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30/05/2006 | FRANCE | N°05VE01721

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 30 mai 2006, 05VE01721


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 septembre 2005 en télécopie et le 12 septembre 2005 en original, et le mémoire complémentaire, enregistré le 14 novembre 2005, présentés pour la MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « LA SEIGNEURIE », établissement public dont le siège est situé 7 rue Kléber, 93697 Pantin Cedex, représenté par son directeur en exercice, par Me Caston ; la MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « LA SEIGNEURIE » demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0504663 du 25 août 2005 par laquelle le président du Tribunal administratif

de Cergy-Pontoise, statuant en référé, l'a condamnée à verser à M. Michel X, ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 9 septembre 2005 en télécopie et le 12 septembre 2005 en original, et le mémoire complémentaire, enregistré le 14 novembre 2005, présentés pour la MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « LA SEIGNEURIE », établissement public dont le siège est situé 7 rue Kléber, 93697 Pantin Cedex, représenté par son directeur en exercice, par Me Caston ; la MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « LA SEIGNEURIE » demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 0504663 du 25 août 2005 par laquelle le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, statuant en référé, l'a condamnée à verser à M. Michel X, expert, une provision de 151 180,14 € sur le montant des honoraires et frais d'expertise mis à sa charge par une ordonnance en date du 2 mars 2005 ;

2°) de rejeter la demande de provision présentée par M. X au juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

3°) de condamner M. X à lui verser la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle fait valoir que l'ordonnance attaquée est insuffisamment motivée ; qu'elle est entachée d'un défaut d'impartialité constitutif d'une violation des stipulations de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme, en ce que le président du tribunal administratif est l'auteur à la fois de l'ordonnance de taxation et de l'ordonnance de référé provision ; que la créance invoquée n'est pas dépourvue de caractère sérieusement contestable, dans la mesure où elle repose sur l'appréciation de la validité d'une créance dont le juge du fond est saisi ; que les frais d'expertise alloués n'étaient plus exigibles dès lors que l'ordonnance de taxation était l'objet d'une contestation devant le tribunal ; qu'en accordant à M. X une provision égale au montant des frais taxés, l'ordonnance attaquée a préjudicié au principal ; que le montant de ces frais est excessif, compte tenu des sommes déjà allouées à M. X au titre des missions qu'il a exécutées précédemment dans le cadre du même litige et aux diligences réellement accomplies ; que M. X ne présente aucune garantie de restitution de la somme allouée ;

………………………………………………………………………………………….

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, lors de l'audience publique du 16 mai 2006 :

- le rapport de M. Bélaval, président de la Cour ;

- les observations de Me Tendeiro, substituant Me Caston, pour la MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « LA SEIGNEURIE » et de Me Pécheu, substituant Me Bultez, pour M. X ;

- les conclusions de M. Bresse, commissaire du gouvernement ;

Vu la note en délibéré, enregistrée le 18 mai 2006, présentée pour M. X ;

Considérant que par l'ordonnance attaquée, le juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a condamné la MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « LA SEIGNEURIE » à verser à M. X, expert ayant été appelé à intervenir dans le cadre du litige consécutif à l'opération de réhabilitation de la maison de retraite, une provision de 151 180,14 € sur le montant des honoraires dus à cet expert et mis à la charge de l'établissement par une ordonnance de taxation du président du tribunal en date du 2 mars 2005 ; que la MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « LA SEIGNEURIE » fait appel de cette ordonnance ;

Sur les fins de non-recevoir opposées à la requête de la MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « LA SEIGNEURIE » :

Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « LA SEIGNEURIE » est un établissement public social intercommunal, doté de la personnalité juridique ; qu'elle a donc la capacité d'agir elle-même en justice ; qu'eu égard à la procédure particulière, adaptée à la nature de la demande et à la nécessité d'une décision rapide, applicable à une action en référé-provision, le directeur de cet établissement peut agir en justice dans le cadre d'une telle action sans y être habilité par le conseil d'administration ;

Considérant d'autre part que l'ordonnance attaquée a été rendue sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, qui institue une procédure de référé-provision, et non, contrairement à ce que soutient M. X, sur celui de l'article R. 621-12 du même code, qui autorise l'octroi, selon des modalités spécifiques, aux experts qui en font la demande d'une allocation provisionnelle à valoir sur le montant de leurs honoraires ; que par suite M. X n'est pas fondé à invoquer les dispositions de l'alinéa 2 de ce dernier article, aux termes desquelles la décision du président sur l'allocation provisionnelle ne peut faire l'objet d'aucun recours ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'ordonner les productions de documents sollicités par M. X, les fins de non-recevoir qu'il oppose à la requête de la MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « LA SEIGNEURIE » ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions de la requête :

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'au nombre des principes qui régissent la procédure devant le juge administratif figure la règle d'après laquelle un membre d'une juridiction ne peut participer au jugement d'un recours relatif à une décision dont il est l'auteur ; que cette règle interdisait au président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, agissant en qualité de juge des référés de ce tribunal, de statuer sur une demande de provision portant sur les frais et les honoraires dus à un expert en vertu d'une ordonnance de taxation qu'il avait lui-même prise sur le fondement des dispositions des articles R. 621-11 et R. 761-4 du code de justice administrative, dès lors que l'examen du caractère non sérieusement contestable de la créance invoquée par l'expert, qui n'avait pu obtenir le paiement des frais et honoraires taxés, le conduisait, même dans les limites de l'office du juge des référés, à prendre position sur le montant des frais et honoraires susceptible de donner lieu à provision et sur la détermination de la partie au litige devant en supporter la charge ; que dans ces conditions, la MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « LA SEIGNEURIE », alors même qu'elle ne peut utilement invoquer, dans un litige de référé-provision, les stipulations de l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est fondée à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'un manquement au principe d'impartialité et à en demander l'annulation ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de provision présentée par M. X au juge des référés du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : « Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. » ;

En ce qui concerne l'applicabilité de l'article R. 541-1 du code de justice administrative à la demande de M. X :

Considérant qu'il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article R. 541-1 du code de justice administrative qu'elles sont susceptibles, de par leur généralité, d'être invoquées par toute personne pouvant faire valoir à l'encontre d'une personne de droit public une obligation dépourvue de caractère sérieusement contestable ; que par suite l'expert au bénéfice de qui une ordonnance de taxation de ses frais et honoraires a été prise sur le fondement des dispositions combinées des articles R. 621-11 et R. 761-4 du code de justice administrative est en droit de les invoquer lorsqu'il n'a pu obtenir le paiement de ces frais et honoraires de la part de la personne publique à la charge de qui ils ont été mis par ladite ordonnance ; que l'absence de caractère exécutoire d'une telle ordonnance de taxation, qui a la nature d'une décision administrative, ne fait pas obstacle à la recevabilité de la demande de provision ainsi présentée, dès lors que la décision du juge des référés, si elle accueille favorablement ladite demande, aura précisément pour effet de donner à l'expert un titre pour obtenir paiement ; que l'existence d'une contestation de l'ordonnance de taxation formée devant la juridiction à laquelle appartient son auteur, conformément aux dispositions de l'article R. 761-5 du code de justice administrative, et non encore jugée n'est, compte tenu, d'une part, de son absence d'effet suspensif et, d'autre part, du caractère provisoire des mesures que le juge des référés est susceptible d'ordonner, pas davantage de nature à faire par elle même obstacle à la recevabilité de cette demande ; que dans ce cas il appartient seulement au juge des référés d'apprécier, dans les limites de son office et en l'état de l'instruction devant lui, le caractère non sérieusement contestable de l'obligation invoquée, eu égard en particulier aux moyens relatifs à cette contestation qui figurent dans le dossier qui lui est soumis ; qu'il résulte de ce qui précède que M. X est en droit d'invoquer l'article R. 541-1 du code de justice administrative à l'appui de sa demande de provision ;

En ce qui concerne le caractère non sérieusement contestable de l'obligation :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par ordonnance du 3 mars 2005, le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a liquidé et taxé à hauteur de la somme de 151 180,14 € le montant des frais et honoraires dus à M. X et a mis le paiement de cette somme à la charge de la MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « LA SEIGNEURIE » ; qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, ni l'absence de caractère exécutoire de cette ordonnance, ni la circonstance qu'elle fasse l'objet d'une contestation, non encore jugée à la date du présent arrêt, devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, ne sont de nature à rendre sérieusement contestable le principe de l'obligation invoquée par M. X à l'encontre de la MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « LA SEIGNEURIE » ; qu'en l'état de l'instruction, la contestation de celle-ci ne porte pas sur sa désignation par l'ordonnance de taxation en qualité de partie devant assumer la charge des frais et honoraires taxés ; qu'ainsi l'obligation invoquée par M. X doit être regardée comme dépourvue de caractère sérieusement contestable dans son principe ;

En ce qui concerne le montant de l'obligation :

Considérant, en premier lieu, que les dispositions de l'article R. 621-11 du code de justice administrative n'imposent pas que l'état des vacations, frais et débours de l'expert ou du sapiteur soit joint au rapport d'expertise le jour même du dépôt de celui-ci ; que la circonstance que M. X et le sapiteur qui lui était adjoint n'aient déposé l'état sur la base duquel leurs frais et honoraires ont été taxés que postérieurement au dépôt de leur rapport n'est dès lors pas de nature à faire regarder la créance détenue par M. X comme sérieusement contestable à hauteur du montant de l'état en question ;

Considérant, en deuxième lieu, que si la MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « LA SEIGNEURIE » entend critiquer le recensement établi par l'expert des diligences qu'il a accomplies, ainsi que l'évaluation du temps qu'il a consacré à ces diligences et des frais qu'il a exposés, les arguments qu'elle invoque et les éléments qu'elle produit ne sont pas, en l'état de l'instruction et dans les limites de l'office du juge des référés, de nature à faire regarder l'évaluation des frais et honoraires accordés à M. X par l'ordonnance de taxation comme excessive ou manifestement disproportionnée aux exigences de la mission qui lui était confiée ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction que certaines des diligences incluses dans le champ de l'ordonnance de taxation ont été communes aux missions antérieurement confiées à M. X dans le cadre de la même opération et au titre desquelles il a obtenu une rémunération de 2 544,50 € par une ordonnance de taxation du 21 mai 2001 et de 69 535,44 € par une ordonnance de taxation du 19 juillet 2004 ; que M. X n'allègue pas que ces sommes ne lui ont pas été versées ; qu'à hauteur de ces sommes, l'obligation invoquée par M. X ne peut dès lors être regardée comme dépourvue de caractère sérieusement contestable ; qu'il y a lieu par suite de les déduire du montant de l'ordonnance de taxation du 2 mars 2005 pour le calcul de la provision à allouer à M. X ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu de condamner la MAISON DE RETRAITE « LA SEIGNEURIE » à verser à M. X une provision de 79 100,20 € ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de subordonner le versement de cette provision à la constitution d'une garantie ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. X, qui ne saurait être regardé comme la partie perdante dans la présente instance, soit condamné à verser à la MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « LA SEIGNEURIE » la somme que celle-ci réclame sur leur fondement ; qu'en revanche, il y a lieu de condamner la MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « La SEIGNEURIE » à verser sur le même fondement la somme de 1 500 € à M. X ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance du président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 25 août 2005 est annulée.

Article 2 : La MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « LA SEIGNEURIE » est condamnée à verser à M. X une provision de 79 100,20 €.

Article 3 : La MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « LA SEIGNEURIE » est condamnée à verser à M. X la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus de la requête de la MAISON DE RETRAITE INTERCOMMUNALE « LA SEIGNEURIE » et des conclusions de première instance et d'appel de M. X est rejeté.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 05VE01721
Date de la décision : 30/05/2006
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BELAVAL
Rapporteur ?: M. Philippe BELAVAL
Rapporteur public ?: M. BRESSE
Avocat(s) : BULTEZ

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2006-05-30;05ve01721 ?
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