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19/03/2024 | FRANCE | N°23TL00980

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 19 mars 2024, 23TL00980


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2022 par lequel la préfète de Vaucluse lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2300047 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :



Par une ordonnance de renvoi n° 23MA01060 du 28 avril 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... C... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2022 par lequel la préfète de Vaucluse lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2300047 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une ordonnance de renvoi n° 23MA01060 du 28 avril 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis à la cour administrative d'appel de Toulouse, en application des dispositions de l'article R. 351-3 du code de justice administrative, le dossier de la requête présentée par M. A... C..., le 27 avril 2023.

Par cette requête, M. A... C..., représenté par Me Bouzid, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 24 mars 2023 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2022 par lequel la préfète de Vaucluse lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " travailleur saisonnier " dans un délai de huit jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 200 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence de son auteur ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale en raison de l'illégalité entachant la décision portant refus de titre de séjour ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il remplit l'ensemble des conditions pour obtenir de plein droit la délivrance d'un titre de séjour pluriannuel portant la mention " travailleur saisonnier ".

La requête a été communiquée à la préfète de Vaucluse qui n'a pas produit d'observations en dépit de la mise en demeure qui lui a été adressée, sur le fondement de l'article R. 612-3 du code de justice administrative, par un courrier du 7 novembre 2023.

M. A... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Toulouse du 25 août 2023.

Par une ordonnance du 15 décembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 janvier 2024, à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord du 9 octobre 1987 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code du travail ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Le rapport de Mme El Gani-Laclautre a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... C..., ressortissant marocain, né le 6 février 1993, a obtenu un titre de séjour portant la mention " travailleur saisonnier ", valable du 12 octobre 2021 au 11 décembre 2022 dont il a sollicité le renouvellement le 15 novembre 2022. Par un arrêté du 3 décembre 2022, la préfète de Vaucluse lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... C... relève appel du jugement du 24 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes du jugement attaqué que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à chacun des arguments soulevés par les parties, a cité les textes dont il a fait application et précisé les motifs de fait et de droit retenus pour écarter chacun des moyens invoqués par M. A... C.... Par suite, l'appelant n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier sur ce point.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :

3. En premier lieu, d'une part, l'accord franco-marocain renvoie, sur tous les points qu'il ne traite pas, à la législation nationale, en particulier aux dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour autant qu'elles ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord. D'autre part, aux termes de l'article L. 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce un emploi à caractère saisonnier, tel que défini au 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail, et qui s'engage à maintenir sa résidence habituelle hors de France, se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier " d'une durée maximale de trois ans. / Cette carte peut être délivrée dès la première admission au séjour de l'étranger. / Elle autorise l'exercice d'une activité professionnelle et donne à son titulaire le droit de séjourner et de travailler en France pendant la ou les périodes qu'elle fixe et qui ne peuvent dépasser une durée cumulée de six mois par an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail ". L'article L. 432-2 du même code dispose, dans sa rédaction applicable au litige, que : " Le renouvellement d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être refusé à l'étranger qui cesse de remplir l'une des conditions exigées pour la délivrance de cette carte dont il est titulaire (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-3 du code du travail : " I. - L'étranger qui bénéficie de l'autorisation de travail prévue par l'article R. 5221-1 peut, dans le respect des termes de celle-ci, exercer une activité professionnelle salariée en France lorsqu'il est titulaire de l'un des documents et titres de séjour suivants : (...) / 5° La carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier ", délivrée en application de l'article L. 421-34 du même code [code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile] (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-23 du même code : " Un étranger peut occuper un ou plusieurs emplois saisonniers dont la durée cumulée ne peut excéder six mois par an ". Aux termes de l'article R. 5221-24 de ce code : " L'étranger justifiant d'un contrat de travail d'une durée d'au moins trois mois obtient, sous réserve du respect des conditions mentionnées aux articles R. 5221-20 et R. 5221 -21, l'autorisation de travail correspondant au premier emploi saisonnier et prenant la forme d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention "travailleur saisonnier" ".

4. Il résulte de ces dispositions qu'elles limitent la durée du séjour des titulaires de la carte portant la mention " travailleur saisonnier " à une durée cumulée de six mois par an.

5. Pour soutenir qu'il pouvait prétendre au renouvellement de son titre de séjour en qualité de travailleur saisonnier, M. A... C... se prévaut d'une part, de la possession d'une autorisation de travail visée par l'autorité compétente, de la conclusion d'un contrat de travail saisonnier et de la possession de bulletins de salaire et, d'autre part, de la circonstance selon laquelle la durée de six mois prévue à l'article L. 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se compute par année civile et non de manière glissante au regard de la période de douze mois précédant la date d'expiration de son dernier titre de séjour. Toutefois, s'il est constant que M. A... C... était titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle mention " travailleur saisonnier ", valable du 12 octobre 2021 au 11 décembre 2022, l'autorisant à séjourner et à travailler en France six mois au titre de chacune des années 2021 et 2022, et à supposer que le calcul des six mois de présence en France s'opère, ainsi qu'il le soutient, par année civile et non par année glissante, il ressort toutefois des cachets apposés sur son titre de voyage délivré par les autorités marocaines qu'au cours de l'année civile 2022, l'intéressé n'a séjourné au Maroc que du 4 au 19 septembre 2022 et du 2 au 12 mars 2022 et que s'il a quitté la France le 4 septembre 2022, il y est revenu dès le 19 septembre 2022 de sorte qu'il doit être regardé comme totalisant un séjour d'une durée supérieure à six mois en France au cours de l'année civile 2022. Si l'intéressé produit des témoignages selon lesquels il a quitté le territoire français pour séjourner en Espagne, à Figueres, du 14 mars au 25 août 2022, ces attestations, qui émanent de proches et ne sont assorties d'aucun autre justificatif circonstancié attestant de sa présence sur le territoire espagnol, sont dépourvues de valeur probante. Dès lors que, en application de l'article L. 432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, M. A... C... ne s'est pas conformé à son engagement à maintenir sa résidence habituelle hors de France, la préfète de Vaucluse n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 421-34 du même code en refusant, pour ce motif, le renouvellement de son titre de séjour portant la mention " travailleur saisonnier ".

6. En second lieu, compte tenu de la durée et des conditions du séjour en France de M. A... C... au cours de l'année 2022, la préfète de Vaucluse, n'a pas, en refusant le renouvellement de son titre de séjour, entaché sa décision d'une erreur manifeste quant aux conséquences qu'elle emporte sur sa situation personnelle.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté en litige par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal au point 2 du jugement attaqué.

8. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors en vigueur : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. / Dans le cas prévu au 3° de l'article L. 611-1 [étranger s'étant vu refuser la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour], la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. (...) ". Dès lors que la décision obligeant l'appelant à quitter le territoire a été prise sur le fondement d'un refus de titre de séjour lui-même motivé en ce qu'il comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ainsi que l'a jugé le tribunal au point 3 du jugement attaqué, elle n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte, conformément aux dispositions de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

9. En troisième lieu, le moyen tiré de ce que la décision par laquelle la préfète de Vaucluse a fait obligation à M. A... C... de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux retenus aux points 3 à 6.

10. En quatrième et dernier lieu, lorsque la loi prescrit l'attribution de plein droit d'un titre de séjour à un étranger, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'obligation de quitter le territoire français. Tel n'est pas le cas de la mise en œuvre des dispositions de l'article L. 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles ne prescrivent pas la délivrance d'un titre de plein droit. Dès lors que le dépôt d'une demande de titre de séjour en qualité de travailleur saisonnier sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne conduit en tout état de cause pas à la délivrance d'un titre de séjour de plein droit et que M. A... C... ne fait valoir aucun motif susceptible d'entraîner l'attribution de plein droit d'un titre de séjour sur un autre fondement, la préfète de Vaucluse pouvait légalement lui faire obligation de quitter le territoire français.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de Vaucluse du 3 décembre 2022. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE:

Article 1 : La requête de M. A... C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 5 mars 2024, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 mars 2024.

La rapporteure,

N. El Gani-LaclautreLe président,

É. Rey-Bèthbéder

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00980


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00980
Date de la décision : 19/03/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. REY-BÈTHBÉDER
Rapporteur ?: Mme Nadia EL GANI-LACLAUTRE
Rapporteur public ?: Mme PERRIN
Avocat(s) : BOUZID AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-03-19;23tl00980 ?
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