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10/07/2008 | FRANCE | N°07VE02639

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites à la frontière, 10 juillet 2008, 07VE02639


Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés respectivement le 19 octobre 2007 et le 5 novembre 2007, présentée pour M. Riza X, demeurant chez M. Y, ..., par Me Namigohar ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0710443 du 21 septembre 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 septembre 2007 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté et la décision fixant

le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, en applic...

Vu la requête et le mémoire ampliatif, enregistrés respectivement le 19 octobre 2007 et le 5 novembre 2007, présentée pour M. Riza X, demeurant chez M. Y, ..., par Me Namigohar ; M. X demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0710443 du 21 septembre 2007 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 septembre 2007 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé sa reconduite à la frontière ;

2°) d'annuler cet arrêté et la décision fixant le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis, en application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de 30 jours ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que l'arrêté du 17 septembre 2007 est insuffisamment motivé et reprend des formules stéréotypées ; que l'arrêté ne peut trouver son fondement légal dans les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, l'intéressé étant entré régulièrement en France, ni dans aucune autre disposition du même article ; que la décision attaquée méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; qu'il vit en effet en France de façon ininterrompue depuis 2001 ; qu'il vit maritalement avec une compatriote, mère de ses deux enfants nés sur le territoire français ; qu'il appartient à la communauté kurde et a été contraint de s'exiler pour fuir la répression de l'Etat turc ; que sa soeur et ses cousins vivent en France en situation régulière ; que la décision emporte des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa vie familiale et porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; que l'arrêté attaqué viole les dispositions de l'article L. 513-2° du code de l'entrée et du séjour des étrangers car il a de sérieuses raisons de croire qu'il serait soumis à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme en cas de retour en Turquie ; qu'il appartient au parti kurde « Hadep » proche du PKK ; qu'il a fait l'objet d'un avis de recherche et a été condamné par coutumace par la cour d'assises de Gaziantep en raison de son engagement militant ; que le préfet de la Seine-Saint-Denis a commis une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle, eu égard à l'exceptionnelle gravité des conséquences de sa décision ;

.............................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 3 juillet 2008 :

- le rapport de M. Brumeaux, magistrat désigné,

- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée, qui mentionne les textes dont elle fait application et comporte l'énoncé des considérations de fait sur lesquelles elle est fondée, est suffisamment motivé ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 24 juillet 2006 et entrée en vigueur le 29 décembre 2006, date de la publication du décret du 23 décembre 2006 pris pour son application : « L'autorité administrative qui refuse la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour à un étranger ou qui lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte de séjour ou son autorisation provisoire de séjour, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, peut assortir sa décision d'une obligation de quitter le territoire français, laquelle fixe le pays à destination duquel l'étranger sera renvoyé s'il ne respecte pas le délai de départ volontaire prévu au troisième alinéa. (...) L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai d'un mois à compter de sa notification. Passé ce délai, cette obligation peut être exécutée d'office par l'administration. » et qu'aux termes du II du même article : « L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité. (...) ; 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré » ;

Considérant qu'à compter de l'entrée en vigueur de ces dispositions, la procédure de l'obligation de quitter le territoire français est la seule applicable lorsque l'autorité administrative refuse à un étranger, pour un motif autre que l'existence d'une menace à l'ordre public, la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, ou lorsqu'elle lui retire son titre de séjour, son récépissé de demande de carte ou son autorisation provisoire de séjour ; qu'un arrêté de reconduite à la frontière peut toutefois être pris à l'encontre de l'étranger qui avait fait l'objet de l'une de ces mesures avant la publication du décret du 23 décembre 2006 si cet étranger entre par ailleurs dans le champ d'application du 1° ou 2° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans leur rédaction issue de la loi du 24 juillet 2006 ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment du procès-verbal de police en date du 17 septembre 2007, que M. X TOSUN, de nationalité turque a reconnu être arrivé en France en 2001, par camion et sans passeport ; que dès lors il entrait dans le champ d'application de la disposition précitée du 1° de l'article L. 511-1-II du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en troisième lieu, qu'indépendamment de l'énumération faite par l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une mesure de reconduite à la frontière à l'encontre d'un étranger que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour ; que lorsque la loi ou une convention internationale prévoit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention « vie privée et familiale » est délivrée de plein droit : (...) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée » ; et qu'aux termes des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et sa correspondance. 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » ;

Considérant que si M. X fait valoir qu'il vit maritalement avec une compatriote mère de ses deux enfants nés le 14 septembre 2006, il n'établit pas la stabilité et l'ancienneté de la communauté de vie avec sa compagne, par ailleurs en situation irrégulière ; que s'il soutient que sa soeur et ses cousins résident en situation régulière en France, il ne prouve pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine ; que, par suite, dans ces conditions, compte tenu notamment de l'âge des enfants et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, la décision par laquelle le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé sa reconduite à la frontière ne peut être regardée comme portant à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte proportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi pas méconnu les dispositions de l'article L. 313-11 7 ° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : « (...) 3° (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 » ; que l'article 3 de cette convention dispose que « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants » ;

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que puisse être légalement désigné comme pays de destination d'un étranger faisant l'objet d'une mesure d'éloignement un Etat pour lequel il existe des motifs sérieux et avérés de croire que l'étranger s'y trouverait exposé à un risque réel pour sa personne soit du fait des autorités de cet Etat, soit même du fait de personnes ou de groupes de personnes ne relevant pas des autorités publiques dès lors que, dans ce dernier cas, les autorités de l'Etat de destination ne sont pas en mesure de parer à un tel risque par une protection appropriée ;

Considérant que M. X, qui affirme appartenir à la communauté kurde, demande l'annulation de la décision distincte contenue dans l'article 2 de l'arrêté attaqué, laquelle, dans les termes où elle est rédigée, doit être regardée comme fixant la Turquie comme pays de destination à destination duquel la reconduite sera prononcée ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile présentée par M. X a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 13 février 2002 puis par la Commission de recours des Réfugiés le 18 octobre 2002 ; que si l'intéressé produit un mandat d'arrêt en date du 4 juin 2000 et une convocation à une audience en date du 30 juin 2005 de la cour d'assises de Gaziantep, ces documents ne présentent toutefois pas un caractère d'authenticité et une valeur probante suffisants pour établir la réalité des circonstances qui feraient obstacle à son retour dans son pays d'origine et qui permettraient de considérer qu'il y serait exposé à la torture ou à des peines et traitements inhumains ou dégradants ; que, par suite, le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article L. 513-2 du de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

Considérant, enfin, que pour l'ensemble des motifs qui viennent d'être exposés le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas commis un erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences que sa décision est susceptible d'entraîner sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin de réexamen de la situation de l'intéressé :

Considérant que la présente décision qui rejette la requête de M. X n'appelle aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de procéder à un nouvel examen de son dossier doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : La requête de M. X est rejetée.

N° 07VE02639 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 07VE02639
Date de la décision : 10/07/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Michel BRUMEAUX
Rapporteur public ?: Mme LE MONTAGNER
Avocat(s) : NAMIGOHAR

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-07-10;07ve02639 ?
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