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05/03/2024 | FRANCE | N°23TL00579

France | France, Cour administrative d'appel, 3ème chambre, 05 mars 2024, 23TL00579


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2200078 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 et 17 mars 2023 Mme B..., représentée par Me Ruffel, demand...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 2200078 du 7 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 et 17 mars 2023 Mme B..., représentée par Me Ruffel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 7 avril 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 11 octobre 2021 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " ou " salarié " dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au profit de son conseil sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions attaquées sont entachées d'incompétence pour avoir été signées par M. Thierry Laurent secrétaire général de la préfecture de l'Hérault dont la délégation de signature, qui recouvre l'intégralité de la compétence du préfet, est trop générale ;

- c'est à tort que le préfet s'est estimé saisi d'une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " sur le fondement de l'accord franco-marocain alors que sa demande était présentée au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, et, dès lors, le préfet, en lui opposant l'absence de détention d'un visa de long séjour a entaché ses décisions d'une erreur de droit, alors même qu'il a également examiné sa demande au titre de l'admission exceptionnelle au séjour ;

- il n'a pas été procédé à un examen complet de sa situation professionnelle dès lors que le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le code du travail n'interdisent pas la présentation d'une demande de titre de séjour au titre du travail, pour des personnes en situation irrégulière, et le prévoient expressément pour des personnes dont le droit au séjour est examiné simultanément et auxquelles un récépissé de demande de titre de séjour est délivré ;

- le refus de lui délivrer un titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense du 17 janvier 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 17 février 2023.

Par une ordonnance du 29 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 janvier 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Bentolila a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité marocaine, née le 4 mai 1989, qui est entrée en France le 21 avril 2015 avec un visa de long séjour " conjoint de Français ", a sollicité le, 14 septembre 2021, la délivrance d'un titre de séjour " vie privée ou familiale " ou en qualité de salariée. Par un arrêté du 11 octobre 2021, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

2. Par la présente requête, Mme B... relève appel du jugement du 7 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 octobre 2021 précité.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, ainsi que l'ont considéré les premiers juges, l'arrêté attaqué a été signé par M. Thierry Laurent, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault en vertu d'une délégation qui lui a été consentie à cet effet par arrêté du préfet de l'Hérault n° 2021-I-809 du 19 juillet 2021, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture. Cet arrêté lui donne délégation à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'État dans le département de l'Hérault et notamment en ce qui concerne les affaires intéressant plusieurs services départementaux des administrations civiles de l'État, à l'exception des réquisitions prises en application de la loi du 11 juillet 1938 relative à l'organisation générale de la nation pour temps de guerre et de la réquisition des comptables publics. Compte tenu des exceptions qu'elle prévoit, cette délégation, contrairement à ce que persiste à soutenir en appel Mme B... n'est pas d'une portée trop générale. Le moyen tiré du vice d'incompétence de l'auteur de l'acte doit donc être écarté.

4. En deuxième lieu, en vertu de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France pour une durée d'un an au minimum (...) reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an, renouvelable et portant la mention " salarié " éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants marocains visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. (...)" . En vertu de l'article 9 du même accord : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes de l 'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

5. Il résulte des stipulations précitées de l'accord franco-marocain que celui-ci renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord. Les stipulations de l'article 3 de cet accord ne traitent que de la délivrance d'un titre de séjour pour exercer une activité salariée et cet accord ne comporte aucune stipulation relative aux conditions d'entrée sur le territoire français des ressortissants marocains. Par suite, ainsi que l'ont estimé à bon droit les premiers juges, les dispositions précitées de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui subordonnent de manière générale la délivrance de toute carte de séjour à la production par l'étranger d'un visa de long séjour, ne sont pas incompatibles avec les stipulations de cet accord. En conséquence le préfet a pu, sans erreur de droit, refuser au motif qu'elle ne justifiait pas de la détention d'un visa de long séjour, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salariée à Mme B..., laquelle, contrairement à ce qu'elle soutient, a bien présenté, le 14 septembre 2021, une demande de titre de séjour notamment en qualité de salariée .

6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...) ".

7. Ainsi que l'ont relevé les premiers juges, le préfet de l'Hérault, alors même que l'arrêté du 11 octobre 2021 ne fait pas mention de la promesse d'embauche annexée par l'intéressée à sa demande de titre de séjour, a également examiné celle-ci au titre de l'admission exceptionnelle au séjour en relevant qu'elle ne justifiait pas, au regard de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires. Dans ces conditions, le moyen invoqué par l'appelante tirée du défaut d'examen réel et complet de sa situation professionnelle doit être écarté.

8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail ". Selon l'article L. 5221-5 du même code : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. (...). En vertu de l'article R. 5221-14 de ce code : " Peut faire l'objet de la demande prévue à l'article R. 5221-1 [c'est-à-dire de la demande d'autorisation de travail] l'étranger résidant hors du territoire national ou l'étranger résidant en France et titulaire d'un titre de séjour prévu à l'article R. 5221-3 ". Aux termes de l'article R. 5221-15 de ce code : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence ". Enfin, en vertu de l'article R. 5221-17 de ce code : " La décision relative à la demande d'autorisation de travail mentionnée au I de l'article R. 5221-11 est prise par le préfet. Elle est notifiée à l'employeur ou au mandataire qui a présenté la demande, ainsi qu'à l'étranger ".

9. Il s'évince des dispositions combinées précitées du code du travail que seuls les étrangers autorisés à séjourner en France en une autre qualité que celle de salarié peuvent solliciter un changement de statut vers le statut de salarié, le préfet devant instruire la demande de titre de séjour notamment en la transmettant à la direction du travail. Dans l'hypothèse, comme en l'espèce, d'un étranger qui n'est pas déjà admis au séjour, le préfet peut rejeter la demande de titre de séjour en qualité de salarié au motif de l'absence de présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes comme l'exige l'article 3 précité de l'accord franco-marocain. Le moyen tiré de l'erreur de droit dont serait entaché le refus de séjour au regard des dispositions précitées doit donc être écarté.

10.En quatrième lieu, en vertu de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

11. Il résulte des stipulations précitées que leur application est subordonnée à l'existence et à l'intensité des liens familiaux et personnels en France, outre à l'ancienneté du séjour. Or, Mme B..., qui est divorcée depuis le 19 décembre 2018, ne justifie de l'existence d'aucun lien familial ni même personnel en France. Dans ces conditions, les attestations de suivi de formation linguistique, de connaissance des valeurs de la République et de participation à la session d'information sur la vie en France, ainsi que d'une promesse d'embauche, ne sont pas de nature à caractériser l'existence d'une atteinte à sa vie privée et familiale. Dès lors, l'appelante n'est fondée à soutenir ni que les décisions de refus de séjour et d'obligation de quitter le territoire porteraient une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ni que ces décisions seraient entachées d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leur conséquences sur sa situation personnelle.

12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant, à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 13 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 mars 2024.

Le rapporteur,

P. Bentolila

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL00579 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00579
Date de la décision : 05/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: M. Pierre BENTOLILA
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-05;23tl00579 ?
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