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14/04/2008 | FRANCE | N°06VE01149

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 14 avril 2008, 06VE01149


Vu la requête, enregistrée le 29 mai 2006 au greffe de la cour pour Mme Jacqueline X, demeurant ..., par Me Thiant ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500919 en date du 9 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 26 novembre 2004 par laquelle le directeur du centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre l'a exclue définitivement de ses fonctions à compter du 29 novembre 2004 et à la condamnation du centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre à

lui payer une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 ...

Vu la requête, enregistrée le 29 mai 2006 au greffe de la cour pour Mme Jacqueline X, demeurant ..., par Me Thiant ; Mme X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0500919 en date du 9 décembre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 26 novembre 2004 par laquelle le directeur du centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre l'a exclue définitivement de ses fonctions à compter du 29 novembre 2004 et à la condamnation du centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre à lui payer une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) de condamner le centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre à lui payer une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement est irrégulier dès lors que la formation de jugement était présidée par le juge des référés ayant statué sur la même affaire ; que la désignation de M. A comme président de la commission administrative paritaire pour la titularisation des agents de catégorie C puis comme président du conseil de discipline était de nature à faire douter de son impartialité ; qu'il a axé les débats sur la question du port du bonnet et non sur l'hygiène ; que l'empêchement de Mme Y et M. Z n'est pas avéré et n'a été justifié que postérieurement ; que les pièces versées n'ont jamais été validées et enregistrées par la direction des ressources humaines ; que la manipulation des syndicats par la direction des ressources humaines et donc la partialité de certains membres du conseil de discipline est avérée ; que la fiche technique à laquelle s'est référé le tribunal administratif n'a jamais été produite, sinon après sa suspension ; que cette fiche n'a aucune validité dès lors qu'elle a été prise au vu d'un procès-verbal jamais transmis, malgré l'avis de la commission d'accès aux documents administratifs ; que les différentes personnes ayant contribué à sa rédaction ne l'ont jamais signée ; que la mesure de suspension est disproportionnée au regard des faits ; que le centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre n'a jamais démontré la gravité de la faute dont elle s'est rendue coupable ; que cette faute consiste à avoir pris l'initiative de se protéger par une coiffe ou charlotte ; que sa décision est conforme aux recommandations de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris pour éviter la propagation des maladies nosocomiales ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statuaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

Vu le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière ;

Vu le décret n° 97-487 du 12 mai 1997 fixant les dispositions communes applicables aux agents stagiaires de la fonction publique hospitalière ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2008 :

- le rapport de Mme Jarreau, premier conseiller ;

- les observations de Me Abécassis pour le centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre ;

- et les conclusions de M. Davesne, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X a été recrutée par contrat à compter du 2 avril 2002 par le centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre en qualité d'aide-soignante ; que le 2 janvier 2003, elle a été nommée stagiaire dans le grade d'aide-soignante de classe normale et a été affectée le 17 novembre 2003 dans le service des soins de suite et de réadaptation ; qu'entre le 14 janvier 2004 et le 26 juillet 2004, elle a refusé à plusieurs reprises d'ôter le couvre-chef qu'elle portait sur son lieu de travail ; qu'elle a été suspendue, à raison de ces faits, par décision du 28 juillet 2004 ; qu'enfin, par décision du 26 novembre 2004, après avoir recueilli l'avis de la commission administrative paritaire réunie en conseil de discipline, le directeur du centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre l'a exclue définitivement de ses fonctions à compter du 29 novembre 2004 au motif notamment que « le choix de la tenue vestimentaire des personnels de soins relève de la compétence exclusive de l'administration hospitalière », que « la coiffe portée par Mme X dans l'exercice de ses fonctions ne fait pas partie de la tenue réglementaire du travail » et que son « refus persistant de se conformer aux instructions constituait un manquement à l'obligation d'obéissance à laquelle est tenu de se conformer tout fonctionnaire » ;

Sur la régularité du jugement :

Considérant qu'en vertu d'une règle générale de procédure applicable même sans texte, un membre d'une juridiction administrative qui a publiquement exprimé son opinion sur un litige ne peut participer à la formation de jugement statuant sur le recours formé contre une décision statuant sur ce litige ; que si, eu égard à la nature de l'office attribué au juge des référés, la seule circonstance qu'un magistrat a statué sur une demande tendant à la suspension de l'exécution d'une décision administrative n'est pas, par elle-même, de nature à faire obstacle à ce qu'il se prononce ultérieurement sur la requête en qualité de juge du principal, cette règle générale ne s'applique pas au juge des référés dans le cas où il apparaîtrait, compte tenu notamment des termes mêmes de l'ordonnance, qu'allant au-delà de ce qu'implique nécessairement son office, il aurait préjugé l'issue du litige ; que, dans un tel cas, ce magistrat ne peut participer à la formation de jugement statuant sur la légalité de cette décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le jugement attaqué du 9 décembre 2006, par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande de Mme X, a été rendu par une formation présidée par le magistrat qui avait prononcé, le 10 mars 2005, en qualité de juge des référés, la suspension de la décision du directeur du centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre après avoir estimé que le motif tiré de ce qu'elle a refusé d'ôter son couvre-chef dans l'exercice de ses fonctions « n'est pas de nature à donner un fondement légal à la décision attaquée » et qu'ainsi le moyen tiré par Mme X de l'absence de caractère fautif de son refus d'obtempérer à l'ordre d'ôter sa coiffe était de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de ladite décision ; qu'il ressort des termes mêmes de cette ordonnance que le juge des référés a pris position de manière précise sur la validité des moyens soulevés devant le juge du fond ; qu'ainsi, le juge des référés a préjugé l'issue du litige ; qu'alors même que le jugement attaqué a rejeté la demande après avoir notamment écarté le moyen précité, la composition du Tribunal administratif de Versailles était dès lors irrégulière ; que Mme X est, par suite, fondée à soutenir que ledit jugement est entaché d'irrégularité et à en demander l'annulation pour ce motif ;

Considérant qu'il y a lieu, pour la cour, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Sur la légalité de la décision d'exclusion définitive des fonctions :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 18 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : « Le dossier du fonctionnaire doit comporter toutes les pièces intéressant la situation administrative de l'intéressé, enregistrées, numérotées et classées sans discontinuité » ; que la requérante fait valoir qu'une lettre non référencée a été introduite dans son dossier administratif sans qu'elle lui ait été communiquée ; que, toutefois, il ressort du procès-verbal de la séance du conseil de discipline que cette pièce figurait dans le dossier communiqué à l'intéressée ; que, dans ces conditions, la circonstance que cette pièce n'a pas été numérotée, en méconnaissance des dispositions précitées, et que son insertion ne lui avait pas été signalée, ne peut être regardée comme une irrégularité substantielle de nature à entraîner l'annulation de la décision attaquée ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'ordre de désignation des membres du conseil de discipline a été respecté ; que Mme B, récusée par la requérante, a été régulièrement remplacée par M. C, dès lors que Mme Y et M. Vartan, suivants sur la liste, étaient empêchés pour cause de congés ; que la requérante n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, de leur absence d'empêchement ; que la circonstance que les autorisations de congés, qu'elles aient été ou non signées par la direction des ressources humaines, n'aient pas été communiquées au conseil de discipline est sans influence sur la légalité de la décision contestée ;

Considérant, en troisième lieu, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ni aucun principe général du droit ne faisait obstacle à ce que M. A, qui avait présidé la réunion de la commission administrative paritaire au cours de laquelle avait été proposée la prolongation du stage de Mme X, préside également la réunion du conseil de discipline au cours de laquelle a été émis l'avis d'exclure définitivement Mme X de ses fonctions ; que la seule circonstance que M. A a abordé au cours de la réunion du conseil de discipline la question d'une éventuelle signification religieuse du port de la coiffe ne suffit pas, en tout état de cause, à établir sa partialité dès lors que cette question n'a pas été abordée de sa propre initiative mais avait été évoquée par Mme X elle-même devant ses supérieurs hiérarchiques, ainsi que le relève un rapport établi le 12 avril 2002 ; que le moyen tiré de l'absence d'impartialité de M. A doit, dès lors, être écarté ;

Considérant, en quatrième lieu, que si Mme X allègue que certains membres du conseil de discipline ont également fait preuve de partialité à son égard après avoir fait l'objet d'une « manipulation » par la direction des ressources humaines, une telle circonstance ne ressort pas des pièces du dossier ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la loi susvisée du 13 juillet 1983 : «Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public. (...) » et qu'aux termes de l'article 2 du décret du 12 mai 1997 susvisé : « Les agents stagiaires sont soumis aux dispositions des lois du 13 juillet 1983 et du 9 janvier 1986 susvisées et à celles des décrets pris pour leur application dans la mesure où elles sont compatibles avec leur situation particulière et dans les conditions et sous les réserves prévues par le présent décret. » ;

Considérant que si aucun texte réglementaire n'imposait, au sein du centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre, de tenue vestimentaire pour les aides-soignantes en dehors des secteurs dits à risque, le directeur du centre hospitalier, dans le cadre de son pouvoir d'organisation du service, était compétent pour déterminer la tenue vestimentaire des personnels de soins de son établissement ; que des recommandations issues des comités de coordination et de lutte contre les infections nosocomiales, dont Mme X ne conteste pas les termes, rappelaient l'existence des risques infectieux liés au port de la tenue de ville et précisaient que les effets personnels, du type foulard ou sous-vêtement à manche longue, doivent être enlevés à la prise de service ; que la fiche technique « tenue professionnelle de base », validée par le comité de coordination et de lutte contre les infections nosocomiales du centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre le 4 novembre 2004, a préconisé, s'agissant des personnels participant aux soins, le port de la tenue professionnelle, et non de la tenue de ville, afin de limiter le risque infectieux, et a prévu que « la tête est nue, sans port de couvre-chef » ; que si le centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre n'a pas produit, malgré la demande de la requérante, un exemplaire, signé de son président, du procès-verbal de la réunion du comité de lutte contre les infections nosocomiales en date du 4 novembre 2004 à l'issue de laquelle les préconisations rappelées ci-dessus ont été adoptées et si la réunion de ce comité ne s'est tenue que 20 jours avant la décision attaquée, la requérante n'ayant eu communication d'un procès-verbal non signé que postérieurement à la décision de l'exclure du service, cette circonstance est sans influence sur la légalité de la décision attaquée dès lors que les préconisations du comité de lutte contre les infections nosocomiales ne constituaient pas un préalable obligatoire aux décisions que le directeur de cet établissement était susceptible de prendre en ce qui concerne la tenue vestimentaire des personnels de soins ; que cette autorité n'était pas tenue de déroger aux règles habituelles relatives à la tenue vestimentaire des personnels de soins en prévoyant notamment des mesures particulières à certains agents afin de laver et stériliser des coiffes ; que Mme X n'établit pas que l'ordre qui lui a été donné d'exercer ses fonctions sans coiffe serait contraire à des nécessités d'hygiène et de lutte contre les infections nosocomiales ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'ordre donné par le directeur du centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre à Mme X de retirer sa coiffe aurait été manifestement illégal ; qu'en outre, la requérante n'établit pas, ni même n'allègue, que cet ordre aurait été de nature à compromettre gravement un intérêt public ; que, dès lors, les refus réitérés de Mme X d'obéir à l'ordre de retirer sa coiffe, qu'elle se borne à justifier par des considérations d'hygiène, étaient constitutifs d'une faute de nature à justifier une sanction disciplinaire ; que la sanction de l'exclusion définitive du service prononcée à raison de ces faits, qui doivent s'apprécier compte tenu du caractère persistant du comportement de l'intéressée, n'est pas manifestement disproportionnée ; qu'enfin, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision en date du 26 novembre 2004 par laquelle le directeur du centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre l'a exclue définitivement de ses fonctions à compter du 29 novembre 2004 ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner Mme X à payer au centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre la somme qu'il réclame au titre des frais exposés par lui en première instance et en appel et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0500919 en date du 9 décembre 2005 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme X devant le Tribunal administratif de Versailles et le surplus des conclusions de sa requête d'appel sont rejetés.

Article 3 : Les conclusions du centre d'accueil et de soins hospitaliers de Nanterre tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

06VE01149 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 06VE01149
Date de la décision : 14/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BLIN
Rapporteur ?: Mme Brigitte JARREAU
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : THIANT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-04-14;06ve01149 ?
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