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17/12/2008 | FRANCE | N°08VE00113

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 17 décembre 2008, 08VE00113


Vu I) la requête, enregistrée sous le n° 08VE00113 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, le 14 janvier 2008, présentée pour la société civile immobilière (SCI) CFM, représentée par son représentant légal, dont le siège social est sis 64 rue des Grandes Vignes, à Juziers (78220), par Me Jodeau ; la SCI CFM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0509630 du 25 octobre 2007 en tant que le Tribunal administratif de Versailles lui a enjoint, d'une part, de démolir la construction qu'elle a édifiée 8 rue des Tanneries, à Meulan, en ne respect

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Vu I) la requête, enregistrée sous le n° 08VE00113 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, le 14 janvier 2008, présentée pour la société civile immobilière (SCI) CFM, représentée par son représentant légal, dont le siège social est sis 64 rue des Grandes Vignes, à Juziers (78220), par Me Jodeau ; la SCI CFM demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0509630 du 25 octobre 2007 en tant que le Tribunal administratif de Versailles lui a enjoint, d'une part, de démolir la construction qu'elle a édifiée 8 rue des Tanneries, à Meulan, en ne respectant pas la zone non aedificandi fixée par l'article 5 de la loi du 15 juillet 1845 et en empiétant sur le domaine public ferroviaire, et d'autre part, de remettre, sous le contrôle de l'administration, l'angle du pont-rail dans l'état où il se trouvait avant la construction litigieuse, dans le délai de six mois à compter de la notification du jugement, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, et a décidé qu'à défaut d'exécution dans ce délai, il pourra y être pourvu d'office par l'administration aux frais et risques de la société requérante ;

2°) de prononcer la relaxe de l'intéressée des poursuites engagées contre elle à la suite du procès-verbal de grande voirie établi le 9 novembre 2004 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la SNCF la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient, en premier lieu, que le bâtiment a été construit conformément au permis de construire qui lui a été régulièrement délivré par la commune de Meulan, le 11 mai 2004 ; en deuxième lieu, que la preuve du droit de propriété n'est pas rapportée ; que le tribunal administratif n'a pas répondu à la question de l'étendue du domaine public ferroviaire ; qu'il s'est fondé sur le plan d'un cabinet de géomètre établi le 29 mars 2005 alors que ce plan n'est pas contradictoire et qu'il en ressort, en tout état de cause, que le chemin d'accès au tunnel, dont la SNCF revendique la propriété, se trouve au-delà de la propriété de l'exposante ; que ce document, établi en mars 2005, comporte la mention de la date du 9 juin 2006 dont on ignore la signification ; qu'une cour d'habitation existait antérieurement à la ligne de chemin de fer ; qu'aucun sentier n'existe, un portail fermant l'accès à un prétendu chemin ; qu'ainsi, au seul vu d'un document non contradictoire et non fiable, et ne caractérisant pas l'étendue du domaine public ferroviaire, le tribunal administratif ne pouvait juger que la construction empiétait sur ce domaine ; en troisième lieu, que le tribunal a fait une inexacte application de l'article 5 de la loi du 15 juillet 1845 ; que le chemin de fer repose non sur un talus ou un remblai, mais sur un ouvrage constitué d'un mur vertical ; que, dès lors, la zone non aedificandi devant être mesurée à compter du rail extérieur du chemin de fer, la distance à respecter est en conséquence satisfaite ; que, d'ailleurs, la SNCF n'a pas agi contre les propriétaires voisins dont les constructions sont édifiées à une distance inférieure à 2 mètres du mur ; enfin, que, si le tribunal a relaxé la SCI CFM des poursuites du chef de contravention de grande voirie, il n'en a pas tiré les conséquences sur le plan de l'action domaniale ; qu'aucun empiètement sur le domaine public ferroviaire ne peut être relevé ; qu'à supposer qu'une servitude non aedificandi existe sur une distance de 2 mètres à compter de l'arête supérieure du mur dit de soutènement, cette servitude est inopposable pour n'avoir fait l'objet ni d'une insertion dans un journal ou recueil officiel, ni d'une notification individuelle aux propriétaires intéressés, ni enfin d'une publication au bureau des hypothèques en application de l'article 36-2 du décret 55-22 du 4 janvier 1955 portant réforme de la publicité foncière ; que le plan de servitude annexé au plan d'occupation des sols de la commune de Meulan publié le 1er septembre 1982 est désuet, le plan applicable étant celui du 23 juillet 2001, et inexploitable, le maire de Meulan n'ayant d'ailleurs relevé aucune servitude d'alignement, mais seulement une « zone de bruit SNCF » ; que le jugement doit être confirmé en tant qu'il a relaxé la requérante du chef de contravention de grande voirie ;

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Vu II) la requête, enregistrée sous le n° 08VE00116 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, le 14 janvier 2008, présentée pour la société civile immobilière (SCI) CFM, représentée par son représentant légal, dont le siège social est sis 64 rue des Grandes Vignes, à Juziers (78220), par Me Jodeau ; la SCI CFM demande à la cour de prononcer le sursis à l'exécution du jugement n° 0509630 du 25 octobre 2007 en tant que le Tribunal administratif de Versailles lui a enjoint, d'une part, de démolir la construction, édifiée 8 rue des Tanneries, à Meulan, ne respectant pas la distance de deux mètres fixée par l'article 5 de la loi du 15 juillet 1845 et empiétant sur le domaine public ferroviaire, et d'autre part, de remettre, sous le contrôle de l'administration, l'angle du pont -rail dans l'état où il se trouvait avant la construction litigieuse, dans le délai de six mois à compter de la notification du jugement, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard, et a décidé qu'à défaut d'exécution dans ce délai, il pourra y être pourvu d'office par l'administration aux frais et risques de la société requérante ;

Elle reprend les moyens développés dans sa requête enregistrée sous le n° 08VE00113 et soutient, en outre, que l'exécution du jugement emporterait des conséquences manifestement irrémédiables pour elle, puisqu'elles consistent en une démolition d'un bâtiment ; que, dès lors, elle est fondée à solliciter le sursis à l'exécution du jugement, en application de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la loi du 29 Floréal an X relative aux contraventions en matière de grande voirie, rendue applicable au chemin de fer par l'article 2 de la loi du 15 juillet 1945 ;

Vu la loi du 15 juillet 1845 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 4 décembre 2008 :

- le rapport de Mme Signerin-Icre, président assesseur,

- les observations de Me Jodeau, pour la SCI CFM,

- et les conclusions de Mme Grand d'Esnon, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction qu'un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 9 novembre 2004 à l'encontre de la SCI CFM, faisant référence à l'article 5 de la loi du 15 juillet 1845 sur la police des chemins de fer et mentionnant que l'intéressée a fait édifier, 8 rue des Tanneries, à Meulan, une construction empiétant sur le domaine public ferroviaire, que l'angle de soutènement de la voie ferrée de la ligne de Paris Saint-Lazare à Mantes-la-Jolie a été dégradé pour servir d'appui au linteau de la façade de ce bâtiment, et enfin qu'une partie de la toiture dudit bâtiment, en surplomb des emprises ferroviaires, occasionne des rejets illicites d'eaux pluviales nuisant à la conservation du talus qui supporte la voie ferrée ; que, par les requêtes susvisées n° 08VE00113 et n° 08VE00116, la SCI CFM demande l'annulation et le sursis à l'exécution du jugement du 25 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles, sur déféré de ce procès-verbal par le préfet des Yvelines, a enjoint à cette société de démolir la construction qu'elle a ainsi édifiée et de remettre l'angle du pont- rail dans l'état où il se trouvait avant la construction litigieuse ; qu'il y a lieu de joindre ces deux requêtes pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur la requête n° 08VE00113 :

Considérant, en premier lieu, que la circonstance qu'en conséquence de la méconnaissance des stipulations de l'article 6 § 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la SCI CFM a été relaxée des poursuites s'agissant de l'action publique, est sans incidence sur l'action en réparation des dommages causés au domaine public ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 5 de la loi du 15 juillet 1845 : « A l'avenir, aucune construction autre qu'un mur de clôture ne pourra être établie dans une distance de deux mètres du chemin de fer. Cette distance sera mesurée soit de l'arête supérieure du déblai, soit de l'arête inférieure du talus de remblai, soit du bord extérieur des fossés du chemin, ou à défaut d'une ligne tracée, à un mètre cinquante centimètres à partir des rails extérieurs de la voie ferrée. Les constructions existantes au moment de la promulgation de la présente loi, ou lors de l'établissement d'un nouveau chemin de fer, pourront être entretenues dans l'état où elles se trouvent à cette époque » ; que selon les articles 1er, 2 et 11 de cette loi, les atteintes portées au domaine public ferroviaire, ainsi que celles portées aux servitudes imposées par les lois et règlements dans l'intérêt de ce domaine, sont réprimées comme en matière de grande voirie ;

Considérant, d'une part, que la loi du 15 juillet 1845 a été publiée, en dernier lieu, au Journal officiel du 20 août 1944 ; que la servitude instituée par l'article 5 de cette loi était, dès lors, opposable à la société requérante ; que l'intéressée ne peut utilement faire valoir que cette servitude ne lui a pas été notifiée ni qu'elle ne serait pas mentionnée dans les documents du plan d'occupation des sols en vigueur de la commune de Meulan ;

Considérant, d'autre part, que, si la société requérante fait valoir qu'une cour existait antérieurement à l'édification de la voie ferrée, il résulte de l'instruction que le bâtiment litigieux, dont la réalisation n'est pas constitutive de travaux d'entretien d'une construction existante, a été édifié postérieurement à la voie, après l'obtention d'un permis de construire délivré le 11 mai 2004 ; qu'ainsi, cette construction était soumise au respect de la servitude instituée par l'article 5 de la loi du 15 juillet 1845 ;

Considérant, enfin, qu'il résulte de l'instruction que la voie de chemin de fer, qui longe la propriété de la société requérante, est aménagée sur un talus en remblai soutenu par un mur ; que, dès lors, la distance prescrite par l'article 5 de la loi du 15 juillet 1845 doit être mesurée à partir de l'arête inférieure du talus de ce remblai, et non, comme le soutient la requérante, à partir des rails extérieurs de la voie ferrée ; que, dans ces conditions, les travaux de construction réalisés par la requérante à moins de deux mètres de distance de l'arête inférieure du talus supportant la voie ferrée ont porté atteinte à la servitude non aedificandi instituée par la loi et sont constitutifs d'une contravention de grande voirie ; que la requérante ne peut utilement se prévaloir de la circonstance que les propriétaires voisins, dont les constructions sont édifiées à une distance inférieure à 2 mètres du mur, n'auraient pas fait l'objet de poursuites ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la photographie annexée au procès-verbal de contravention dressé le 9 novembre 2004, que l'angle de soutènement de la voie ferrée a été dégradé pour servir d'appui au linteau de la façade de la construction litigieuse ;

Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance, à la supposer établie, que le bâtiment aurait été construit conformément au permis de construire délivré par le maire de la commune de Meulan le 11 mai 2004 n'est pas de nature à exonérer la SCI CFM, de la contravention encourue par elle ;

Considérant, en dernier lieu, que si la société requérante fait valoir que la construction litigieuse n'empiète pas sur le domaine public ferroviaire, dès lors que le sentier qui sépare la propriété de l'intéressée du mur de soutènement du talus supportant la voie de chemin de fer constitue une dépendance du domaine public communal, il résulte de ce qui précède que la matérialité des autres infractions est constituée et que la méconnaissance de la servitude instituée par l'article 5 de la loi du 15 juillet 1845 fonde légalement, à elle seule, l'injonction de démolition ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SCI CFM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à démolir la construction qu'elle a édifiée en méconnaissance de la servitude instituée au profit du domaine public ferroviaire par l'article 5 de la loi du 15 juillet 1845 et à remettre l'angle du pont- rail dans l'état où il se trouvait avant la construction litigieuse ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'en tout état de cause, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI CFM le versement à la SNCF de la somme de 1 000 euros que celle-ci demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Sur la requête n° 08VE00116 :

Considérant que, la Cour statuant par le présent arrêt sur les conclusions de la requête de la SCI CFM tendant à l'annulation du jugement attaqué, les conclusions de la requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet ; que, par suite, il n'y a pas lieu pour la Cour d'y statuer ;

D E C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 08VE00116.

Article 2 : La requête n° 08VE00113 de la SCI CFM est rejetée.

Article 3 : Les conclusions de la SNCF tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 08VE00113 et 08VE00116


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 08VE00113
Date de la décision : 17/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme TANDONNET-TUROT
Rapporteur ?: Mme Corinne SIGNERIN-ICRE
Rapporteur public ?: Mme GRAND d'ESNON
Avocat(s) : SELARL MARCONNET-JODEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-12-17;08ve00113 ?
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