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24/01/2006 | FRANCE | N°04VE00802

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4eme chambre, 24 janvier 2006, 04VE00802


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour Mme Y... épouse demeurant ..., par Me X..., avocat au barreau de l'Essonne ;

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u la requête, enregistrée le 2 mars 2004 au greffe de la Cour adm...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour Mme Y... épouse demeurant ..., par Me X..., avocat au barreau de l'Essonne ;

Vu la requête, enregistrée le 2 mars 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle Mme épouse demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 005498 en date du 4 décembre 2003 en tant que, par ce jugement, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1993 et 1994 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de condamner l'Etat au paiement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient qu'au cours de l'examen de situation fiscale personnelle dont elle a fait l'objet, l'administration a exercé son droit de communication le 26 mars 1996 auprès du juge d'instruction chargé du dossier pénal de M. , qui était alors son concubin ; que le service a eu accès au procès-verbal du 28 juin 1995 par lequel M. reconnaît avoir commis des faits délictueux ; que l'administration s'est appuyée sur les éléments prétendument contenus dans ce procès-verbal pour refuser la limitation du redressement litigieux qui lui a été notifié à 30 % des crédits d'origine indéterminée ; qu'il résulte des principes dégagés par la jurisprudence que l'administration doit informer préalablement le contribuable de son intention de consulter les pièces détenues par un tiers en lui indiquant qu'il peut en obtenir la communication et doit également lui proposer un entretien contradictoire ; qu'en l'espèce, l'administration ne l'a informée que par lettre du 27 mai 1997, soit postérieurement à l'exercice de son droit de communication et ne lui a pas proposé un entretien contradictoire sur les éléments recueillis ; que la procédure se trouve par suite entachée d'une irrégularité substantielle au sens de l'article L 80 CA du livre des procédures fiscales ; qu'il appartient à l'administration fiscale d'établir que l'agent qui a exercé le droit de communication avait le grade exigé par les dispositions de l'article R. 81-1 du livre des procédures fiscales ; que, en dépit de sa demande en date du 30 juin 1997 tendant à ce que lui soient communiqués les documents que l'administration avait obtenus dans l'exercice de son droit de communication, celle-ci ne lui a pas transmis le procès-verbal d'audition de M. du 26 mars 1996 sur lequel elle s'est fondée pour procéder à la détermination de l'assiette de l'imposition supplémentaire mise à sa charge ; que cette irrégularité est substantielle au sens de l'article L 80 CA du livre des procédures fiscales ; qu'en outre, alors que l'administration a retenu des revenus d'origine indéterminée dans la base des impositions établies à son encontre, l'avis d'imposition du 31 octobre 1997 mentionne des revenus de capitaux mobiliers qui n'ont donné lieu à aucune notification ; que l'administration ne pouvait ignorer l'existence de l'activité de revente de véhicules d'occasion exercée par M. , dont elle était à l'époque la concubine ; que cette activité donnait lieu à des versements sur son propre compte bancaire ; que l'administration était par suite tenue de rattacher ses revenus à la catégorie appropriée ; qu'en s'abstenant de déterminer la qualification de ses revenus, l'administration a entaché la procédure d'irrégularité ; que, dans la mesure où elle vivait maritalement avec M. , des transferts financiers entre leurs comptes bancaires étaient inévitables ; qu'il devait être tenu compte de ces transferts afin d'éviter une situation de double imposition ; que des recettes réalisées par M. dans l'exercice de son activité de revente de véhicules ayant été portées au crédit de son propre compte bancaire, c'est à tort que ces recettes ont été retenues en totalité par l'administration, sans tenir compte des frais occasionnés par l'achat de pièces détachées pour permettre la remise en état des véhicules avant leur revente ; que dans son arrêt du 17 mai 2000, la Cour d'appel de Paris, statuant sur l'activité exercée par M. , a considéré que cette activité avait porté sur 22 véhicules et avait rapporté à ce dernier en moyenne 7 000 F par véhicule ; qu'ainsi, le juge pénal a reconnu que le bénéfice procuré par cette activité ne correspondait pas au seul prix de revente mais à un montant tenant compte des frais de remise en état ; que l'analyse du tribunal selon laquelle la décision de la Cour d'appel n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée à l'égard de la fixation des revenus imposables est erronée ; que les constatations de fait opérées par le juge pénal s'imposent au juge de l'impôt, comme le rappelle la doctrine de l'administration mentionnée dans la documentation administrative 13 O-134 du 30 avril 1996 ; que, dès lors que la procédure est irrégulière et que l'imposition n'est pas fondée, les pénalités doivent également être déchargées ;

………………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 janvier 2006 :

- le rapport de Mme Barnaba, premier conseiller ;

- et les conclusions de Mme Colrat, commissaire du gouvernement ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne l'exercice du droit de communication :

Considérant qu'il résulte des termes mêmes de la notification de redressement du 18 décembre 1996 que les redressements qui sont à l'origine des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu assignées à Mme au titre des années 1993 et 1994 ont été opérés sur la seule base des crédits inscrits sur les relevés de son compte bancaire, dont l'origine n'a pas été justifiée par l'intéressée ; que si l'agent vérificateur a exercé son droit de communication auprès du juge d'instruction le 26 mars 1996 et a alors obtenu la communication d'un procès-verbal d'audition de M. , avec lequel Mme vivait maritalement avant de l'épouser le 23 mai 1998, les informations contenues dans ce document établi le 28 juin 1995, qui consistent en l'énumération de diverses infractions reconnues par son concubin, n'ont pas fondé les redressements opérés à l'égard de la requérante ;

Considérant, par suite, qu'est inopérant le moyen invoqué par Mme et tiré de ce que la procédure d'imposition aurait été irrégulière aux motifs que l'agent qui a exercé le droit de communication n'aurait pas été, en application de l'article R. 81 ;1 du livre des procédures fiscales, au nombre des agents qualifiés pour accomplir un tel acte et que l'administration ne l'aurait ni informé de la mise en oeuvre de ce droit, ni mis à même de discuter les éléments obtenus auprès de l'autorité judiciaire, ni communiqué les documents en cause en dépit de sa demande ;

En ce qui concerne la taxation d'office de revenus d'origine indéterminée :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : « En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. (…) Elle peut également lui demander des justifications lorsqu'elle a réuni des éléments lui permettant d'établir que le contribuable peut avoir des revenus plus importants que ceux qu'il a déclarés. (…) » ; que l'article L. 16 A du même livre dispose : «Les demandes d'éclaircissements et de justifications fixent au contribuable un délai de réponse qui ne peut être inférieur à deux mois. (…)» ; qu'aux termes de l'article L. 69 de ce livre : « Sous réserve des dispositions particulières au mode de détermination des bénéfices industriels et commerciaux, des bénéfices agricoles et des bénéfices non commerciaux, sont taxés d'office à l'impôt sur le revenu les contribuables qui se sont abstenus de répondre aux demandes d'éclaircissements ou de justifications prévues à l'article L. 16. » ;

Considérant que Mme épouse a fait l'objet d'un examen contradictoire de sa situation fiscale personnelle portant sur ses revenus des années 1993 et 1994 ; que le service, ayant constaté une discordance entre les crédits bancaires et les revenus déclarés par l'intéressée, lui a adressé le 9 octobre 1996 une demande d'éclaircissements et de justifications à laquelle elle n'a pas répondu dans le délai de deux mois qui lui était imparti ; qu'elle se trouvait, par suite, en situation de taxation d'office en application des dispositions précitées des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales ; que, dans ce cas, l'administration n'est pas tenue de rattacher à une catégorie particulière de revenus les sommes qu'elle retient comme bases d'imposition ;

Considérant que si, dans l'avis d'imposition, le montant des sommes litigieuses a été porté dans la colonne réservée aux revenus de capitaux mobiliers, cette erreur, qui affecte un document destiné à l'information du contribuable, est sans incidence sur la régularité des impositions contestées ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'en vertu de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales, Mme épouse , dont les rehaussements d'impôt sur le revenu ont été régulièrement taxés d'office en application des articles L.16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, a la charge de la preuve du caractère exagéré des bases imposables retenues par l'administration ;

Considérant que, pour obtenir la décharge des impositions qui lui ont été assignées, Mme épouse invoque un risque de double taxation en faisant valoir que les montants inscrits au crédit de son compte bancaire correspondent soit à des virements en provenance du compte bancaire de M. , avec lequel elle vivait alors maritalement, soit à des sommes que celui-ci lui a remises en espèces et qu'elle a déposées sur le compte dont elle est titulaire ; qu'en outre, se prévalant de ce que les sommes en cause proviennent de l'activité de revente de véhicules d'occasion exercée par son concubin, elle soutient qu'il appartenait à l'administration de tenir compte des dépenses engagées par celui-ci lors de l'achat de ces véhicules et de leur remise en état avant leur revente, nonobstant la circonstance qu'il a exercé cette activité de manière occulte ; qu'à cet égard, se référant à l'instance pénale à laquelle a donné lieu le trafic de voitures dans lequel était impliqué M. , Mme épouse soutient qu'en ne retenant pas l'évaluation du bénéfice procuré par la revente de véhicules, telle que, selon elle, la Cour d'appel de Paris l'aurait fixée dans son arrêt du 17 mai 2000 rendu en matière correctionnelle et devenu définitif, le tribunal administratif de Versailles aurait méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attache à cette décision ;

Considérant, d'une part, que, selon les termes de la notification de redressement en date du 18 décembre 1996, les sommes correspondant aux virements provenant du compte bancaire de M. et ayant alimenté celui de Mme épouse n'ont pas été prises en compte dans la base imposable de cette dernière ; que les montants de ces virements et les dates auxquelles ils sont intervenus, dont la liste figure dans la notification, ont été arrêtés au cours d'un entretien entre le vérificateur et Mme épouse qui s'est tenu le 2 décembre 1996 ; que cette dernière n'invoque pas le caractère incomplet ou inexact de l'énumération de ces sommes ;

Considérant, d'autre part, que, ainsi qu'il a été indiqué ci-dessus, l'imposition litigieuse mise à la charge de Mme épouse a été établie sur la base de crédits bancaires dont l'origine n'a pas été justifiée par l'intéressée et non sur la base de bénéfices provenant d'une activité de revente de véhicules d'occasion, qui n'était d'ailleurs pas exercée par la requérante ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration aurait utilisé une méthode d'évaluation erronée en ne tenant pas compte d'une marge bénéficiaire habituellement admise pour cette profession et de ce que le tribunal aurait méconnu l'autorité de la chose jugée qui s'attacherait, selon elle, à l'arrêt susmentionné du 17 mai 2000 de la Cour d'appel de Paris, statuant en matière correctionnelle, est inopérant ; que, par voie de conséquence, la requérante ne saurait davantage se prévaloir des principes rappelés par la documentation administrative de base référencée 13 O-134 et mise à jour le 30 avril 1996, relative à la portée des décisions rendues par le juge pénal ;

Considérant, enfin, que Mme épouse n'établit par aucun document probant le caractère exagéré des impositions qu'elle conteste ;

Sur les pénalités :

Considérant que la requérante n'invoque aucun moyen à l'appui de ses conclusions tendant à la décharge des intérêts de retard dont ont été assorties les impositions qui lui ont été assignées ; que par suite, ces conclusions ne peuvent qu'être rejetées ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme épouse n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761 ;1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme Y... épouse est rejetée.

04VE00802 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4eme chambre
Numéro d'arrêt : 04VE00802
Date de la décision : 24/01/2006
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. GIPOULON
Rapporteur ?: Mme Françoise BARNABA
Rapporteur public ?: Mme COLRAT
Avocat(s) : SELARL DUBAULT-BIRI et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-01-24;04ve00802 ?
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