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26/06/2007 | FRANCE | N°06VE00554

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 26 juin 2007, 06VE00554


Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2006 au greffe de la Cour, ainsi que le mémoire complémentaire, enregistré le 18 avril 2006, présentés pour M. et Mme Michel X, demeurant ..., par Me Cercuel ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0405309 en date du 17 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, et des pénalités y afférentes, à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2001 ;

2°) de prononcer la décharg

e demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 5 000 euro...

Vu la requête, enregistrée le 15 mars 2006 au greffe de la Cour, ainsi que le mémoire complémentaire, enregistré le 18 avril 2006, présentés pour M. et Mme Michel X, demeurant ..., par Me Cercuel ;

M. et Mme X demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0405309 en date du 17 janvier 2006 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande en décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu, et des pénalités y afférentes, à laquelle ils ont été assujettis au titre de l'année 2001 ;

2°) de prononcer la décharge demandée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que la validité de l'attestation établie par M. Daniel Y et produite par les services fiscaux suscite les plus grandes réserves ; qu'en effet, l'enquête qu'ils ont diligentée auprès de M. Y dans le cadre de la vérification de comptabilité de la société ERT est irrégulière ; qu'en outre, l'objectivité et la sincérité des affirmations de ce dernier peuvent être remises en cause ; que la charge de la preuve de l'abus de droit pèse sur l'administration fiscale ; que le tribunal a procédé à un renversement de la charge de la preuve ; que M. X a apporté de nombreux éléments propres à démontrer son ignorance du projet de rachat ultérieur des titres qu'il avait cédés par la société ERT ainsi que des modalités de son financement ; que cela résulte notamment de la lettre de son conseil, Me Theimer, en date du 6 avril 2006 ; que l'affirmation de l'administration selon laquelle la société ERT a proposé un rachat direct des titres et le requérant aurait exigé un portage est dénuée de logique ; que le service, en se prévalant de l'attestation établie par M. Y, n'apporte aucun élément de preuve probant et ne démontre pas que M. X avait connaissance d'un prochain rachat des titres ; que le service, après avoir invoqué le caractère fictif des cessions de parts litigieuses, n'a retenu que le but exclusivement fiscal de la cession des titres du requérant à la société Barco Carrière ; qu'en l'espèce, l'hypothèse d'une fictivité de l'opération est exclue ; qu'au cas particulier, le but exclusivement fiscal de l'opération ne peut être retenu dès lors que la cession dont il s'agit était l'une des modalités de l'accord transactionnel conclu entre les parties ; qu'en tout état de cause, un supposé refus de M. X de céder ses titres à la société ERT n'est pas constitutif d'une faute ou d'un abus : qu'en tant que cédant de bonne foi, il ne revient pas à M. X de s'interroger sur l'intérêt économique de l'opération du point de vue de la société Barco Carrière ou même de la famille Y ; qu'en conséquence, le redressement en litige, prononcé par l'administration fiscale sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, n'est pas justifié ;

………………………………………………………………………………………………...

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 juin 2007 :

- le rapport de Mme Brin, président assesseur ;

- les observations de Me Lambert, substituant Me Cercuel, pour M. et Mme X ;

- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la SARL Etudes et Réalisation Thermiques (ERT), qui a eu lieu du 7 mai au 13 juin 2003 et a porté sur la période du 1er janvier 2000 au 31 décembre 2001, et du contrôle sur pièces du dossier personnel de M. X, qui était associé de cette société, l'administration fiscale a remis en cause les modalités d'imposition des gains que ce dernier a réalisés à l'occasion de la cession, le 12 octobre 2001, de ses parts de la société ERT et, sur le fondement de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales, les a imposés au titre de l'année 2001 en application de l'article 161 du code général des impôts ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant que les requérants soutiennent que la validité de l'attestation rédigée par M. Daniel Y, gérant de la société ERT, à la suite d'une demande formulée par le service dans le cadre d'une vérification de comptabilité de la dite société est sujette à caution compte tenu des conditions irrégulières dans lesquelles se serait déroulée la dite vérification ; qu'il ressort cependant de cette demande, en date du 5 juin 2003, que l'administration n'a pas fait usage et ne s'est pas prévalue du droit de communication ; qu'il s'agit d'une simple demande motivée par la constatation que l'opération de cession intervenue courant 2001 avait donné lieu à la comptabilisation de charges successives par la société ; qu'il est constant que M. X a été informé, dans la notification de redressement du 25 juin 2003, de l'origine et de la teneur des renseignements obtenus par le service à la suite de cette demande ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne faisait obstacle à ce que l'administration utilise les renseignements ainsi recueillis pour fonder les redressements qu'elle a notifiés à M. X ; que, par suite, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que la procédure d'imposition aurait été irrégulière ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

Considérant qu'aux termes de l'article 161 du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : « Le boni attribué lors de la liquidation d'une société aux titulaires de droits sociaux en sus de leur apport n'est compris, le cas échéant, dans les bases de l'impôt sur le revenu que jusqu'à concurrence de l'excédent du remboursement des droits sociaux annulés sur le prix d'acquisition de ces droits dans le cas où ce dernier est supérieur au montant de l'apport. Lorsque les droits ont été reçus, à compter du 1er janvier 2000, dans le cadre d'une opération d'échange dans les conditions prévues à l'article 150-0 B, le boni est calculé à partir du prix ou de la valeur d'acquisition des titres ou droits remis à l'échange, diminué de la soulte reçue ou majoré de la soulte versée lors de l'échange./ La même règle est applicable dans le cas où la société rachète au cours de son existence les droits de certains associés, actionnaires ou porteurs de parts bénéficiaires » ; qu'il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une société rachète, au cours de son existence, à certains de ses associés ou actionnaires personnes physiques, les droits sociaux qu'ils détiennent, l'excédent éventuel du remboursement des droits sociaux annulés sur le prix d'acquisition de ces droits, mais dans la mesure seulement où ce prix d'acquisition est supérieur au montant de l'apport remboursable en franchise d'impôt, constitue, sauf dans les hypothèses particulières où le législateur en aurait disposé autrement, non un gain net en capital relevant du régime d'imposition des plus-values de cession, mais un boni de cession qui a la même nature qu'un boni de liquidation, imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales : « Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : … qui déguisent soit une réalisation, soit un transfert de bénéfices ou de revenus …L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel. Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé du redressement » ; qu'il résulte de ces dispositions que lorsque l'administration use des pouvoirs que lui confère ce texte dans des conditions telles que la charge de la preuve lui incombe, elle est fondée à écarter comme ne lui étant pas opposables certains actes passés par le contribuable dès lors qu'elle établit que ces actes ont un caractère fictif, ou bien, à défaut, recherchent le bénéfice d'une application littérale des textes à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs et n'ont pu être inspirés par aucun motif autre que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, s'il n'avait pas passé ces actes, aurait normalement supportées eu égard à sa situation et à ses activités réelles ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X était associé de la SARL ERT dont il détenait 205 des 500 parts, le reste étant détenu à hauteur de 220 parts par M. Daniel Y, de 37 parts par M. Jean-Claude Y et de 38 parts par Mme Catherine Y ; que, le 12 octobre 2001, il a cédé ses parts de la société ERT à la SARL Barco Carrière, dont M. Jean-Claude Y détenait 99,8 % des parts, pour un montant de 492 000 euros ; que le 14 décembre 2001 la société ERT a racheté à la société Barco Carrière les parts que cette dernière avait acquises de M. X ; que ce rachat a été réalisé par une avance, d'un montant de 492 000 euros, consentie par la société ERT, la dette de la société Barco Carrière à l'égard de cette dernière étant compensée comptablement par le produit de la cession de ces parts ; que l'administration fiscale a regardé l'opération de cession du 12 octobre 2001 comme présentant un caractère fictif et devant être requalifiée en rachat de ses propres titres par la société ERT à un actionnaire personne physique et a estimé que M. X avait poursuivi un but exclusivement fiscal consistant à soumettre cette opération au taux d'imposition forfaitaire de 16 % en tant que plus-value de cession de valeurs mobilières alors que la cession de ses titres directement à la société ERT aurait eu pour conséquence de soumettre le gain litigieux, en vertu de l'article 161 précité du code général des impôts, au taux progressif de l'impôt sur le revenu ;

Considérant que, comme il vient d'être dit, M. X était associé à 41 % de la société ERT, dont l'activité est le négoce de matériel de ventilation pour séchage du bois, jusqu'au 12 octobre 2001, date à laquelle il a cédé ses parts à la société Barco Carrière, lesquelles ont été rachetées le 14 décembre suivant par la société ERT ; que, s'appuyant sur les écritures comptables de cette société ainsi que sur les documents juridiques et bancaires consultés lors de la vérification de sa comptabilité, qui sont corroborés par la réponse de M. Daniel Y du 13 juin 2003 - dont la teneur ne saurait être privée d'effet par la seule mésentente opposant le requérant et la famille Y -, l'administration fait valoir que M. X a refusé les propositions de rachat direct de ses parts sociales par la société ERT, dont la trésorerie permettait de procéder à cette acquisition, et a demandé expressément le portage par un tiers des parts sociales qu'il désirait céder ; que le rachat des titres par la société Barco Carrière, dont l'activité est le commerce de détail de viandes, a été réalisée grâce à une avance de fonds de 492 000 euros, qui n'a donné lieu à aucun contrat de prêt ni à stipulation d'intérêt, consentie par la société ERT par un virement bancaire effectué le 8 octobre 2001, soit quatre jours avant la cession opérée par M. X et à une date où ce dernier était encore associé de la société ERT ; que, ce même 8 octobre 2001, l'assemblée générale de la société ERT a donné à la société Barco Carrière l'agrément pour lui conférer la qualité de nouvel associé ; que M. X n'établit pas que, ainsi qu'il l'allègue, M. Daniel Y aurait effectivement dissimulé l'octroi de cette avance ; que c'est le 14 décembre 2001 que la société ERT a racheté, pour la même somme de 492 000 euros, à la société Barco Carrière les 205 parts initialement cédées par M. X le 12 octobre 2001 ; que l'emprunt consenti par la société ERT à la société Barco Carrière a été soldé le 31 décembre 2001 ; que, dans ces conditions, sans que l'attestation délivrée le 6 avril 2006 par Me Theimer, conseil de M. X en 2001 à l'occasion de ses négociations avec la famille Y, soit de nature à démontrer le contraire, l'administration doit être regardée comme établissant que M. X n'ignorait pas le rachat ultérieur par la société ERT de ses propres titres qu'il avait cédés à la société Barco Carrière ; que le requérant n'est pas fondé à soutenir que les premiers juges auraient, sur ce point, inversé la charge de la preuve ; que, par ailleurs, il n'est pas sérieusement soutenu par M. X que la société Barco Carrière, en raison de son objet et de son activité, aurait eu un intérêt à acquérir les titres litigieux pour une durée de seulement deux mois, ou que la société ERT aurait eu un intérêt à procéder à cette opération de prêt puis d'achat au lieu d'un achat direct à M. X, alors que la valeur des titres n'a pas varié ; que ce dernier ne justifie pas non plus de l'intérêt personnel qu'il a eu de consentir la vente des titres au principal associé de la société Barco Carrière, par ailleurs actionnaire de la société ERT, plutôt qu'à cette dernière société ; que, dans ces conditions, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe dès lors qu'elle s'est abstenue de prendre l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit, que la cession par M. X de ses parts de la société ERT à la société Barco Carrière, suivie de leur cession, au même prix, dans des délais rapprochés, par la société Barco Carrière à la société ERT présentait un caractère artificiel et ne pouvait ainsi être motivée que par la volonté d'éluder l'impôt ; que, par suite, elle était en droit d'écarter l'interposition de la société Barco Carrière, et, après avoir restitué à l'opération son véritable caractère d'achat direct de ses titres par la société ERT, de soumettre le boni de cession à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers en application des dispositions précitées de l'article 161 du code général des impôts ainsi que d'assortir les droits supplémentaires en résultant de la majoration de 80 % prévu en cas d'abus de droit par les dispositions de l'article 1729 du code général des impôts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme X ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de la requête tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme X est rejetée.

06VE00554 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE00554
Date de la décision : 26/06/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme VETTRAINO
Rapporteur ?: Mme Dominique BRIN
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : CERCUEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2007-06-26;06ve00554 ?
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