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14/03/2024 | FRANCE | N°23TL01372

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 14 mars 2024, 23TL01372


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2106241 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.



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Par une requête, enregistrée le 14 juin 2023, Mme A... B..., représentée par Me Cohen Drai, demande à l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... B... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2021 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2106241 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2023, Mme A... B..., représentée par Me Cohen Drai, demande à la cour :

1°) de l'admettre provisoirement au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

2°) d'annuler ce jugement ;

3°) d'annuler l'arrêté du 24 septembre 2021 du préfet de la Haute-Garonne ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute Garonne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la motivation du jugement est lapidaire en ce qu'elle fait abstraction de l'intensité des liens affectifs entre une mère et ses enfants et entre une grand-mère et ses petits-enfants, de l'état de solitude affective, de souffrance morale et d'isolement d'une veuve et de l'extrême insuffisance de ses revenus ;

- l'arrêté porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle peut bénéficier de l'attribution d'un titre de séjour en tant qu'ascendant à charge de ressortissant français, en application de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le préfet de la Haute-Garonne a méconnu l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ajoutant une condition d'exercice d'activité professionnelle et en ne prenant pas en compte l'ensemble des circonstances relatives à sa situation.

Par un mémoire, enregistré le 28 septembre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 29 décembre 2023.

Mme A... B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- la directive n° 2004/38/CE du Parlement européen et du Conseil du 29 avril 2004 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Barthez a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... B..., ressortissante algérienne née le 17 mars 1959 et déclarant être entrée sur le territoire français le 11 septembre 2019, a sollicité, le 15 janvier 2020, son admission au séjour en qualité d'ascendant à charge de ressortissant français. Elle a fait l'objet d'un arrêté du 11 mars 2020 portant refus de titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et son recours contre cet arrêté a été rejeté par un jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 juin 2021. Le 5 mai 2021, la requérante a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 24 septembre 2021, le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Mme A... B... fait appel du jugement du 12 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 24 septembre 2021.

Sur l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :

2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence, (...) l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président (...) ". Le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse ayant accordé l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 août 2023, les conclusions de Mme A... B... tendant à ce qu'elle soit admise provisoirement à l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Le jugement attaqué traite, à son point 3, de la situation familiale et personnelle de l'intéressée et écarte, par une motivation suffisante, le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet de la Haute-Garonne de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Dans ces conditions, le jugement attaqué, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments développés par la requérante, n'est pas entaché d'irrégularité à ce titre.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes des stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5° Au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; (...) ".

5. Mme A... B... est entrée en Espagne le 11 septembre 2019, sous couvert d'un visa Schengen valable du 5 novembre 2018 au 4 novembre 2019. Il ressort des pièces du dossier, notamment du livret de famille de l'intéressée, que Mme A... B... a deux enfants, qu'ils sont de nationalité française et résident en France ainsi que ses huit petits-enfants, qu'elle est divorcée et que son second mari est décédé en 2012 et que sa sœur réside aussi régulièrement en France sous couvert d'un titre de séjour d'une durée de validité de dix ans. Il ressort également de ces pièces que Mme A... B... a vécu en France au début des années 1980. Toutefois, elle n'a pas exécuté la précédente mesure d'éloignement dont elle a fait l'objet le 11 mars 2020 et elle n'établit pas être dépourvue de toute attache personnelle dans son pays d'origine dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de soixante ans. Par suite, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs de ce refus. Mme A... B... n'est donc pas fondée à soutenir que la décision en litige méconnaîtrait les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord précité et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : b) À l'enfant algérien d'un ressortissant français si cet enfant a moins de vingt et un ans ou s'il est à la charge de ses parents, ainsi qu'aux ascendants d'un ressortissant français et de son conjoint qui sont à sa charge ; (...) ".

7. Mme A... B... n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour en tant qu'ascendant à charge d'un ressortissant français. Par suite, elle ne peut utilement invoquer, à l'encontre de la mesure de refus d'admission exceptionnelle au séjour dont elle fait l'objet, la méconnaissance des dispositions de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Ainsi, ce moyen inopérant en tant qu'il concerne la décision portant refus de titre de séjour ne peut qu'être écarté. En tout état de cause, sur le fond, un tel moyen doit également être écarté dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des avis d'imposition versés au dossier, que la fille de Mme A... B..., ayant cinq enfants à charge, ne déclarait que 11 187 euros au titre des revenus perçus en 2021 tandis que son fils, ayant trois enfants à charge, n'a disposé que de revenus pour un montant de 3 975 euros au titre de cette même année. Enfin, il n'est pas contesté que le montant de la pension de retraite dont bénéficie Mme A... B... correspond à celui du salaire moyen en Algérie.

8. En dernier lieu, le livre II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile régit la situation des citoyens de l'Union européenne et des membres de leur famille. Aux termes de l'article L. 251-1 du même code : " L'autorité administrative compétente peut, par décision motivée, obliger les étrangers dont la situation est régie par le présent livre, à quitter le territoire français lorsqu'elle constate les situations suivantes : / 1° Ils ne justifient plus d'aucun droit au séjour tel que prévu par les articles L. 232-1, L. 233-1, L. 233-2 ou L. 233-3 ; / 2° Leur comportement personnel constitue, du point de vue de l'ordre public ou de la sécurité publique, une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société ; / 3° Leur séjour est constitutif d'un abus de droit. / (...) / L'autorité administrative compétente tient compte de l'ensemble des circonstances relatives à leur situation, notamment la durée du séjour des intéressés en France, leur âge, leur état de santé, leur situation familiale et économique, leur intégration sociale et culturelle en France, et l'intensité des liens avec leur pays d'origine. ". L'article L. 200-4 du même code dispose que : " Par membre de famille d'un citoyen de l'Union européenne, on entend le ressortissant étranger, quelle que soit sa nationalité, qui relève d'une des situations suivantes : / (...) / 4° Ascendant direct à charge du citoyen de l'Union européenne ou de son conjoint ".

9. En application de ces dispositions, un ressortissant français, lorsqu'il réside en France, n'exerce pas un droit qui lui serait ouvert en qualité de citoyen de l'Union européenne au sens et pour l'application de la directive 2004/38/CE relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres, transposée par les articles L. 200-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette directive ne s'appliquant qu'aux citoyens de l'Union qui, faisant usage de leur droit de libre circulation, se rendent ou séjournent dans un Etat membre autre que celui dont ils ont la nationalité, ainsi qu'aux membres de leur famille qui les accompagnent ou les rejoignent. Ainsi, Mme A... B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif qu'elle est ascendante à charge de ressortissants de l'Union européenne dès lors que ces enfants sont des ressortissants français qui, résidant en France, ne relèvent pas des dispositions précitées.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme à verser à Mme A... B... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.

Article 2 : La requête de Mme A... B... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... B..., à Me Armand Cohen Drai et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 29 février 2024, à laquelle siégeaient :

M. Barthez, président,

M. Lafon, président assesseur,

Mme Restino, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 mars 2024.

Le président rapporteur,

A. Barthez

L'assesseur le plus ancien

dans l'ordre du tableau,

N. Lafon

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL01372 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01372
Date de la décision : 14/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BARTHEZ
Rapporteur ?: M. Alain BARTHEZ
Rapporteur public ?: M. CLEN
Avocat(s) : COHEN DRAI

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-14;23tl01372 ?
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