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05/07/2005 | FRANCE | N°04VE01417

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3eme chambre, 05 juillet 2005, 04VE01417


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société GRIF, dont le siège est ..., par le cabinet Grange et associés ;
>Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés le...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société GRIF, dont le siège est ..., par le cabinet Grange et associés ;

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire, enregistrés les 21 avril et 5 mai 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par lesquels la société GRIF demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 3 de l'ordonnance n° 0305117 et n° 0305115 du 19 février 2004, par laquelle la présidente de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Versailles a rejeté le surplus des conclusions de la demande n° 0305117 ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 39 343, 56 euros, majorée des intérêts moratoires, ces intérêts étant capitalisés ;

3°) de condamner l'Etat à lui verser 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l'ordonnance attaquée a été rendue en violation du principe du contradictoire, dès lors qu'elle n'a bénéficié que d'une seule journée pour répondre à la fin de non-recevoir opposée par le ministre de la défense à ses conclusions tendant au paiement d'une somme de 29 098 euros ; qu'en raison du caractère extracontractuel de sa réclamation, les stipulations de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux ne lui étaient pas opposables ; qu'en tout état de cause, à supposer même que les prestations hors marché dont elle demande l'indemnisation aient été soumises à ces stipulations, le ministre de la défense a déclaré y renoncer devant le comité consultatif de règlement amiable des litiges ; que le premier juge n'a pas répondu à son moyen tiré de la renonciation du ministre de la défense au bénéfice de la clause prévue à l'article 13.44 du CCAG ;

.........................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 modifié approuvant le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

Vu le code civil ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 juin 2005 :

- le rapport de M. Bresse, premier conseiller ;

- les observations de Me X..., pour la société GRIF ;

- et les conclusions de Mme Barnaba, commissaire du gouvernement ;

Considérant que, par ordonnance du 19 février 2004, la présidente de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Versailles, statuant en application des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, a condamné l'Etat à verser à la société GRIF une somme de 10 245,56 euros que le directeur de l'établissement du génie de Versailles reconnaissait expressément lui devoir en contrepartie de travaux de revêtements de sols ; qu'en revanche, par la même ordonnance, en son article 3, elle a rejeté comme irrecevables les conclusions présentées par la société GRIF tendant au versement d'une somme de 29 098 euros correspondant à l'indemnisation de travaux supplémentaires réalisés par cette société ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : L'instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l'urgence ; que ces dispositions s'imposent même dans les cas où il est fait application des dispositions de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la société GRIF n'a bénéficié, en première instance, que d'une journée pour répondre au mémoire contenant la fin de non-recevoir, tirée par le ministre de la défense, du non respect par la requérante des stipulations de l'article 13.44 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés de travaux qui constituait un élément nouveau susceptible d'exercer une influence sur la décision ; que la société GRIF est, dès lors, fondée à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance attaquée en tant qu'elle a rejeté comme manifestement irrecevables ses conclusions tendant au versement d'une somme de 29 098 euros majorée des intérêts moratoires ; que, par suite, il y a lieu, dans cette seule mesure, pour la Cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions présentées par la société GRIF devant le Tribunal administratif de Versailles tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 29 098 euros, correspondant au montant des travaux supplémentaires qu'elle a réalisés ;

Sur les conclusions tendant à la condamnation de l'Etat à verser à la société GRIF une indemnité de 29 098 euros :

Considérant, en premier lieu, que le 11 février 1998, le directeur de l'établissement du génie de Versailles a passé avec un groupement dont faisait partie la société GRIF un marché de travaux relatif à la construction d'un centre de production alimentaire sur le site du camp militaire de Satory à Versailles ; qu'il n'est pas contesté que les stipulations du CCAG des marchés publics de travaux étaient applicables à ce marché en vertu de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières ; qu'aux termes de l'article 13.44 de ce cahier : L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'oeuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois. Il est de quarante-cinq jours, dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. Si la signature du décompte général est donnée sans réserve, cette acceptation lie définitivement les parties, sauf en ce qui concerne le montant des intérêts moratoires ; ce décompte devient ainsi le décompte général et définitif du marché. Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'oeuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article. (...) ; qu'aux termes de l'article 13.45 de ce même cahier : Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'oeuvre le décompte général signé dans le délai de trente jours ou de quarante-cinq jours, fixé au 44 du présent article, ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté que la société GRIF a dû réaliser des travaux supplémentaires dont l'unique objet était de réparer les dégâts provoqués par la société Décoglace et par le service central des études et réalisations du commissariat de l'armée de terre, sur des carreaux du carrelage qu'elle avait posé au titre du marché passé le 11 février 1998 ; que ces travaux de réparation, dont la nature ne se distinguait pas de celle des travaux prévus par ce contrat, étaient indispensables à la bonne exécution de l'ouvrage et au respect des obligations contractuelles de la société GRIF, alors même que les dégradations ne lui sont pas imputables ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient la requérante, ces travaux supplémentaires ont été réalisés dans le cadre contractuel fixé par le marché conclu le 11 février 1998 ; que la circonstance que le ministre de la défense ait accepté de régler le 22 février 2003 une commande hors marché du même type est sans incidence sur la qualification des travaux ; que, par suite, le paiement desdits travaux était soumis au respect des stipulations de l'article 13.44 précitées ; qu'il suit de là que la société GRIF n'est pas fondée à soutenir que ces stipulations n'étaient pas opposables à la réclamation par laquelle elle a revendiqué le paiement desdits travaux ;

Considérant, en troisième lieu, que la société GRIF soutient qu'en tout état de cause, les stipulations de l'article 13.44 précitées n'étaient pas applicables dès lors que le ministre de la défense avait déclaré y renoncer devant le comité consultatif national de règlement amiable des litiges relatifs aux marchés publics ; que, toutefois, la circonstance que le ministre a consenti, dans le cadre d'une procédure de conciliation n'ayant donné lieu à aucune transaction, à ne pas invoquer ces stipulations, ne fait pas obstacle à ce qu'il puisse ultérieurement les invoquer devant la juridiction administrative ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 13-52 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux : Le mandataire ou l'entrepreneur est seul habilité à présenter les projets de décompte et à enregistrer le décompte général et qu'aux termes de l'article 3-3-4 du cahier des clauses administratives particulières : Par dérogation aux articles 13-41 et 13-42 du cahier des clauses administratives générales, le décompte général sera établi par le directeur de l'établissement du génie de Versailles (PRM) et notifié par lettre recommandée avec accusé de réception ; qu'il résulte de l'instruction et notamment des documents produits par le ministre de la défense que le décompte général a été régulièrement signé par le colonel, directeur de l'établissement du génie de Versailles et a été notifié au mandataire du groupement d'entreprises auquel appartenait la société GRIF, à savoir la société Sicra, par lettre recommandée dont cette société a accusé réception le 20 septembre 2000 ; qu'en conséquence, le moyen selon lequel les délais de contestation du décompte général n'auraient pas couru à défaut de preuve de sa notification dans les formes prévues manque en fait ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction, que, d'une part, le décompte général notifié le 20 septembre 2000 au mandataire du groupement dont faisait partie la société GRIF a été contesté par un mémoire en réclamation envoyé par la société GRIF le 9 novembre 2000, soit postérieurement à l'expiration du délai de quarante-cinq jours prévu par l'article 13.44 précité ; que, d'autre part, et en tout état de cause, la société GRIF n'a pas contesté, par un mémoire en réclamation motivé conformément aux stipulations précitées de l'article 13.45 du CCAG, le décompte général rectifié qui lui a été notifié le 30 mai 2001, et sur lequel elle s'est contentée d'émettre des réserves ; qu'ainsi que le fait valoir le ministre de la défense, la réclamation de la société GRIF est entachée de forclusion ; que, par suite, les conclusions de sa demande tendant au versement d'une indemnité de 29 098 euros, majorée des intérêts moratoires capitalisés, correspondant aux travaux supplémentaires qu'elle a réalisés sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant au versement des intérêts moratoires à compter du 15 février 2000 sur le solde du marché, soit la somme de 10 245 euros :

Considérant que, par l'ordonnance attaquée, la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Versailles a fait droit à la demande de la société GRIF de condamnation de l'Etat à lui verser, au titre du solde du marché, la somme de 10 245 euros avec intérêts à compter du 6 novembre 2000 ; que la société demande que le point de départ des intérêts moratoires soit avancé au 15 février 2000 ; que ces conclusions qui ont été présentées dans un mémoire enregistré au greffe de la Cour le 25 avril 2005 n'ont pas été formulées dans le délai imparti à la société pour interjeter appel ; qu'elles ne répondent donc pas aux prescriptions de l'article R 811-2 du code de justice administrative relatif au délai d'appel et ne sont, par suite, pas recevables sans qu'y fasse obstacle le fait que le droit au paiement des intérêts moratoires constitue une règle d'ordre public à laquelle les parties ne peuvent renoncer contractuellement ;

Sur les intérêts des intérêts :

Considérant que la société GRIF a demandé la capitalisation au 13 février 2005 des intérêts afférents à l'indemnité d'un montant de 10 245 euros que le tribunal administratif de Versailles lui a accordée ; qu'à cette date, au cas où l'ordonnance attaquée n'aurait pas encore été exécutée, il était dû au moins une année d'intérêts depuis la dernière demande de capitalisation portée devant le tribunal administratif et acceptée par lui au 13 février 2004 ; que, dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à cette demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions tendant au remboursement des frais exposés présentées par la société GRIF doivent être rejetées dès lors que le ministre de la défense n'est pas, pour l'essentiel, la partie perdante ;

DECIDE :

Article 1er : L'article 3 de l'ordonnance n° 0305117 et n° 0305115 en date du 19 février 2004 de la présidente de la 4ème chambre du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la demande n° 03VE05117 présentée par la société GRIF devant le Tribunal administratif de Versailles tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité de 29 098 euros, majorée des intérêts moratoires capitalisés, sont rejetées.

Article 3 : Les intérêts afférents à l'indemnité de 10 245 euros que l'Etat a été condamné à payer à la société GRIF, par l'article 2 de l'ordonnance de la présidente de la 4ème chambre du tribunal administratif de Versailles en date du 19 février 2004 et échus le 13 février 2005, seront capitalisés à cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de la société GRIF est rejeté.

04VE01417 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 04VE01417
Date de la décision : 05/07/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRIN
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: Mme BARNABA
Avocat(s) : RAMDENIE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2005-07-05;04ve01417 ?
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