationale d'aménagement commercial.

Délibéré après l'audience du 18 janvier 2024, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Haïli, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er février 2024.

Le président-assesseur,

X. HaïliLe président,

D. Chabert

La greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21TL04249


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21TL04249
Date de la décision : 01/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CHABERT
Rapporteur ?: M. Xavier HAÏLI
Rapporteur public ?: Mme MEUNIER-GARNER
Avocat(s) : CABINET CAROLINE JAUFFRET

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-01;21tl04249 ?
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