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24/04/2008 | FRANCE | N°07VE02557

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites à la frontière, 24 avril 2008, 07VE02557


Vu la requête, enregistrée le 10 octobre 2007, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0708738 du 4 septembre 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 30 août 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. Karim X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Karim X devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Le préfet soutient que M. X ne démontre pas son entrée

régulière avec un visa en ne produisant qu'une copie de son passeport ; qu'il n'a sollic...

Vu la requête, enregistrée le 10 octobre 2007, présentée par le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE ; le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0708738 du 4 septembre 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 30 août 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. Karim X ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. Karim X devant le Tribunal administratif de Versailles ;

Le préfet soutient que M. X ne démontre pas son entrée régulière avec un visa en ne produisant qu'une copie de son passeport ; qu'il n'a sollicité un titre de séjour qu'en août 2003 après l'expiration de la durée de validité de son visa et qu'une substitution de base légale sur le fondement du 2° de l'article L. 511-1 II du code de l'entrée et du séjour des étrangers est possible ; que l'intéressé entrant dans le champ d'application du 1° ou 2° de l'article L.511-1 II, il pouvait faire l'objet de la mesure de reconduite à la frontière même après un refus de séjour pris avant l'entrée en vigueur de la nouvelle rédaction de cet article ; que c'est à tort que le magistrat délégué a jugé que l'arrêté de reconduite à la frontière était dépourvu de base légale ; que le signataire de l'arrêté disposait d'une délégation de signature ; que les modalités d'interpellation de l'intéressé sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté ; qu'il n'y a pas d'erreur sur l'identité et que la mention d'un domicile non connu est sans incidence ; qu'il a été procédé à un examen de la situation personnelle de M. X ; qu'il ne justifie pas d'un état de santé dont le défaut de prise en charge entraînerait des conséquences graves ni de ce qu'il ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;que sa relation de concubinage avec une ressortissante française est récente et qu'il a résidé au moins jusqu'à 33 ans en Algérie ; que l'arrêté de placement en rétention est suffisamment motivé ;

..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 avril 2008 :

- le rapport de M. Bruand, magistrat désigné ;
- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article L.511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « II. L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera conduit à la frontière dans les cas suivant : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) » ;

Considérant que M. X, de nationalité algérienne, ne démontre pas être entré régulièrement en France le 3 septembre 2002 par la seule production de copies de son passeport comportant un visa de 30 jours et d'un billet de bateau ; que par ailleurs il résulte des propres allégations de l'intéressé, qui n'a sollicité un titre de séjour que le 18 août 2003, que celui-ci s'est maintenu sur le territoire français au delà de la validité de son visa sans être titulaire d'un premier titre de séjour dès lors que la délivrance d'un tel titre lui a été refusée le 7 novembre 2003 par le préfet de la Seine-Saint-Denis et que le récépissé valant autorisation provisoire de séjour obtenu dans l'attente de cette décision ne constitue pas un titre de séjour au sens des dispositions du 2° du II de l'article L.511-1 précité ; que la circonstance que M. X ait fait l'objet d'un refus de titre de séjour avant la publication du décret en Conseil d'Etat du 23 décembre 2006 permettant l'entrée en vigueur des dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction issue de la loi du 24 juillet 2006, n'est pas de nature à faire obstacle à ce que l'arrêté de reconduite à la frontière soit fondé sur les dispositions du1° ou du 2° du II de l'article L.511-1 précitées dès lors, qu'au regard des faits de l'espèce, l'intéressé entrait dans leur champ d'application ; que, par suite, c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a prononcé l'annulation de l'arrêté du 30 août 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. Karim X en jugeant qu'il ne pouvait être fondé sur le 1° ou du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et était dépourvu de base légale ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour, saisi de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. Karim X devant le Tribunal administratif de Versailles et devant la cour ;

Considérant que, par arrêté en date du 16 juillet 2007, publié le même jour dans le recueil des actes administratifs de la préfecture, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE a donné délégation à M. Chaix, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de signer tous arrêtés à l'exception de certains d'entre eux au nombre desquels ne figurent pas les arrêtés de reconduite à la frontière ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence dont serait entaché l'arrêté contesté manque en fait et doit être écarté ;

Considérant que le moyen tiré de la prétendue irrégularité du contrôle d'identité dont M. X a fait l'objet est sans incidence sur la légalité de l'arrêté décidant sa reconduite à la frontière ; que par ailleurs le moyen selon lequel une erreur aurait été commise sur son identité manque en fait et la circonstance que l'arrêté contesté ait mentionné que le domicile de l'intéressé n'était pas connu est sans incidence sur sa légalité ; qu'enfin le préfet, qui a indiqué avoir notamment pris en compte la situation familiale de l'intéressé, a bien procédé à l'examen de la situation personnelle de l'intéressé et n'a pas estimé, contrairement à ce qui est soutenu, être en situation de compétence liée ;

Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Ne peuvent faire l'objet...d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : (...) 10 ° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans le pays de renvoi » ; que si M. X indique ne disposer que d'un rein, le médecin-inspecteur de la santé publique de la Seine-Saint-Denis a estimé le 19 septembre 2003 que le défaut de prise en charge médicale ne devrait pas entraîner des conséquences d'une extrême gravité et que l'intéressé pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ; que M. X, qui n'a plus sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé après le refus prononcé le 7 novembre 2003, se borne à produire un certificat médical en date du 31 août 2007 établi pour les besoins de la cause faisant état d'une consultation en 2003 préconisant une simple surveillance ; que, dès lors, M. X n'est donc pas fondé à soutenir qu'en prononçant une mesure de reconduite à la frontière à son encontre, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE aurait méconnu les dispositions de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : « le certificat de résidence d'un an portant la mention « vie privée et familiale » est délivré de plein droit....... 2. Au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française (......) ; 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de refus ... » ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que si M. X fait état de son mariage le 12 janvier 2008 avec une ressortissante française, cette circonstance postérieure à l'arrêté contesté est sans incidence sur sa légalité ; que si l'intéressé fait valoir qu'il vit avec sa future épouse depuis le 2 octobre 2006, ce concubinage avait un caractère récent à la date de l'arrêté de reconduite à la frontière litigieux ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que M. X a vécu au moins jusqu'à l'age de 33 ans dans son pays d'origine où il n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dès lors qu'y réside son enfant avec son ex-épouse ; que compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment des conditions de séjour de M. X en France, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du PREFET DES HAUTS-DE-SEINE en date du 30 août 2007 n'a pas porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les dispositions précitées de l'accord franco-algérien et de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant que le moyen tiré par M. X de ce que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE aurait méconnu les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision de reconduite à la frontière attaquée, laquelle ne fixe pas le pays de destination de la reconduite ;

Sur la légalité de la décision de placement en rétention :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Le placement en rétention d'un étranger dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire peut être ordonné lorsque cet étranger : (...) 3º (...) faisant l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière pris en application des articles L. 511-1 à L. 511-3 et édicté moins d'un an auparavant, ne peut quitter immédiatement le territoire français ; (...) » ; qu'aux termes de l'article L. 551-2 du même code : « La décision de placement (...) est écrite et motivée. (...) » ;

Considérant que la décision de placement en rétention est motivée par la circonstance que la personne qui en est l'objet n'est pas en mesure de quitter immédiatement le territoire français ; qu'une telle formulation, qui désigne l'un des six cas énoncés par l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, satisfait à l'exigence de motivation prévue par l'article L. 551-2 du même code ;

Considérant que le moyen tiré de ce que le placement en rétention de M. X aurait méconnu les dispositions de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de son état de santé n'est assorti d'aucunes précisions permettant d'en apprécier le bien fondé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE est fondé à demander l'annulation du jugement du 4 septembre 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé son arrêté du 30 août 2007 décidant la reconduite à la frontière de M. Karim X ;

Sur les conclusions à fin d'injonction de M. X :

Considérant que la présente décision qui rejette les demandes de M. X devant le tribunal administratif et devant la cour n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de réexaminer sa situation doivent être rejetées ;

Sur les conclusions de M. X tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme de 1 500 euros demandée par M. X au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;


D E C I D E

Article 1er : Le jugement du 4 septembre 2007 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées devant le Tribunal administratif de Versailles et la Cour administrative d'appel de Versailles par M. Karim X sont rejetées.

N°07VE02557
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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 07VE02557
Date de la décision : 24/04/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Thierry BRUAND
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : NAMIGOHAR

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-04-24;07ve02557 ?
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