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24/09/2009 | FRANCE | N°08VE03296

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, Juges des reconduites à la frontière, 24 septembre 2009, 08VE03296


Vu la requête, enregistrée le 17 octobre 2008 en télécopie et le 21 octobre 2008 en original, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0809674 du 15 septembre 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du

5 septembre 2008 décidant la reconduite à la frontière de M. X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administra

tif de Cergy-Pontoise ;

Il soutient que le premier juge a commis une erreur de droit en...

Vu la requête, enregistrée le 17 octobre 2008 en télécopie et le 21 octobre 2008 en original, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; il demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0809674 du 15 septembre 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du

5 septembre 2008 décidant la reconduite à la frontière de M. X et la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;

2°) de rejeter la demande présentée par M. X devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Il soutient que le premier juge a commis une erreur de droit en jugeant que l'arrêté de reconduite prononcé à l'encontre de M. X ne pouvait se fonder sur les dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car

M. X était démuni de tout document transfrontière lors de son interpellation ; que le fait pour M. X de se prévaloir d'un passeport périmé revêtu d'un visa de régularisation délivré par la préfecture de police de Paris le 14 avril 2006 ne peut lui permettre d'exciper d'un droit au séjour ; que M. X n'établit pas avoir entrepris des démarches en préfecture pour l'obtention d'un titre de séjour depuis 2006 ; qu'à supposer que le visa de régularisation apposé sur le passeport périmé de M. X puisse être considéré comme un visa d'entrée en France, ce visa avait, en tout état de cause, perdu sa validité, et que l'autorité administrative peut substituer comme fondement légal de l'arrêté de reconduite à la frontière aux dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 les dispositions du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France ; que le principe du contradictoire a été respecté ; que les moyens tirés de la méconnaissance du 11° et 7° de l'article L. 313-11, du 1° de l'article L. 312, de l'article

L. 313-14 et du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont inopérants dès lors que la décision déférée au tribunal administratif est une mesure d'éloignement et non un refus de délivrance d'un titre de séjour ;

......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le décret n° 95-304 portant publication de la convention d'application de l'accord de Schengen du 19 juin 1990 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 septembre 2009 :

- le rapport de M. Martin, magistrat désigné,

- les conclusions de Mme Jarreau, rapporteur public,

- et les observations de M. X ;

Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : - L'autorité administrative compétente peut, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : 1°) Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement en France, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; 2°) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ;

Considérant que, pour annuler l'arrêté de reconduite à la frontière pris par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS le 5 septembre 2008 à l'encontre de M. X, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur le fait que M. X étant entré régulièrement sur le territoire français il n'entrait pas dans les prévisions des dispositions du 1° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que la confiscation de son passeport par l'autorité administrative s'est prolongée pendant une durée manifestement excessive au cours de laquelle l'intéressé s'est vu priver de la faculté de solliciter un titre de séjour en vue de la régularisation de sa situation administrative ; que, toutefois, le fait pour M. X de se prévaloir d'un passeport périmé revêtu d'un visa de régularisation délivré par la préfecture de police de Paris le 14 avril 2006 ne pouvait lui permettre d'exciper d'un droit au séjour ; qu'en tout état de cause, à supposer que le visa de régularisation apposé sur le passeport périmé de M. X puisse être considéré comme un visa d'entrée en France, ce visa avait perdu sa validité au moment où a été édicté l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. X le 5 septembre 2008 et permettait au préfet, au regard de la situation irrégulière du séjour de M. X d'édicter un arrêté de reconduite à la frontière en application du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, même si M. X avait pu déposer une demande de titre de séjour s'il avait été en possession de son passeport, le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide la reconduite à la frontière d'un étranger en situation irrégulière se trouvant dans l'un des cas mentionnés au 1°, 2° ou 4° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur l'impossibilité pour l'intéressé de pouvoir présenter une demande de titre de séjour et sur le fait qu'il était entré régulièrement sur le territoire français pour annuler l'arrêté portant reconduite à la frontière de M. X ;

Considérant toutefois qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. X devant le tribunal administratif ;

Considérant, en premier lieu, que M. X ne peut utilement soutenir qu'ayant fait l'objet, antérieurement à la publication du décret du 23 décembre 2006 modifiant le code de justice administrative et visé à l'article 118 de la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration, d'un refus de délivrance d'un titre de séjour, il ne pouvait faire l'objet d'un arrêté de reconduite à la frontière alors que l'intéressé entre, comme il vient d'être rappelé ci-dessus, dans le champ d'application du 2° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en deuxième lieu, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que

M. X interpellé en situation irrégulière le 4 septembre 2008 lors d'un contrôle d'identité effectué à Montreuil dans le département de la Seine-Saint-Denis a été placé dans les locaux de la police judiciaire de Seine-Saint-Denis ; qu'il se trouvait encore dans lesdits locaux le

5 septembre 2008, à la date de signature de l'arrêté attaqué ; qu'ainsi, et sans que M. X puisse utilement se prévaloir de ce que, demeurant à Paris, seul le préfet de police serait compétent pour se prononcer sur le droit au séjour de l'intéressé, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, dans le ressort duquel étaient situés les locaux dans lesquels était retenu l'intéressé, était compétent pour prendre la mesure d'éloignement contestée ; d'autre part, que, par un arrêté du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS du 11 juin 2008 régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du même jour, M. Y, adjoint au chef du bureau des mesures administratives, a reçu délégation du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Magne, directrice des étrangers, laquelle a reçu délégation de signature par arrêté du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS du 21 janvier 2008, régulièrement publié au bulletin d'informations administratives du même jour, à l'effet de signer, notamment, les arrêtés de reconduite à la frontière ; qu'ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait entaché d'incompétence doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, que les conditions dans lesquelles M. X a été interpellé sont sans incidence sur la légalité de l'arrêté prononçant sa reconduite à la frontière ;

Considérant, en quatrième lieu, que l'arrêté prononçant la reconduite à la frontière de M. X comporte dans ses visas et ses motifs toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et permettant de vérifier que l'administration préfectorale a procédé à un examen de la situation particulière de M. X au regard des stipulations et des dispositions législatives et règlementaires applicables ;

Considérant, en cinquième lieu, que si M. X soutient que le refus de délivrance d'un titre de séjour du 15 septembre 2006, qui aurait, selon ses dires, servi de fondement à l'arrêté de reconduite à la frontière du 5 septembre 2008 serait irrégulier au motif d'une incompétence de son auteur, d'une insuffisante motivation, de ce que le préfet se serait crû en situation de compétence liée et de l'absence de motivation et de signature de l'avis du médecin inspecteur de la santé, ces moyens sont, en tout état de cause, inopérants à l'encontre d'un arrêté de reconduite à la frontière qui n'est pas et ne pouvait pas être fondé sur un refus de délivrance d'un titre de séjour ;

Considérant, en sixième lieu, qu'il résulte de l'ensemble des dispositions du II de l'article L. 511-1 et des articles L. 512-1-1 à L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ouvrent un recours suspensif devant le juge administratif, organisent les garanties dont bénéficie l'étranger pour pouvoir exercer utilement ledit recours et fixent les délais dans lesquels ces recours doivent être présentés et jugés, que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions pouvant faire l'objet de ces recours et, par suite, exclure l'application des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l'administration, selon lesquelles les décisions qui doivent être motivées en vertu de la loi du 11 juillet 1979 ne peuvent légalement intervenir qu'après que l'intéressé a été mis à même de présenter des observations écrites ou orales ; que le moyen tiré de ce que l'arrêté de reconduite à la frontière serait illégal faute d'avoir été précédé des observations de M. X doit, ainsi, être écarté ;

Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Les services de police et les unités de gendarmerie sont habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière. Ils leur remettent en échange un récépissé valant justification de leur identité et sur lequel sont mentionnées la date de retenue et les modalités de restitution du document retenu. ; que le moyen tiré de la rétention de son passeport est inopérant à l'encontre de la légalité de l'arrêté de reconduite à la frontière ; que l'intéressé n'était, en tout état de cause, pas privé de faire la preuve de son identité par la production des récépissés qui lui avaient été remis par la préfecture de police de Paris, dans les conditions prévues par les dispositions de l'article L. 611-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en échange de la rétention de son passeport ;

Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ;

Considérant que M. X, ressortissant turc, né le 13 novembre 1978, est entré en France le 18 janvier 2001 ; qu'il fait valoir que son père, établi en France depuis 1974 et titulaire d'une carte de résident, est atteint de problèmes cardiaques et de séquelles aux genoux consécutives à un accident de travail nécessitant qu'il l'assiste dans la vie quotidienne ; qu'il ressort néanmoins des pièces du dossier que le père de M. X n'est pas isolé en France dès lors qu'il vit au domicile d'un des frères du requérant et est marié avec une ressortissante de nationalité française dont il a trois autres enfants ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions du séjour de M. X, qui est célibataire sans enfant et qui n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attaches en Turquie où il a vécu jusqu'à l'âge de 23 ans et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a, le 5 septembre 2008, prononcé la reconduite à la frontière de M. X ait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels il a été pris ;

Considérant, enfin, que si le requérant doit être regardé comme soutenant que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant qu'elles énumèrent les cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière dont la décision attaquée lui a fait application seraient discriminatoires et porteraient atteinte aux libertés fondamentales en méconnaissance du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et de l'article 14-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, il n'assortit ce moyen d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à demander l'annulation du jugement du 15 septembre 2008 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du 5 septembre 2008 décidant la reconduite à la frontière de M. X ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que M. X demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 15 septembre 2008 est annulé.

Article 2 : La demande présentée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise par

M. X et le surplus des conclusions de sa requête devant la Cour sont rejetés.

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N° 08VE03296 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : Juges des reconduites à la frontière
Numéro d'arrêt : 08VE03296
Date de la décision : 24/09/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Frédéric MARTIN
Rapporteur public ?: Mme JARREAU
Avocat(s) : GUETTA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2009-09-24;08ve03296 ?
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