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13/03/2008 | FRANCE | N°07VE01158

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites à la frontière, 13 mars 2008, 07VE01158


Vu la requête, enregistrée le 31 mai 2007, au greffe de la cour, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0610407-0610408-0610409-06101413 du 2 avril 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ses arrêtés du 16 octobre 2006 portant reconduite à la frontière de M. X et de Mme Hu épouse X à destination de la Chine ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. X et Mme Hu épouse X devant le Tribunal administr

atif de Cergy-Pontoise ;
Il soutient qu'en annulant ses décisions du 16 oc...

Vu la requête, enregistrée le 31 mai 2007, au greffe de la cour, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0610407-0610408-0610409-06101413 du 2 avril 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ses arrêtés du 16 octobre 2006 portant reconduite à la frontière de M. X et de Mme Hu épouse X à destination de la Chine ;
2°) de rejeter les demandes présentées par M. X et Mme Hu épouse X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Il soutient qu'en annulant ses décisions du 16 octobre 2006 le magistrat délégué a entaché son jugement d'erreur manifeste d'appréciation ; que la situation personnelle des intéressés ne permet nullement de prouver que les arrêtés portent une atteinte disproportionnée à leur droit à mener une vie privée et familiale normale ; que les époux X sont tous les deux en situation irrégulière et qu'ils sont parents de trois enfants dont une fille née en Chine le 17 août 1994 entrée en France en 2000, d'un garçon né en France le 16 septembre 1999 et d'une fille née en Chine en 1996 et qui y réside toujours ; que les époux X n'apporte pas la preuve qu'ils ne pourraient poursuivre leur vie familiale en Chine ; que la scolarisation de leurs enfants ne constitue pas un obstacle dès lors que les intéressés ne justifient aucunement d'une impossibilité pour leurs enfants de poursuivre leur scolarité en Chine ; que les parents ne sont pas complètement intégrés à la société française puisqu'ils ne parlent pas le français et ne justifient pas d'une insertion socio-professionnelle ; que l'entrée récente des enfants en France ne constitue pas un obstacle à leur retour en Chine ; qu'ils ne sont pas dépourvus d'attaches dans leur pays d'origine puisque leur enfant né en 1996 s'y trouve sous la garde de ses grands-parents ; que si en première instance ils ont invoqué le fait qu'ils rempliraient les conditions fixées par la circulaire du 13 juin 2006, cette circonstance est par elle-même sans incidence sur la légalité des décisions ; que si les époux X affirment que les décisions qu'il a prises violent les dispositions de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ceci ne ressort nullement des pièces du dossier ; qu'il est constant que lors de leur entrée en France les époux X n'étaient pas accompagnés de leur aînée qu'ils avaient confiée aux grands-parents ;
Vu le jugement attaqué ;
.............................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention des droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;
Vu la décision du président de la Cour administrative d'appel de Versailles, en date du 3 janvier 2007, portant désignation de Mme Belle pour l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article R. 777-19 du code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 21 février 2008 :
- le rapport de Mme Belle, magistrat désigné ;
- et les conclusions de Mme le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « l'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (…) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (…) » ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme X, de nationalité chinoise, se sont maintenus sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 30 août 2006 des décisions du 23 août 2006 leur refusant un titre de séjour ; qu'ils entraient ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que les époux X font valoir que les décisions attaquées violent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et que notamment leurs enfants en Chine n'auraient pas d'existence légale et ne pourraient être ni scolarisés ni avoir accès au système de santé compte tenu de la politique de l'enfant unique ; que, cependant, il ressort des pièces du dossier que la naissance de leur fille et premier enfant née en 1994 a été reconnue par l'ambassade de la République populaire de Chine et que cette enfant est demeurée 12 ans en Chine avec ses grands-parents ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette enfant, qui a poursuivi sa scolarité en France à l'âge de 12 ans à la rentrée scolaire 2006, n'ait jamais suivi de scolarité en Chine ; qu'en outre une fiche familiale d'état civil établie en France par le service consulaire de l'ambassade de la République populaire de Chine retrace la naissance des trois enfants des époux X sans qu'aucun élément n'établisse que ces enfants n'auraient qu'une existence clandestine pour les autorités chinoises ; qu'ainsi les époux X ne démontrent pas qu'ils seraient dans l'impossibilité de reconstituer la cellule familiale en Chine ; qu'ils ne soutiennent d'ailleurs pas qu'ils seraient dépourvus de toute attache familiale dans leur pays d'origine et reconnaissent que leur fille aînée a été élevée par ses grands-parents pendant douze ans et que leur fille cadette s'y trouvait toujours à la date à laquelle les décisions ont été prises ; que, par suite, les décisions attaquées n'ont pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ses décisions au motif qu'elle méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens soulevés par les époux X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Considérant qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : « Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale » ;

Considérant que les époux X soutiennent qu'ils sont dans l'impossibilité de retourner en Chine avec leurs deux enfants compte tenu de la politique de l'enfant unique, que leurs enfants n'y auraient pas d'existence légale et ne pourraient être ni scolarisés ni soignés en Chine ; qu'ils s'exposent au paiement de fortes amendes ou à un séjour dans des camps ; que, de ce fait, la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur leur situation personnelle et méconnaît les stipulations précitées de la convention internationale des droits de l'enfant ; que, cependant, il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, que la naissance de leur fille et premier enfant née en 1994 a été reconnue par l'ambassade de la République populaire de Chine et que celle-ci est demeurée 12 ans en Chine avec ses grands-parents ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que cette enfant qui a poursuivi sa scolarité en France à l'âge de 12 ans à la rentrée scolaire 2006 n'ait jamais suivi de scolarité en Chine ; qu'en outre une fiche familiale d'état civil établie en France par le service consulaire de l'ambassade de la République populaire de Chine retrace la naissance des trois enfants des époux X sans qu'aucun élément n'établisse que ces enfants n'auraient qu'une existence clandestine pour les autorités chinoises ; que les époux X ne démontrent pas qu'ils sont exposés à des risques de mauvais traitements ainsi que leurs enfants en cas de retour en Chine et n'apportent aucun élément précis à l'appui de leurs allégations ; qu'ainsi, les époux X ne décrivant la situation en Chine que de manière très générale, ne sont pas fondés à soutenir que compte tenu de cette situation le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de ses décisions sur leur situation personnelle et celle de leurs enfants ; qu'ils ne démontrent pas davantage que les décisions attaquées méconnaîtraient l'intérêt supérieur de leurs enfants protégé par les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

Considérant que les époux X ne peuvent utilement invoquer la circonstance qu'ils rempliraient des conditions énoncées par la circulaire du 13 juillet 2006 dès lors que les dispositions de ladite circulaire sont dépourvues de toute valeur réglementaire ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT- DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé les arrêtés par lesquels il avait décidé la reconduite à la frontière des époux X ;

Sur les conclusions à fin de régularisation de la situation administrative des intéressés :

Considérant que le sens du présent jugement n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite les conclusions présentées à ce titre par les époux X ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, en l'espèce, la partie perdante, soit condamné à payer aux époux X la somme qu'ils demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E


Article 1er : Le jugement du 19 décembre 2006 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : La demande présentée par les époux X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des époux X est rejeté.

N°07VE01158
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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 07VE01158
Date de la décision : 13/03/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : LE TALLEC

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-03-13;07ve01158 ?
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