La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/03/2007 | FRANCE | N°06VE01648

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites à la frontière, 06 mars 2007, 06VE01648


Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2006 en télécopie et le 31 juillet 2006 en original, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605513 du 13 juin 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 8 juin 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Ahmed X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Il soutient que c'est à tort que, pour jug

er illégale la décision du 2 mars 2004 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. ...

Vu la requête, enregistrée le 28 juillet 2006 en télécopie et le 31 juillet 2006 en original, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0605513 du 13 juin 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 8 juin 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. Ahmed X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Il soutient que c'est à tort que, pour juger illégale la décision du 2 mars 2004 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M. X en raison du caractère frauduleux du mariage contracté avec une citoyenne française, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a estimé que le document de police sur lequel est fondé cette décision ne peut être assimilé à un compte rendu d'enquête ; qu'aucun des autres moyens soulevés en première instance n'apparaît fondé ; que l'arrêté contesté n'est pas entaché d'incompétence, ni insuffisamment motivé ; qu'il a été pris après un examen de la situation personnelle de M. X ; que la décision du 2 Mars 2004, dont l'illégalité est invoquée par la voie de l'exception, n'est pas entachée d'excès de pouvoir ; qu'elle est suffisamment motivée ; que M. Bourras ne remplit pas les conditions posées par les dispositions du 4° de l'article 12 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 pour prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » en sa qualité de conjoint de français ; que, d'une part, il ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français ; que, d'autre part, la communauté de vie entre les époux n'est pas établie ; que, pour les mêmes motifs, M. X ne saurait invoquer les dispositions de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni soutenir qu'à la date de l'arrêté contesté, il était en droit de se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » au titre du 4° de l'article L. 313-11 de ce même code ; que M. X, qui serait arrivé en France en juin 2001 et n'est pas dépourvu de toute attache familiale dans son pays, ne saurait valablement invoquer la méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du même code, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

…………………………………………………………………………………………

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 février 2007 :

- le rapport de M. Davesne, magistrat désigné ;

- les observations de Me Philippon, substituant Me Gabbay, avocat de M. X ;

- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité tunisienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois à compter de la notification de la décision du 2 mars 2004 par laquelle le préfet du Val-d'Oise lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il se trouvait ainsi dans le cas où, en application du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut décider la reconduite à la frontière d'un étranger ;

Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier, et notamment du compte rendu d'enquête adressé au préfet du Val-d'Oise par la 12ème section de la direction des renseignements généraux de la préfecture de police de Paris, que le mariage contracté le 11 août 2003 par M. X avec une ressortissante française avait un caractère fictif, n'ayant pour but que l'obtention d'un titre de séjour, et qu'il n'existait aucune communauté de vie entre les époux ; que c'est par suite à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur la situation matrimoniale de M. X pour juger illégale la décision du 2 mars 2004 refusant à ce dernier la délivrance d'un titre de séjour et pour, en conséquence, annuler l'arrêté attaqué ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles et devant la Cour ;

Sur la légalité externe de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, que, par arrêté en date du 20 mars 2006, publié le même jour dans le recueil des actes administratifs de la préfecture, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE a donné délégation à M. Philippe Y, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés à l'exception de certains d'entre eux au nombre desquels ne figurent pas les arrêtés de reconduite à la frontière ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté manque en fait ;

Considérant, en second lieu, que l'arrêté du 8 juin 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. X comporte les éléments de droit et de fait sur lesquels il se fonde ; qu'il est, dès lors, suffisamment motivé, alors même que, s'agissant de l'absence d'atteinte à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il se borne à faire état de ce que « compte tenu des circonstances propres au cas d'espèce, il n'est pas porté une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé à mener une vie privée et familiale normale » ;

Sur la légalité interne de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, que la décision du 2 mars 2004 refusant de délivrer à M. X une carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » en qualité de conjoint de français, dont M. X invoque l'illégalité par la voie de l'exception, énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'indépendamment de l'énumération donnée par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du même code : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (…) 4° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée en France ait été régulière, que la communauté de vie n'ait pas cessé, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (…) 7° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (…) ;

Considérant que si M. X est marié depuis le 11 août 2003 avec une citoyenne française, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il existe une communauté de vie entre les époux ; qu'ainsi, M. X, qui par ailleurs ne justifie pas être entré régulièrement en France, ne saurait invoquer les dispositions du 4° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour soutenir qu'il serait en droit de se voir délivrer une carte de séjour temporaire en sa qualité de conjoint de français ; que, compte tenu de cette absence de communauté de vie, M. X, qui n'est pas dépourvu d'attaches familiales en Tunisie, n'est pas davantage fondé à soutenir que ses liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, de sorte qu'il serait en droit de se voir attribuer une carte de séjour temporaire au titre du 7° de l'article L. 313-11 du même code ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière (…) : 7° L'étranger marié depuis au moins deux ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé et que le conjoint ait conservé la nationalité française ; (…) » ;

Considérant qu'en l'absence de communauté de vie, M. X ne saurait invoquer ces dispositions pour soutenir qu'il ne peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;

Considérant que M. X fait valoir qu'il est arrivé en France en juin 2001, qu'il est marié avec une citoyenne française, que son père réside régulièrement en France et qu'il est parfaitement intégré à la société française ; qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de l'absence de communauté de vie des époux et des conditions de séjour en France de l'intéressé, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté contesté n'a pas porté au droit de M. X au respect de sa vie familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'est par suite pas contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'il résulte de toute ce qui précède que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à demander l'annulation du jugement du 13 juin 2006 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 8 juin 2006 décidant la reconduite à la frontière de M. X ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à payer à M. X la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement n° 0605513 du 13 juin 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Versailles ainsi que les conclusions présentées par M. X au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N°06VE01648

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 06VE01648
Date de la décision : 06/03/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Sébastien DAVESNE
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : GABBAY

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-03-06;06ve01648 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award