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21/02/2006 | FRANCE | N°03VE03765

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3eme chambre, 21 février 2006, 03VE03765


Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société DUBIX-ESB, dont le siège social est rue Pasteur BP 6 à Rosières Près

Troyes (10430), par Me X... ;

Vu la requête, enregistrée le 16 ...

Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles R.221-3, R.221-4, R.221-7 et R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société DUBIX-ESB, dont le siège social est rue Pasteur BP 6 à Rosières Près Troyes (10430), par Me X... ;

Vu la requête, enregistrée le 16 septembre 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle la SOCIETE DUBIX-ESB demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0300732 en date du 4 juillet 2003 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision du 19 décembre 2002 du directeur de l'hôpital gérontologique et médico-social de Plaisir-Grignon de signer avec le groupement Danube international un marché de conception-réalisation d'une blanchisserie et de la décision du 9 janvier 2003 du même directeur rejetant son offre, d'autre part, à ce qu'il soit enjoint à cet hôpital de résilier sous astreinte le marché conclu avec le groupement Danube international ;

2°) d'annuler les décisions susvisées du 19 décembre 2002 et du 9 janvier 2003 ;

3°) d'enjoindre l'hôpital gérontologique et médico-social de Plaisir-Grignon de résilier le marché conclu avec le groupement Danube international sous astreinte de 3 048,98 € par jour de retard après l'expiration d'un délai de deux mois courant à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de condamner l'hôpital gérontologique et médico-social de Plaisir-Grignon à lui verser une somme de 4 000 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que les décisions attaquées sont entachées d'incompétence de leur auteur dès lors qu'en vertu des articles L.6143-1 et L.6143-7 du code de la santé publique, le conseil d'administration délibère sur les programmes d'investissement relatifs aux travaux et équipements matériels lourds et que la délibération du conseil d'administration du 14 octobre 2002 ne mentionne ni l'identité de la société attributaire ni le montant du marché ; que les mêmes décisions sont intervenues en violation de l'article 76 du code des marchés publics dès lors que la formalité substantielle de l'information du candidat évincé avant la passation du marché a été méconnue ; que la procédure d'appel d'offres restreint est entachée d'irrégularité dès lors qu'en violation de l'article 42 du code des marchés publics et de l'arrêté du 28 août 2001 pris pour son application, les avis de publicité et le règlement de consultation ont omis de préciser les modalités essentielles de financement et de paiement du marché, omission que la référence à l'acte d'engagement et au cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ne pouvait remplacer ; que la même procédure est entachée d'irrégularité dès lors que les avis publics de mise en concurrence exigeaient des certificats de capacité délivrés par des maîtres d'ouvrage ou des maîtres d'oeuvre, documents soit non prévus par l'article 45 du code des marchés publics et par l'arrêté du 28 août 2001, soit trop restrictifs au regard des dispositions de l'arrêté du 7 novembre 2001 ; que la procédure d'examen des offres est entachée d'irrégularité au regard de l'article 71 du code des marchés publics dès lors que le jury a fait appel à un collège d'experts extérieur pour la préparation de l'analyse des offres et que seul son rapport du 16 décembre 2002, sans autre intervention du jury, a été à l'origine de la décision du 19 décembre 2002 ; que le choix du groupement Danube international au détriment de la requérante est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

…………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics annexé au décret n° 2001-210 du 7 mars 2001 ;

Vu les arrêtés du 28 août 2001 pris respectivement en application des articles 42 et 45 du code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 janvier 2006 :

- le rapport de M. Dacre-Wright, président ;

- les observations de Me Y... pour la société DUBIX-ESB et de Me Z... pour l'hôpital gérontologique et médico-social de Plaisir-Grignon ; la société DUBIX-ESB prend acte des pièces produites par l'hôpital desquelles il résulte que le marché a été entièrement exécuté, demande à la Cour, nonobstant la clôture de l'instruction, de ne pas différer sa décision et déclare expressément se désister de ses conclusions d'injonction ;

- les conclusions de M. Bresse, commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions des 19 décembre 2002 et 9 janvier 2003 :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'hôpital gérontologique et médico-social de Plaisir-Grignon a émis au mois de janvier 2002 un avis d'appel public à la concurrence pour la conception-réalisation d'une blanchisserie ; que cinq sociétés ont répondu à cet appel dont le groupement Danube international et la société DUBIX-ESB ; que le directeur de l'établissement public a signé, le 19 décembre 2002, l'acte d'engagement du groupement Danube international puis, par une lettre en date du 9 janvier 2003 reçue par l'intéressée le 15 janvier 2003, a informé la société DUBIX-ESB du rejet de son offre ; que le tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de la société DUBIX-ESB tendant à l'annulation de ces deux décisions ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 42 du code des marchés publics annexé au décret du 7 mars 2001 applicable en l'espèce : « Les marchés passés après mise en concurrence font l'objet d'un règlement de consultation. Les mentions figurant dans ce règlement sont précisées par un arrêté du ministre chargé de l'économie. Ce règlement est facultatif si les mentions qui doivent y être portées figurent dans l'avis d'appel public à la concurrence. » ; que l'arrêté du 28 août 2001 pris en application de l'article 42 du code des marchés publics et fixant la liste des mentions devant figurer dans le règlement de consultation précise : « … Renseignements d'ordre juridique, économique, financier et technique… 1.2. Modalités essentielles de financement et de paiement et/ou références des dispositions applicables (le cas échéant) : … » ; que l'obligation de mentionner les modalités essentielles de financement dans l'avis public à la concurrence doit être entendue comme imposant à la collectivité publique d'indiquer, même de manière succincte, la nature des ressources qu'elle entend mobiliser pour financer l'opération faisant l'objet du marché qui peuvent être ses ressources propres, des ressources extérieures publiques ou privées ou des contributions des usagers ; qu'il résulte des termes mêmes des dispositions précitées qu'à défaut de mention de ces indications dans l'avis public à la concurrence, celles-ci doivent apparaître dans le règlement de la consultation ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que ni l'avis du marché en cause, ni le règlement de la consultation, ni aucune des pièces constitutives de ce marché ne comportaient de mention, même succincte, relative aux modalités de son financement telles que définies précédemment ; que l'absence d'une telle mention a entaché la procédure d'un manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence qui incombaient à l'hôpital gérontologique et médico-social de Plaisir-Grignon ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 45 du même code des marchés publics : « A l'appui des candidatures, il ne peut être exigé que : 1° Des renseignements permettant d'évaluer les capacités professionnelles, techniques et financières du candidat… La liste de ces renseignements et documents est fixée par arrêté du ministre chargé de l'économie ; … » ; que l'article 1er de l'arrêté du 28 août 2001 pris en application de l'article 45 du code des marchés publics et fixant la liste des renseignements et/ou documents pouvant être demandés aux candidats aux marchés publics, tel que modifié par un arrêté du 7 novembre 2001, précise : « A l'appui des candidatures et dans la mesure où ils sont nécessaires à l'appréciation des candidats, l'acheteur public ne peut demander que les renseignements ou l'un des renseignements et les documents ou l'un des documents suivants : … - certificats de qualifications professionnelles. L'acheteur dans ce cas doit préciser que la preuve de la capacité de l'entreprise peut être apportée par tout moyen, notamment par des certificats d'identité professionnelle ou des références de travaux attestant de la compétence de l'entreprise à réaliser la prestation pour laquelle elle se porte candidate. » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis d'appel public à la concurrence, qu'il était exigé des candidats, aux fins de démontrer leur compétence à réaliser l'opération dont il s'agit, des « certificats de capacité délivrés par des maîtres d'ouvrage ou des maîtres d'oeuvre » ; que cette exigence excédait, par sa précision restrictive, ce qui pouvait être demandé aux candidats lesquels avaient la faculté, en vertu des dispositions rappelées ci-dessus, d'apporter la preuve de leurs capacités professionnelles par tout moyen, les précisions apportées sur ce point par l'arrêté n'étant données qu'à titre indicatif ; que l'hôpital gérontologique et médico-social de Plaisir-Grignon a ainsi porté atteinte aux règles de mise en concurrence des candidats ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 71 du même code : « … 2. Le jury examine les candidatures. Il dresse un procès-verbal et formule un avis motivé. La liste des candidats admis à concourir est arrêtée par la personne responsable du marché. 3.Les prestations des candidats sont évaluées par le jury … 4. Le jury dresse un procès-verbal de l'examen et formule un avis motivé … » ; qu'il résulte de ces dispositions que, si la personne responsable du marché n'est pas liée par l'avis du jury et s'il lui appartient de recueillir tous les éléments qui lui paraissent utiles avant d'arrêter sa décision, elle ne peut faire procéder par un tiers à un examen comparé des offres qui ait le même objet et soit de même nature que celui que l'article 71 précité a entendu, pour assurer l'impartialité et la transparence de la procédure, réserver au jury ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment du procès-verbal de la réunion du jury en date du 11 septembre 2002, que ce dernier, après avoir classé ex æquo en première position le groupement Danube international et la société DUBIX-ESB en tenant compte d'une étude des offres effectuée par un organisme extérieur dénommé Addenda, a renvoyé le choix définitif de l'entreprise attributaire à la personne responsable du marché ; que le même organisme Addenda a déposé, le 16 décembre 2002, une analyse comparative des offres du groupement et de la société, en particulier en matière de confort thermique et de préservation de l'environnement ; qu'au vu, notamment, de cette analyse à laquelle il se référait explicitement dans le rapport de présentation prévu par l'article 75 du code des marchés publics, le directeur de l'hôpital a pris la décision contestée du 19 décembre 2002 ; qu'en faisant procéder à un examen comparé des deux offres en question par un tiers et en se fondant sur cet examen pour décider lequel des deux candidats serait retenu, alors qu'il appartenait au jury de départager lui-même les deux candidats ex æquo, le directeur de l'hôpital a méconnu les dispositions de l'article 71 rappelé ci-dessus du code des marchés publics ;

Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 76 du même code des marchés publics : « Dès qu'elle a fait son choix sur les candidatures ou sur les offres, la personne responsable du marché avise tous les autres candidats du rejet de leurs candidatures ou de leur offre. » ; et qu'aux termes de l'article L.551-1 du code de justice administrative : « Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation des marchés publics…Les personnes habilitées à agir sont celles qui ont intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par ce manquement… Le président du tribunal administratif peut être saisi avant la conclusion du contrat. Il peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre la passation du contrat… Dès qu'il est saisi, il peut enjoindre de différer la signature du contrat jusqu'au terme de la procédure et pour la durée maximum de vingt jours… » ; qu'il résulte de ces dispositions combinées que la personne responsable d'un marché qui avise les candidats non retenus du rejet de leur offre après la signature du contrat les prive de la garantie essentielle constituée par la possibilité d'exercer le recours prévu par l'article L.551-1 et doit être regardée en conséquence comme ayant contrevenu aux dispositions de l'article 76 précité ;

Considérant qu'en informant la société DUBIX-ESB, par une lettre en date du 9 janvier 2003 reçue par l'intéressée le 15 janvier 2003, que son offre n'était pas retenue alors que l'acte d'engagement du groupement Danube international avait été signé le 19 décembre 2002, la personne responsable du marché l'a privée de la possibilité d'exercer le recours prévu par l'article L.551-1 du code de justice administrative et a, de ce fait, contrevenu aux dispositions rappelées ci-dessus de l'article 76 du code des marchés publics ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la décision du directeur de l'hôpital gérontologique et médico-social de Plaisir-Grignon de signer, le 19 décembre 2002, l'acte d'engagement du groupement Danube international et celle du même directeur, prise corrélativement et notifiée par une lettre du 9 janvier 2003, de rejeter l'offre de la société DUBIX-ESB sont intervenues au terme d'une procédure irrégulière et sont, de ce fait, entachées d'illégalité ; que, dès lors, la société DUBIX-ESB est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces deux décisions ;

Sur les conclusions d'injonction :

Considérant que la société DUBIX-ESB, au vu des pièces produites par l'hôpital gérontologique et médico-social de Plaisir-Grignon établissant qu'à la date du présent arrêt le marché avait été complètement exécuté, a déclaré se désister de ses conclusions tendant à ce qu'il soit prescrit sous astreinte à l'hôpital de le résilier ; qu'en l'absence d'opposition de l'hôpital, rien ne s'oppose à ce qu'il lui en soit donné acte ;

Considérant que, par voie de conséquence de tout ce qui précède, les conclusions de l'hôpital gérontologique et médico-social de Plaisir-Grignon tendant au bénéfice des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'en revanche, il y a lieu, sur le fondement des mêmes dispositions, de mettre à la charge de l'hôpital gérontologique et médico-social de Plaisir-Grignon le paiement à la société DUBIX-ESB d'une somme de 1 500 € au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Il est donné acte à la société DUBIX-ESB du désistement de ses conclusions d'injonction.

Article 2 : Le jugement n° 0300732 du 4 juillet 2003 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 3 : Les décisions du directeur de l'hôpital gérontologique et médico-social de Plaisir-Grignon de signer, le 19 décembre 2002, l'acte d'engagement du groupement Danube international et de rejeter, par une lettre du 9 janvier 2003, l'offre de la société DUBIX-ESB sont annulées.

Article 4 : L'hôpital gérontologique et médico-social de plaisir-Grignon versera à la société DUBIX-ESB une somme de 1 500 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la société DUBIX-ESB et les conclusions de l'hôpital gérontologique et médico-social de Plaisir-Grignon tendant à l'application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

03VE03765 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3eme chambre
Numéro d'arrêt : 03VE03765
Date de la décision : 21/02/2006
Sens de l'arrêt : Satisfaction partielle
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MARTIN
Rapporteur ?: M. Gildas DACRE-WRIGHT
Rapporteur public ?: M. BRESSE
Avocat(s) : SCP CABANES et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-02-21;03ve03765 ?
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