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30/12/2008 | FRANCE | N°07VE03236

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 30 décembre 2008, 07VE03236


Vu la requête, enregistrée le 26 décembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Josée X, demeurant ..., par Me Coudray ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603840 en date du 26 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté sa demande tendant à la réparation des préjudices qu'elle a subis résultant de l'inertie de l'administration et de l'illégalité des décisi

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Vu la requête, enregistrée le 26 décembre 2007 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Josée X, demeurant ..., par Me Coudray ; Mme X demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0603840 en date du 26 octobre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l'éducation nationale a rejeté sa demande tendant à la réparation des préjudices qu'elle a subis résultant de l'inertie de l'administration et de l'illégalité des décisions prononçant la fin de son détachement auprès de l'Ecole européenne de Luxembourg et sa réintégration ;

2°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle a subi du fait des illégalités commises et du harcèlement moral dont elle a été victime, avec intérêts et capitalisation des intérêts ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'en violation des dispositions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative il ne mentionne pas l'ensemble des pièces de procédure ; que l'administration, par son inertie, tout en multipliant les contrôles et les agissements vexatoires, a eu un comportement fautif caractérisant un harcèlement moral de nature à engager la responsabilité de l'Etat ; que la décision de ne pas renouveler son détachement, qui n'a pas été précédée de la possibilité de consulter son dossier, a été prise à la suite d'une procédure irrégulière ; que cette décision vexatoire était de nature à engager la responsabilité de l'administration ;

....................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention portant statut des écoles européennes (ensemble deux annexes), faite à Luxembourg le 21 juin 1994, publiée en vertu du décret n° 2004-1168 du 26 octobre 2004, ensemble le statut du personnel détaché auprès des écoles européennes ;

Vu la loi du 22 avril 1905, notamment son article 65 ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

Vu la loi n° 84-53 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat ;

Vu le décret n° 85-986 du 16 septembre 1985 relatif au régime particulier de certaines positions des fonctionnaires de l'Etat et à certaines modalités de mise à disposition et de cessation définitive de fonctions ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2008 :

- le rapport de M. Martin, premier conseiller,

- les observations de Me Coudray, pour Mme X,

- et les conclusions de M. Davesne, commissaire du gouvernement ;

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, dans sa rédaction issue de la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale : « Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. / Aucune mesure concernant notamment le recrutement, la titularisation, la formation, la notation, la discipline, la promotion, l'affectation et la mutation ne peut être prise à l'égard d'un fonctionnaire en prenant en considération : / 1° Le fait qu'il ait subi ou refusé de subir les agissements de harcèlement moral visés au premier alinéa ; (...) » ;

Considérant que, pour soutenir qu'elle a été victime de harcèlement moral alors qu'elle était affectée à l'Ecole européenne de Luxembourg du 1er septembre 2000 au 1er septembre 2005 en qualité de professeur de français, Mme X fait d'abord valoir que, lorsqu'elle était chargée, au cours de l'année 2002-2003, d'assurer la coordination de la section francophone langue maternelle, la direction de l'école n'est pas intervenue alors qu'elle était confrontée à l'opposition de ses collègues, qui boycottaient ses réunions ; que, toutefois, et en tout état de cause, la seule attestation produite par la requérante émanant d'une collègue de travail, établie le 19 juin 2005, soit deux ans après les faits, selon laquelle son élection comme coordinatrice de français avait suscité la rancoeur de certains autres professeurs, ne permet pas d'établir la carence de l'administration à la protéger contre des faits supposés de harcèlement moral imputables à ses collègues ; que si Mme X soutient que le directeur de l'Ecole européenne de Luxembourg avait délibérément cherché à lui nuire en mettant en cause systématiquement le bien-fondé des arrêts de travail prescrits par un médecin à partir du 10 septembre 2004, il résulte de l'instruction que les contrôles des arrêts de maladie de la requérante par le directeur, qui ont été effectués par celui-ci dans le cadre de l'exercice normal de son pouvoir hiérarchique, ont été, en tout état de cause, rendus nécessaires pour assurer le remplacement de la requérante, qui ne prévenait pas l'école de ses absences dans des délais raisonnables ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que les appréciations portées par le directeur de l'école et l'inspectrice générale des enseignements français sur le contenu de l'enseignement dispensé et sur les difficultés rencontrées par Mme X dans l'exercice de ses fonctions aient revêtu un caractère vexatoire ; que si Mme X invoque également la carence de l'administration à lui assurer une protection efficace dans un contexte difficile alors que l'inspectrice générale de l'éducation nationale lui avait fait part, elle-même, de l'existence de certains dysfonctionnements de l'Ecole européenne de Luxembourg, il ne résulte pas de l'instruction que le placement de l'intéressée en congé de maladie, en raison de la dégradation de son état psychologique, résulte des conditions de travail dans lesquelles la hiérarchie de l'école l'aurait laissée évoluer ; que, dans ces conditions, Mme X n'est pas fondée a soutenir qu'elle devait être regardée comme ayant fait l'objet de harcèlement moral ;

Considérant que Mme X n'est pas fondée, en conséquence, à rechercher la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité en réparation du préjudice qu'elle allègue avoir subi du fait d'un tel harcèlement ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de la convention portant statut des écoles européennes faite à Luxembourg le 21 juin 1994 : Chaque école est dotée de la personnalité juridique nécessaire à la réalisation de sa mission (..). Elle jouit, à cette fin, de l'autonomie de gestion pour les crédits qui sont inscrits dans la section budgétaire la concernant (...). En ce qui concerne ses droits et obligations, l'école est traitée dans chaque Etat membre, et sous réserve des dispositions spécifiques de la présente convention, comme un établissement scolaire régi par le droit public. ; qu'aux termes de l'article 1er du statut du personnel détaché auprès des écoles européennes : 1. Est personnel détaché auprès des écoles européennes, au sens du présent statut, toute personne qui remplit les conditions nécessaires, conformément à l'article 12, 3 et 4 a) de la Convention portant statut des écoles européennes et qui, dans les limites des emplois fixés par l'organigramme de chaque école, est mise à la disposition de ces écoles par l'autorité publique compétente en vertu d'un acte officiel. (...) / 5. Le terme détaché désigne toute forme de détachement ou de mise à disposition selon les pratiques nationales respectives. ; que l'article 83 de ce même statut dispose : 1. Le détachement des membres du personnel enseignant et de surveillance est renouvelé (...) par période de quatre ans (...) / - pour une durée totale indéterminée, pour les membres du personnel détachés avant le 1er septembre 1989 sauf dispositions nationales contraires ; / - pour une durée maximale de neuf ans, pour les membres du personnel détachés à partir du 1er septembre 1989. ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme X a été nommée à compter du 1er septembre 2000 dans l'académie de Strasbourg afin d'exercer ses fonctions au sein de l'Ecole européenne de Luxembourg par un arrêté du ministre de l'éducation nationale en date du 4 juillet 2000 ; qu'elle doit ainsi être regardée comme ayant été mise à disposition, depuis le 1er septembre 2000, de l'Ecole européenne de Luxembourg ; que, par courrier en date du 4 janvier 2005, le recteur de l'académie de Strasbourg l'a invitée à participer au mouvement inter-académique des professeurs agrégés au titre de l'année 2005 ; que, par un arrêté du même ministre en date du 7 avril 2005, elle a été mutée à compter du 1er septembre 2005 et affectée à l'académie de Versailles ;

Considérant que les dispositions précitées du statut du personnel détaché auprès des écoles européennes n'ont eu ni pour objet, ni pour effet de modifier les règles statutaires applicables à tout fonctionnaire de l'Etat ; qu'un fonctionnaire de l'Etat n'a aucun droit au renouvellement de sa mise à disposition et que le ministre peut, pour des motifs tirés de l'intérêt du service, refuser ce renouvellement ;

Considérant qu'aux termes de l'article 41 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée : La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d'origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante, mais qui effectue son service dans une autre administration que la sienne. (...) ; que l'article 6 du décret du 16 septembre 1985 susvisé précise : La durée de la mise à disposition (...) est fixée dans l'arrêté prévu à l'article 2 du présent décret. Elle ne peut excéder trois ans mais est renouvelable (...). La mise à disposition peut prendre fin avant le terme qui lui a été fixé à la demande (...) du ministre ayant autorité sur le corps auquel appartient le fonctionnaire. ; que le ministre chargé de l'éducation nationale tient de ces dispositions le pouvoir de refuser, pour des motifs tirés de l'intérêt du service, la prolongation sollicitée par un enseignant mis à disposition d'une école européenne ; que tel est le cas de Mme X, qui avait été affectée dans l'académie de Strasbourg en 1990 pour être mise à disposition d'une école européenne et n'est donc pas en position de détachement ;

Considérant qu'il résulte de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 qu'un agent public faisant l'objet d'une mesure prise en considération de sa personne, qu'elle soit ou non justifiée par l'intérêt du service, doit être mis à même de demander la communication de son dossier ; que l'arrêté du 7 avril 2005 mutant Mme X au sein de l'académie de Strasbourg doit être regardé comme ayant été pris en considération de la personne de l'intéressée ; qu'ainsi, Mme X devait être mise à même de demander la communication de son dossier en temps utile ; qu'il ressort cependant des pièces du dossier que Mme X a été informée de l'intention de l'administration de procéder à sa mutation dans l'intérêt du service lors de la réception par ses soins de la lettre du 14 décembre 2004 de l'inspecteur général des enseignements français et de la lettre du recteur de l'académie de Strasbourg du 4 janvier 2005 l'invitant à participer au mouvement inter-académique de l'année 2005 ; qu'elle a donc disposé, avant l'édiction de l'arrêté du 7 avril 2005, d'un délai suffisant pour demander la communication de son dossier alors même qu'elle n'aurait pas été expressément informée de la possibilité d'une telle communication ;

Considérant que le ministre de l'éducation nationale était en droit, lorsqu'il a édicté son arrêté du 7 avril 2005 mutant Mme X dans l'académie de Strasbourg, dans l'intérêt du service, au vu du rapport de l'inspecteur général des enseignements français du 14 décembre 2004 et du rapport du directeur de l'école européenne du 14 janvier 2005 - et non du seul rapport du directeur de l'école européenne, comme le soutient la requérante, - de mettre fin à la mise à disposition de l'Ecole européenne de Luxembourg de Mme X ; qu'il résulte de l'instruction que l'arrêté du 7 avril 2005 par lequel le ministre en a ainsi décidé a été pris en raison de l'incapacité de la requérante à tenir un emploi de la nature de ceux qui sont proposés aux enseignants dans les écoles européennes et sur la demande expresse du directeur de l'Ecole européenne de Luxembourg ; qu'il s'agit ainsi d'une mesure prise dans l'intérêt du service ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que celle-ci repose sur des faits matériellement inexacts ou sur une appréciation erronée des circonstances de l'espèce ;

Considérant que le rapport en date du 14 décembre 2004 par lequel l'inspecteur général des enseignements français a proposé le non-renouvellement de la mise à disposition de Mme X, qui ne constitue pas une décision susceptible de recours contentieux, émane, en tout état de cause, de l'autorité compétente pour l'émettre ;

Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que l'arrêté du 7 avril 2005 du ministre de l'éducation nationale, qui met fin à la mise à disposition de l'Ecole européenne de Luxembourg de Mme X et prononce la mutation de l'intéressée à l'académie de Strasbourg, a été édicté dans l'intérêt du service et ne repose pas sur la prise en considération d'agissements constitutifs de harcèlement moral au sens des dispositions de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions dudit article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 doit, dès lors, être écarté ;

Considérant que l'arrêté du 7 avril 2005 n'étant pas entaché d'illégalité, Mme X n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité de l'administration serait engagée en raison d'une telle illégalité ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme X n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à ce que l'Etat soit condamné à lui verser une indemnité en réparation des préjudices qu'elle allègue avoir subis ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à verser à Mme X la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme X est rejetée.

N° 07VE03236 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 07VE03236
Date de la décision : 30/12/2008
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FRYDMAN
Rapporteur ?: M. Frédéric MARTIN
Rapporteur public ?: M. DAVESNE
Avocat(s) : COUDRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2008-12-30;07ve03236 ?
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