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05/02/2009 | FRANCE | N°06VE00036

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 05 février 2009, 06VE00036


Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 2006 en télécopie et le 11 janvier 2006 en original au greffe de la Cour, présentée pour la société HYNIX SEMI CONDUCTOR UK LIMITED, élisant domicile chez Me Schiele, 67, rue Notre-Dame-des-Champs à Paris (75006), par Me Schiele ; la société HYNIX SEMI CONDUCTOR UK demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0201870 du 20 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 199

6 et 1997 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de met...

Vu la requête, enregistrée le 9 janvier 2006 en télécopie et le 11 janvier 2006 en original au greffe de la Cour, présentée pour la société HYNIX SEMI CONDUCTOR UK LIMITED, élisant domicile chez Me Schiele, 67, rue Notre-Dame-des-Champs à Paris (75006), par Me Schiele ; la société HYNIX SEMI CONDUCTOR UK demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0201870 du 20 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1996 et 1997 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et le paiement des dépens ;

La société HYNIX SEMI CONDUCTOR UK soutient, que dès lors qu'elle était assujettie au cours des années 1996 et 1997 à la taxe sur la valeur ajoutée à plus de 90 pour 100 au Royaume-Uni, sa succursale française n'était pas soumise à la taxe sur les salaires ; que l'activité de cette succursale consistant exclusivement à rendre des services à son siège social situé au Royaume-Uni, activité située hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée d'après les instructions 3 D-6-83 du 4 août 1983 et 3 C.A.-94 du 8 septembre 1994, ladite succursale ne constituait pas en France un établissement stable pour les besoins de la taxe sur la valeur ajoutée, ce que l'administration fiscale a confirmé en renonçant à des redressements envisagés de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il convient dès lors de s'attacher à la qualité d'assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée de la société dans son entier et non uniquement de sa succursale française ; que la société commercialisait des produits électroniques et était, à ce titre, un assujetti total à la taxe sur la valeur ajoutée au Royaume-Uni ; qu'ainsi, sa succursale n'était pas soumise à la taxe sur les salaires ; que même si sa succursale avait été dans le champ d'application de la taxe sur les salaires en 1996 et 1997, elle n'en aurait pas été redevable puisque le prorata d'assujettissement aurait été nul ; que les services fiscaux ont considéré que le rapport d'assujettissement n'était instauré qu'au bénéfice des assujettis partiels et, à ce titre, en ont refusé le bénéfice à la succursale française ; que, toutefois, cette analyse semble ressortir de la doctrine de l'administration, que celle-ci ne peut lui opposer ; que le 1. de l'article 231 du code général des impôts précise que l'assiette de la taxe sur les salaires est déterminée en appliquant à l'ensemble des rémunérations versées le rapport existant entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total ; qu'ainsi, et à défaut de dispositions prévoyant une exclusion spécifique, le rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires doit, par conséquent, s'appliquer à tout employeur situé en France sans considération de sa qualité d'assujetti total ou partiel ; que le prorata d'assujettissement est déterminé au numérateur par le chiffre d'affaires n'ouvrant pas droit à déduction, ce qui comprend les opérations exonérées ainsi que les opérations hors champ, et au dénominateur par le chiffre d'affaires réalisé ; que, dans les instructions 3 D-6-83 du 4 août 1983 et 3 C.A.-94 du 8 septembre 1994, l'administration exclut expressément du calcul du prorata les opérations internes réalisées entre une succursale et son siège ; que celles-ci ne sauraient, par conséquent, être comprises au numérateur et au dénominateur ; qu'au cas de l'espèce, le rapport d'assujettissement applicable à la succursale française aurait été nul, puisque l'intégralité des produits perçus par cette dernière provenait, au cours des années litigieuses, des services qu'elle rendait au siège ; que, dans leur réponse du 4 avril 2002, les services fiscaux affirment qu'au cas particulier, le rapport d'assujettissement se serait élevé à 1 au motif que le numérateur devrait être constitué de l'intégralité des sommes refacturées par le bureau de représentation au siège social ; que, toutefois, ces refacturations ne doivent pas être retenues pour la détermination du rapport d'assujettissement par application des instructions 5-L-4-95 du 10 mars 1995 et 3 C.A.-94 du 8 septembre 1994 ; que ces doctrines sont opposables à l'administration en application de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; que le fait d'assujettir en France à la taxe sur les salaires la succursale d'une société étrangère, alors que la succursale d'une société française ne l'est pas, est contraire au principe de non-discrimination posé par le 1 de l'article 25 de la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 ; qu'en effet, si elle avait été une société française, elle aurait été soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, comme elle l'est au Royaume-Uni, et n'aurait pas été soumise à la taxe sur les salaires ; que, dans sa réponse du 4 avril 2002, l'administration semble reconnaître l'existence d'une inégalité de traitement ; que les impositions litigieuses constituent une différence de traitement contraire à l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne, qui interdit les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants, y compris les sociétés, d'un Etat membre sur le territoire d'un autre Etat membre ; qu'en effet, l'administration fiscale soumet à la taxe sur les salaires les succursales et bureaux de liaison rendant des services exclusivement à leur siège étranger assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée, alors que les mêmes structures échappent à cet impôt si elles font partie de sociétés françaises ; qu'une telle différence de traitement se traduit par une imposition plus lourde des sociétés étrangères puisque celles-ci payent la taxe sur la valeur ajoutée dans leur pays et la taxe sur les salaires en France, alors que les sociétés françaises sont exemptées de cette imposition du seul fait de leur assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne ;

Vu la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 ;

Vu la convention fiscale franco-britannique du 22 mai 1968 modifiée ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 22 janvier 2009 :

- le rapport de M. Dhers, premier conseiller,

- les observations de Me Schiele,

- et les conclusions de M. Beaufaÿs, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société HYNIX SEMI CONDUCTOR UK, société de droit anglais qui disposait en France, aux Ulis (Essonne), d'un bureau de liaison devenu une succursale le 1er janvier 1997, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 4 septembre 1995 au 31 décembre 1997 à l'issue de laquelle l'administration fiscale a émis à son encontre des cotisations de taxe sur les salaires au titre des années 1996 et 1997 ; que la société HYNIX SEMI CONDUCTOR UK relève appel du jugement du 20 octobre 2005 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux impositions litigieuses : 1. Les sommes payées à titre de traitements, salaires, indemnités et émoluments, y compris la valeur des avantages en nature, sont soumises à une taxe sur les salaires égale à 4,25 % de leur montant, à la charge des personnes ou organismes, à l'exception des collectivités locales et de leurs groupements, des services départementaux de lutte contre l'incendie, des centres d'action sociale dotés d'une personnalité propre lorsqu'ils sont subventionnés par les collectivités locales, du centre de formation des personnels communaux et des caisses des écoles, qui paient des traitements, salaires, indemnités et émoluments lorsqu'ils ne sont pas assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ou ne l'ont pas été sur 90 % au moins de leur chiffre d'affaires au titre de l'année civile précédant celle du paiement desdites rémunérations. L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (...) ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la totalité des recettes de la succursale française de la société HYNIX SEMI CONDUCTOR UK a eu pour provenance, au cours des années litigieuses, les services qu'elle a rendus à son siège situé au Royaume-Uni et que, se conformant à son statut de succursale de cette société, elle n'a pas assumé le risque lié à son activité économique ; que cette succursale était, par suite, dépendante de cette société, avec laquelle elle constituait un assujetti unique à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'ainsi, les modalités d'assujettissement de la société HYNIX SEMI CONDUCTOR UK à la taxe sur les salaires à raison des rémunérations versées aux personnels affectés à cette succursale devaient être appréciées au regard de l'ensemble de l'activité de l'employeur réalisée à partir de son siège britannique ; qu'il est constant que la société HYNIX SEMI CONDUCTOR UK a été assujettie en Grande-Bretagne à la taxe sur la valeur ajoutée pour plus de 90 % de son chiffre d'affaires au cours des années qui ont précédé celles en litige ; qu'elle n'entrait pas, dès lors, dans le champ d'application de l'article 231 précité du code général des impôts ; qu'elle est, par suite, fondée à demander la décharge des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1996 et 1997 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société HYNIX SEMI CONDUCTOR UK est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, en application de ces dispositions, le versement à la société HYNIX SEMI CONDUCTOR UK d'une somme de 3 000 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0201870 du Tribunal administratif de Versailles du 20 octobre 2005 est annulé.

Article 2 : La société HYNIX SEMI CONDUCTOR UK LIMITED est déchargée des cotisations de taxe sur les salaires auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1996 et 1997.

Article 3 : L'Etat versera à la société HYNIX SEMI CONDUCTOR UK LIMITED une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 06VE00036 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 06VE00036
Date de la décision : 05/02/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-05-01 CONTRIBUTIONS ET TAXES. IMPÔTS ASSIS SUR LES SALAIRES OU LES HONORAIRES VERSÉS. VERSEMENT FORFAITAIRE DE 5 P. 100 SUR LES SALAIRES ET TAXE SUR LES SALAIRES. - CRITÈRES D'IMPOSITION À LA TAXE SUR LES SALAIRES AU REGARD DU POURCENTAGE D'ASSUJETTISSEMENT À LA TVA (ARTICLE 231 DU CGI) - SUCCURSALE FRANÇAISE D'UNE SOCIÉTÉ ÉTRANGÈRE - APPRÉCIATION DU CRITÈRE DE L'ASSUJETTISSEMENT À LA TVA AU REGARD DE LA SUCCURSALE FRANÇAISE QUI N'ASSURE PAS LE RISQUE LIÉ À L'ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE : NON [RJ1] -.

19-05-01 Dès lors qu'une succursale française d'une société britannique se borne à rendre des services au siège social de cette société et n'assure elle-même aucun risque lié à l'activité économique de celle-ci, le siège social et la succursale constituent un assujetti unique à la TVA et, par suite, les modalités d'assujettissement de la société britannique à la taxe sur les salaires à raison des rémunérations versées aux personnels affectés à la succursale française doivent être appréciées au regard de l'ensemble de l'activité de l'employeur réalisée à partir de son siège. Dès lors que la société a été assujettie en Grande-Bretagne à la taxe sur la valeur ajoutée pour plus de 90% de son chiffre d'affaires au cours des années qui ont précédé celles en litige, elle n'est pas imposable à la taxe sur les salaires à raison de ces rémunérations.


Références :

[RJ1]

Comp., CJCE, 2ème chambre, 23 mars 2006, FCE Bank plc, affaire 210/04.,,Rappr. TA de Paris, 27 avril 2004, Société NYK LINE EUROPE Ltd, n° 9825747/1, 0016194/1 et 0113119/1.


Composition du Tribunal
Président : M. FRYDMAN
Rapporteur ?: M. Stéphane DHERS
Rapporteur public ?: M. BEAUFAYS
Avocat(s) : SCHIELE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2009-02-05;06ve00036 ?
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