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29/02/2024 | FRANCE | N°22TL21242

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 29 février 2024, 22TL21242


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.



Par un jugement n° 2004249, 2004252 du 4 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enreg

istrée le 31 mai 2022, et un mémoire complémentaire enregistré le 12 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Lallemand, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016.

Par un jugement n° 2004249, 2004252 du 4 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2022, et un mémoire complémentaire enregistré le 12 décembre 2022, Mme A..., représentée par Me Lallemand, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté sa demande ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la procédure d'imposition est irrégulière, dès lors que le service a implicitement mis en œuvre la procédure de répression des abus de droit, sans la faire bénéficier des garanties attachées à la procédure prévue à l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;

- l'administration n'apporte pas la preuve que son entreprise individuelle est exploitée sous la forme d'une société de fait avec celle de Mme D... A... ;

- l'administration n'apporte pas davantage la preuve d'un manquement délibéré.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 30 novembre 2022 et le 11 janvier 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 8 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 29 décembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- et les conclusions de M. Clen, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... fait appel du jugement du 4 avril 2022 du tribunal administratif de Montpellier en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été assignés au titre de la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016. Ces rappels procèdent de la reconnaissance d'une société de fait entre Mmes B... A... et D... A..., qui exercent une activité individuelle de viticultrice à Creissan (Hérault).

Sur le bien-fondé du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au litige : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification (...) ".

3. Le différend entre l'administration fiscale et la requérante porte sur le point de savoir si cette dernière a constitué une société de fait viticole avec Mme D... A.... Ce faisant, l'administration n'a pas entendu, même de manière implicite, écarter un quelconque acte constitutif d'un abus de droit, y compris les différents contrats conclus par chacune d'elles. Elle n'invoque d'ailleurs ni leur caractère fictif, ni la circonstance qu'ils auraient eu pour seul motif d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que les intéressées auraient normalement supportées. Il en résulte que l'administration n'a pas établi les rectifications litigieuses sur l'existence d'un acte constitutif d'un abus de droit. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la procédure d'imposition serait irrégulière, faute pour l'administration d'avoir mis en œuvre les garanties prévues par les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 298 bis du code général des impôts : " (...) II. - Sont soumis de plein droit au régime simplifié prévu au I : (...) 5° Les exploitants agricoles, lorsque le montant moyen des recettes de l'ensemble de leurs exploitations, calculé sur deux années civiles consécutives, dépasse 46 000 € (...) ".

5. L'existence d'une exploitation en société de fait est subordonnée tant aux apports faits à l'exploitation commune par les intéressés qu'à leur participation à la direction et au contrôle de l'entreprise, ainsi qu'aux bénéfices et aux pertes.

6. Il résulte de l'instruction que Mmes B... A... et D... A... ont conclu avec le groupement foncier agricole Soleiller, dont elles sont chacune associées à hauteur du quart du capital, deux baux à ferme prenant effet au 1er janvier 2005 portant respectivement sur 3 hectares 65 ares 57 centiares et 3 hectares 65 ares et 55 centiares d'un unique domaine viticole situé à Creissan. La séparation des exploitations, dans une configuration d'ailleurs peu compatible avec un travail différencié, n'est matérialisée que par la présence de panneaux. Par deux contrats d'entre-aide agricole du 5 avril 2008, Mmes A... ont confié à la société civile d'exploitation agricole Terres C... la réalisation de prestations similaires, constituées par des travaux d'épandage phytosanitaire et de rognage, par une participation aux vendanges et par le pressurage du raisin. Les déclarations de récolte déposées par chacune des viticultrices révèlent en outre une similitude de production en volume par appellation, ainsi d'ailleurs qu'une absence simultanée de récolte au titre de la campagne 2013-2014. Le 30 janvier 2009, les intéressées ont par ailleurs signé avec la société Vignobles (PSEUDO)A...(PSEUDO), détenue par leurs époux respectifs, les mêmes contrats pluriannuels d'exclusivité de vente de l'intégralité de leurs récoltes, aboutissant à l'établissement de factures annuelles quasi-identiques. Elles ont également eu recours au même transporteur pour assurer la livraison de leurs productions. Enfin, le vérificateur a constaté que les encaissements réalisés par Mmes A... entre 2011 et 2016 étaient en rapport avec les surfaces louées par chacune d'elles. Dans ces conditions, l'administration, qui était en droit de s'en tenir aux apparences créées par l'appartenance au même domaine viticole, établit que les intéressées étaient, au cours de la période en litige, réunies en termes d'apport, de gestion et de participation aux résultats d'une exploitation unique, constitutive d'une société de fait. Les circonstances qu'elles ont des comptabilités distinctes, utilisent des comptes bancaires séparés et commercialisent leurs productions sous leur propre nom ne suffisent pas, alors même que les récoltes auraient été vendues, certaines années, à des prix différents, à remettre en cause l'existence d'une société de fait entre elles. Par suite, c'est à bon droit que le service a pris en compte, pour la détermination des droits de taxe sur la valeur ajoutée, la totalité des recettes déclarées par chacune d'elles.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré (...) ".

8. En démontrant que Mme A... avait exercé pendant plusieurs années son activité de viticultrice par l'intermédiaire d'une société de fait dont les recettes excédaient manifestement, contrairement à celles qui figuraient dans ses déclarations individuelles, le seuil d'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée pour les exploitants agricoles, fixé par le 5° du II de l'article 298 bis du code général des impôts, l'administration établit le manquement délibéré de la contribuable. Par suite, le moyen tiré de ce que l'application de ces majorations n'est pas fondée doit être écarté.

9. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La requête présentée par Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Pyrénées.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, où siégeaient :

- M. Lafon, président assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Restino, première conseillère,

- Mme Chalbos, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 février 2024.

Le président rapporteur,

N. Lafon

L'assesseure la plus ancienne

dans l'ordre du tableau,

V. Restino

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°22TL21242 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22TL21242
Date de la décision : 29/02/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Abus de droit et fraude à la loi.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Questions communes - Personnes imposables - Sociétés de fait.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : M. LAFON
Rapporteur ?: M. Nicolas LAFON
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : CABINET D'AVOCATS LAWREA

Origine de la décision
Date de l'import : 16/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-29;22tl21242 ?
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