La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/06/2008 | FRANCE | N°07VE02570

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites à la frontière, 05 juin 2008, 07VE02570


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour en télécopie le 11 octobre 2007 et en original le 18 octobre 2007, présentée pour M. Charles X, demeurant chez Mme Y, ..., par Me Aucher-Fagbemi ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0709711 du 10 septembre 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 août 2007 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même j

our fixant le pays de renvoi ainsi que l'arrêté ordonnant son placement en rét...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour en télécopie le 11 octobre 2007 et en original le 18 octobre 2007, présentée pour M. Charles X, demeurant chez Mme Y, ..., par Me Aucher-Fagbemi ; M. X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0709711 du 10 septembre 2007 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 août 2007 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de renvoi ainsi que l'arrêté ordonnant son placement en rétention administrative ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sur le fondement des articles L. 911-1 à 3 du code de justice administrative, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de condamner l'Etat à lui payer une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas statué sur le moyen tiré de ce que l'avis du médecin inspecteur de santé publique n'avait pas été sollicité nonobstant le dépôt d'une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade et qu'aucun contrôle du juge n'a été opéré sur la condition de nécessité de sa rétention administrative ; qu'en ce qui concerne l'arrêté de reconduite à la frontière, sur la légalité externe, la procédure est irrégulière dès lors que la décision attaquée a été prise en l'absence de réponse à sa demande de titre de séjour et que l'avis du médecin inspecteur de santé publique n'a pas été sollicité ; que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé au regard des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 en ce qu'il est stéréotypé et trop général ; que, sur la légalité interne, ayant sollicité un titre de séjour pour lequel aucune réponse ne lui a été notifiée avant le 1er janvier 2007, le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait fonder l'arrêté attaqué sur les dispositions du 1° ou du 2° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le 10° de l'article L. 313-11 et 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnus dès lors qu'il est affecté d'une pathologie grave et qu'il ne pourrait suivre un traitement adapté dans son pays d'origine, ainsi qu'il résulte de plusieurs rapports médicaux ; qu'une erreur manifeste d'appréciation a également été commise dès lors que sa situation personnelle n'a pas été examinée ; qu'en ce qui concerne la décision fixant le pays de destination, les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues dès lors qu'il était militaire sous le régime de Mobutu et qu'il dispose d'éléments nouveaux, postérieurs aux décisions rejetant sa demande de statut de réfugié, établissant les réquisitions aux fins d'enquête dont il a fait l'objet en octobre 2005 et le télégramme aux fins d'arrestation datant du 15 novembre 1999 ; que l'arrêté ordonnant son placement en rétention est insuffisamment motivé, dès lors que les considérations de fait n'y sont pas mentionnées et que les conditions de placement en rétention n'étaient pas réunies ; que, d'une part, cet arrêté est dépourvu de base légale, par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière ; que, d'autre part, les dispositions de l'article L. 554-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues dès lors que la nécessité d'une telle rétention n'est pas démontrée ; qu'il a une adresse fixe depuis 2000, connue de la préfecture ainsi qu'un passeport valide ; qu'il a offert toutes les garanties de représentation de sorte qu'il a été assigné à résidence ;

.............................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 mai 2008 :

- le rapport de Mme Riou, magistrat désigné,
- les observations de M. X, requérant,
- et les conclusions de M. Brunelli, commissaire du gouvernement ;


Considérant que M. X, ressortissant congolais, relève appel du jugement en date du 10 septembre 2007, par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 29 août 2007 ordonnant à son encontre une mesure de reconduite à la frontière et fixant le pays de renvoi ;

Sur la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière :

Considérant, en premier lieu, que l'article 52 de la loi du 4 juillet 2006 introduit à l'article L. 511-1 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile un I qui prévoit que « l'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français » et précise que l'étranger dispose, pour satisfaire à cette obligation, d'un délai d'un mois ; que ce même article abroge les 3° et 6° de l'article L.511-1 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile qui, dans leur rédaction antérieure à la loi du 27 juillet 2006 prévoyaient qu'un étranger pouvait être reconduit à la frontière s'il s'était maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois suivant une décision qui soit avait refusé de lui délivrer un titre de séjour, de renouveler un tel titre ou qui avait retiré le titre dont il bénéficiait, soit avait retiré ou refusé de renouveler un récépissé de demande de carte de séjour ou une autorisation provisoire de séjour précédemment délivrés ; que, conformément à l'article 118 de la loi du 24 juillet 2006, ces dispositions sont entrées en vigueur le 29 décembre 2006, jour de la publication du décret en Conseil d'État pris pour leur application ;

Considérant que, à compter du 1er janvier 2007, la nouvelle procédure d'obligation de quitter le territoire français est seule applicable lorsque l'autorité administrative refuse à un étranger, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte ou son autorisation provisoire de séjour ; que pour les étrangers qui avaient fait l'objet de telles mesures avant la publication du décret du 23 décembre 2006, un arrêté de reconduite à la frontière peut toutefois être pris s'ils entrent par ailleurs dans le champ d'application du 1° ou du 2° du II de l'article L.511-1 du code de l'entrée du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction issue de la loi du 27 juillet 2006, qui visent respectivement le cas de l'étranger qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, et celui de l'étranger qui s'est maintenu sur le territoire au-delà de la validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X ne justifie pas être entré régulièrement en France en 2000 et est dépourvu de tout titre de séjour ; que le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide la reconduite à la frontière d'un étranger en situation irrégulière, se trouvant dans l'un des cas mentionnés aux 1°, 2° ou 4° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le requérant entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;

Considérant, en deuxième lieu, que l'arrêté attaqué a été signé par M. Cambedouzou, chef du bureau des mesures administratives de la préfecture, qui disposait d'une délégation de signature à cet effet consentie par le préfet de la Seine-Saint-Denis par arrêté n° 07-0225 du 31 janvier 2007, publié au recueil des actes administratifs du département le 31 janvier 2007 ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué n'aurait pas été signé par une autorité régulièrement habilitée à cet effet doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que l'arrêté attaqué énonce les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et qui résultent de l'examen particulier de la situation individuelle de M. X ; que, par suite, ce dernier n'est pas fondé à soutenir qu'il est insuffisamment motivé ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'au soutien de la critique du jugement attaqué, M. X reprend avec la même argumentation ses moyens de première instance tirés de ce que l'arrêté de reconduite à la frontière attaqué ne pouvait être pris en l'absence d'examen de son état de santé par le médecin inspecteur de santé publique, d'une erreur d'appréciation de sa situation de malade, de la violation du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du 10° de l'article L. 511-4 du même code ; que, toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que le premier juge aurait, par les motifs qu'il a retenus et qu'il y a lieu d'adopter, commis une erreur en écartant ces moyens ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des traitements inhumains et dégradants » ;

Considérant que, M. X, dont la demande d'admission au statut de réfugié a été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides en date du 28 février 2003, confirmée par la commission des recours des réfugiés le 1er juillet 2003, soutient qu'un retour dans son pays d'origine l'exposerait à des traitements inhumains et dégradants contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'à l'appui de cette allégation, il a produit à l'audience, l'original d'un article de journal local datant de 2001, dont le titre est « La chasse aux ex-FAZ se poursuit - l'adjudant Charles X toujours recherché par le pouvoir en place » et qui mentionne également que les infractions qu'aurait commises le requérant seraient « passibles de la peine capitale » ; qu'il suit de là que, dans les circonstances de l'espèce, M. X se prévaut d'un élément nouveau établissant la réalité des risques auxquels il serait personnellement exposé en cas de retour en République démocratique du Congo ;

Considérant que, dans ces conditions, M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses conclusions dirigées contre la décision distincte de l'arrêté fixant le pays de destination ;

Sur la légalité de l'arrêté de placement en rétention :

Considérant que la décision fixant le pays de destination étant illégale, la décision de placement de M. X en rétention doit, par voie de conséquence, être également annulée ;

Sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions susmentionnées de M. X ;
D E C I D E
Article 1er : Le jugement n° 0709711 du 10 septembre 2007 est annulé, en tant que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté les conclusions de M. X dirigées contre la décision fixant le pays de destination et la décision de placement en rétention.
Article 2 : Les décisions du 29 août 2007 du préfet de la Seine-Saint-Denis fixant le pays de destination et plaçant M. X en rétention sont annulées.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. X est rejeté.
07VE02570 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 07VE02570
Date de la décision : 05/06/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Catherine RIOU
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : AUCHER-FAGBEMI

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-06-05;07ve02570 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award