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08/02/2024 | FRANCE | N°22TL21042

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 08 février 2024, 22TL21042


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de renouveler son certificat de résidence portant la mention " artisan ", l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2106681 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



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rocédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 22 avril 2022, et deux mémoires complémentai...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de renouveler son certificat de résidence portant la mention " artisan ", l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2106681 du 24 mars 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 22 avril 2022, et deux mémoires complémentaires enregistrés le 12 juillet 2022 et le 5 juin 2023, Mme B..., représentée par Me Mazas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2021 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour dans le cadre de l'article 5 de l'accord franco-algérien et, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à exercer sa profession ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement contesté est entaché d'un défaut de motivation, dès lors qu'il n'analyse pas les arguments concernant les incidences économiques de la crise sanitaire ;

- il comporte des éléments erronés dans l'analyse des conclusions et mémoires des parties ;

- il est entaché d'irrégularité, en ce que les premiers juges ont estimé que l'arrêté attaqué n'était pas entaché d'une erreur d'appréciation du caractère effectif de son activité professionnelle ;

- l'arrêté attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation ;

- il n'a pas été précédé d'un examen de l'ensemble de sa situation personnelle, en particulier des circonstances exceptionnelles permettant de justifier l'effectivité de son activité ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant refus de titre de séjour est entachée d'une erreur d'appréciation du caractère effectif de son activité ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est dépourvue de base légale ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 septembre 2022, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 6 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 juin 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- et les observations de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité algérienne, est entrée en France le 18 août 2017, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de type D de transit Schengen à entrées multiples " étudiant ". Elle a obtenu un certificat de résidence portant la mention " étudiant ", valable du 13 septembre 2017 au 12 septembre 2018 et renouvelé deux fois jusqu'au 12 septembre 2020. Elle a ensuite bénéficié d'un certificat de résidence portant la mention " artisan ", valable du 13 septembre 2020 au 12 septembre 2021. Elle fait appel du jugement du 24 mars 2022 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de renouveler son certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de répondre à l'ensemble des arguments soulevés par Mme B..., ont suffisamment motivé leur jugement, en particulier leur réponse au moyen tiré de l'erreur d'appréciation du caractère effectif de son activité professionnelle. Cette réponse fait d'ailleurs référence aux difficultés rencontrées par Mme B... pour l'exercice de son activité professionnelle du fait de la situation sanitaire, ainsi qu'à ses problèmes de santé.

3. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que le jugement contesté comporte des éléments erronés dans l'analyse des conclusions et mémoires des parties n'est pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

4. En troisième lieu, Mme B... ne peut utilement se prévaloir, pour contester la régularité du jugement attaqué, de ce que les premiers juges auraient à tort estimé que l'arrêté attaqué n'était pas entaché d'une erreur d'appréciation du caractère effectif de son activité.

5. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les moyens communs aux décisions attaquées :

6. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent, notamment des éléments précis concernant la situation personnelle et professionnelle de Mme B..., est suffisamment motivé.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault ne s'est pas livré à un examen particulier de l'ensemble de la situation de Mme B... avant de prendre l'arrêté contesté, y compris des circonstances qu'elle invoque s'agissant de l'effectivité de son activité professionnelle.

8. En troisième lieu, Mme B..., qui est née le 4 août 1993, est entrée en France le 18 août 2017. Elle se prévaut de sa relation, depuis 2018, avec un compatriote titulaire d'un certificat de résidence. Toutefois, la seule production de documents tendant à justifier d'une communauté de vie à compter du mois de juin 2022 ne permet pas d'établir que cette relation revêtait un caractère d'ancienneté et de stabilité suffisant à la date de l'arrêté attaqué. Il en est de même de la conclusion d'un pacte civil de solidarité le 23 septembre 2022 et d'un mariage le 20 mai 2023. Aucun enfant n'est d'ailleurs né de cette relation. En outre, Mme B... ne justifie pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine. Dans ces conditions, l'arrêté contesté n'a pas porté à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris et n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne les moyens spécifiques à la décision de refus de titre de séjour :

9. Aux termes de l'article 5 de l'accord franco-algérien relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " Les ressortissants algériens s'établissant en France pour exercer une activité professionnelle autre que salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur justification, selon le cas, qu'ils sont inscrits au registre du commerce ou au registre des métiers ou à un ordre professionnel, un certificat de résidence dans les conditions fixées aux articles 7 et 7 bis ". Selon l'article 7 du même accord : " Les dispositions du présent article et celles de l'article 7 bis fixent les conditions de délivrance du certificat de résidence aux ressortissants algériens autres que ceux visés à l'article 6 nouveau, ainsi qu'à ceux qui s'établissent en France après la signature du premier avenant à l'accord / (...) / c) Les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle soumise à autorisation reçoivent, s'ils justifient l'avoir obtenue, un certificat de résidence valable un an renouvelable et portant la mention de cette activité (...) ".

10. Mme B... a créé, le 1er septembre 2020, sous le statut de micro-entrepreneur, une entreprise de nettoyage, qui a été immatriculée au répertoire des métiers le 8 septembre 2020. Elle a déclaré à l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales un chiffre d'affaires s'élevant respectivement à 960 euros, 2 510 euros, 340 euros, 204 euros et 1 100 euros pour chacun des trimestres jusqu'au 30 septembre 2021. Il en ressort un chiffre d'affaires mensuel moyen de 867,50 en 2020 et de 182 euros en 2021, illustrant un nombre d'heures de travail effectif particulièrement limité. La requérante, qui admet d'ailleurs avoir séjourné en Algérie pendant plusieurs semaines au début de l'année 2021, ne justifie pas, alors même qu'elle a reçu une aide au titre du fonds de solidarité, que la faiblesse de ces montants résulterait directement, sur l'ensemble de la période de référence, des restrictions liées à la situation sanitaire ou de problèmes de santé personnels. Elle n'établit pas davantage que le chiffre d'affaires de son activité a augmenté de façon significative entre le mois d'octobre 2021 et la date de l'arrêté contesté. Dans ces conditions, le préfet de l'Hérault n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en estimant que l'activité de Mme B... ne revêtait pas un caractère effectif pour l'application du c) de l'article 7 de l'accord franco-algérien en refusant pour ce motif le renouvellement de son certificat de résidence portant la mention " artisan ".

En ce qui concerne les moyens spécifiques à la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen, dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté.

12. En second lieu, aucune des circonstances évoquées précédemment n'est de nature à faire regarder la décision portant obligation de quitter le territoire français comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B....

13. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 25 janvier 2024, où siégeaient :

- M. Barthez, président,

- M. Lafon, président assesseur,

- Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 février 2024.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

A. Barthez

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21042
Date de la décision : 08/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS MAZAS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/02/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-08;22tl21042 ?
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