La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

08/07/2010 | FRANCE | N°08VE00985

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 08 juillet 2010, 08VE00985


Vu, enregistré le 4 avril 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, le recours présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0306138 en date du 29 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a accordé à la SA Cointreau la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er avril 1997 au 31 mars 2000 pour un montant, en droits et intérêts de retard, de 236 287 euros ;

2°)

de remettre à la charge de la SA Cointreau les droits dont la décharge a é...

Vu, enregistré le 4 avril 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, le recours présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, qui demande à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er du jugement n° 0306138 en date du 29 novembre 2007 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a accordé à la SA Cointreau la décharge du rappel de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er avril 1997 au 31 mars 2000 pour un montant, en droits et intérêts de retard, de 236 287 euros ;

2°) de remettre à la charge de la SA Cointreau les droits dont la décharge a été prononcée par le tribunal au titre de la période susvisée ;

Il soutient que, lorsqu'un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée exerce à la fois des opérations ouvrant droit à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée et des opérations qui n'y sont pas soumises, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses de l'entreprise n'est admise en déduction que dans la mesure où elles peuvent être imputées à l'activité économique de l'assujetti au sens de l'article 2, paragraphe 1, de la sixième directive ; que, pour ouvrir droit à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, la dépense doit présenter un lien direct et immédiat avec l'opération taxable ; que, toutefois, lorsque la dépense ne peut pas directement être affectée à une opération taxable, la Cour de justice des communautés européennes admet qu'un assujetti puisse néanmoins, en l'absence de lien direct avec une opération ouvrant droit à déduction, déduire la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens et services en amont si cet assujetti est en mesure d'établir, par des éléments objectifs, que les dépenses liées à l'acquisition de tels biens et services font partie du coût des divers éléments constitutifs du prix de l'opération en aval ; que ces dépenses sont alors assimilées à des frais généraux de l'entreprise ; que, lorsqu'aucune ambiguïté n'existe quant au lien direct et immédiat entre les dépenses engagées et l'opération soumise à un régime unique de taxe sur la valeur ajoutée, la règle de l'affectation s'applique, le recours à la notion de frais généraux n'étant que subsidiaire ; qu'en l'espèce, les opérations de cession ou de détention de titres de participation ont un lien direct et immédiat avec les produits tirés de leur détention ou de leur cession ; que ces opérations sont placées hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée ou, lorsqu'elles y sont placées, en sont exonérées ; que, par suite, la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les dépenses afférentes à ces opérations en capital n'est pas déductible ; que, pour admettre la déductibilité de cette taxe, le Tribunal juge que ces opérations, qui s'inscrivent dans le cadre de la restructuration du groupe Rémy Cointreau, avaient pour objet de préserver la compétitivité du groupe, et donc l'intérêt propre de la société Cointreau ; que le Conseil d'Etat n'admet pas la notion d'intérêt de groupe ; que les premiers juges ne démontrent pas, en outre, que les opérations de cession de titres de la société Rémy Associés pouvaient être rattachées à l'activité économique de la société Cointreau, alors que la seconde n'a perçu de la première aucun management fees imposable à la taxe sur la valeur ajoutée à raison de prestations d'assistance et de conseil ;

...........................................................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er juin 2010 :

- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,

- les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public,

- et les observations de Me Beetschen pour la SA Cointreau ;

Considérant que les sociétés Rémy Cointreau, Jim Beam et Highland Distillers, qui produisent et commercialisent des vins et spiritueux sous leurs propres marques, se sont associées en vue de constituer un réseau de distribution mondial de leurs produits, à l'exception, pour l'essentiel, du marché des Etats-Unis ; que, pour la réalisation de leur projet, ces sociétés ont créé une entreprise commune de droit néerlandais, détenue à parts égales entre elles et lui ont apporté, en totalité ou partiellement, leur propre réseau de distribution ; que l'apport à l'entreprise commune, finalement dénommée Maxxium Worldwide, du réseau de distribution du groupe Rémy Cointreau, constitué par la société Rémy Associés, détenue à concurrence de 31,88 % par la société Cointreau, 48,75 % par les Etablissements Rémy Martin et Cie et 19,37 % par la société Gestion Mobilière, elles-mêmes détenues intégralement par la société mère, tête de groupe, Rémy Cointreau, a consisté, d'une part, dans des cessions partielles de titres Rémy Associés aux entreprises Jim Beam et Highlands Distillers afin d'égaliser la valeur de leurs apports avec ceux du groupe Rémy Cointreau et, d'autre part, dans l'apport du solde de ces titres à l'entreprise Maxxium Worldwide en échange de la prise de participation, par les Etablissements Rémy Martin et Cie, d'un tiers du capital de l'entreprise commune ainsi constituée ; que, le 29 février 2000, la société Rémy Cointreau a refacturé à ses filiales, à due proportion de leur participation dans le capital de la société Rémy Associés, les honoraires qu'elle avait exposés, pour un montant global de 28 680 999 francs, à raison de ces opérations de cessions et d'apports ; qu'au nombre de ces opérations figuraient, notamment, la cession par la SA Cointreau, à la SARL RMJV constituée à cette fin et détenue intégralement par les Etablissements Rémy Martin et Cie de l'intégralité de sa participation dans la société Rémy Associés, à concurrence de 31,88 % du capital de cette dernière ainsi que la cession par la SARL RMJV à la société Jim Beam des titres ainsi acquis ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité dont la SA Cointreau a fait l'objet en matière de taxe sur le chiffre d'affaires sur la période ouverte entre le 1er avril 1997 et le 31 mars 2000, l'administration a remis en cause le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée supportée par la SA Cointreau à raison de ces refacturations d'honoraires ; que, toutefois, par jugement en date du 29 novembre 2007, dont le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE relève régulièrement appel, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période litigieuse, pour un montant de 236 287 euros ;

Considérant qu'aux termes de l'article 271 du code général des impôts : I-1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. (...) ; qu'il résulte de ces dispositions, interprétées à la lumière des paragraphes 1 et 2, 3 et 5 de l'article 17 de la sixième directive du Conseil du 17 mai 1977, que l'existence d'un lien direct et immédiat entre une opération particulière en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction est, en principe, nécessaire pour qu'un droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée en amont soit reconnu à l'assujetti et pour déterminer l'étendue d'un tel droit ; que le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant l'acquisition de biens ou de services en amont suppose que les dépenses effectuées pour acquérir ceux-ci fassent partie des éléments constitutifs du prix des opérations taxées en aval ouvrant droit à déduction ; qu'en l'absence d'un tel lien, un assujetti est toutefois fondé à déduire l'intégralité de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des biens et services en amont, lorsque les dépenses liées à l'acquisition de ces biens et services font partie de ses frais généraux et sont, en tant que telles, des éléments constitutifs du prix des biens produits ou des services fournis par cet assujetti ; que, par suite, si la cession, l'acquisition ou l'apport de titres de participation ne constituent pas en eux-mêmes une activité économique et ne relèvent donc pas du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée, il y a lieu de rechercher si, en tenant compte de toutes les circonstances dans lesquelles ces opérations se sont effectuées, les frais ayant grevé la cession, l'acquisition ou l'apport de tels titres peuvent être regardés comme constituant des frais généraux présentant un lien direct et immédiat avec l'ensemble de l'activité économique de l'assujetti ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA Cointreau exerce une activité de production de vins et spiritueux ; qu'elle soutient, sans être contredite, que la constitution d'un réseau commun de distribution de ces produits avec les acteurs Jim Beam et Highland Distillers a été rendu nécessaire par l'insuffisance du volume des ventes réalisé au sein du seul réseau de distribution Rémy Associés et le risque, pour le groupe Rémy Cointreau, d'être à terme marginalisé par des concurrents ayant d'ores et déjà engagé une stratégie de regroupement et de concentration ; que, par suite, l'alliance commerciale constituée par les trois partenaires vise à distribuer au sein d'un réseau unique un plus grand volume de leur production, réaliser des économies d'échelle, diminuer les coûts de production, atteindre une taille critique suffisante de nature à rendre l'activité économique pérenne et, enfin, à leur permettre d'accroître leur pouvoir de marché sur les sous-traitants et les grossistes locaux ; qu'ainsi, en déduisant que les honoraires acquittés par la SA Cointreau, à l'occasion de ces opérations de cession de titres réalisés en vue de constituer une alliance destinée à préserver la compétitivité du groupe Rémy Cointreau, faisaient partie de ses frais généraux et étaient, en tant que tels, des éléments constitutifs du prix des produits qu'elle fabriquait, puis en jugeant que ces frais entretenaient ainsi un lien direct et immédiat avec l'ensemble de l'activité économique taxable de la SA Cointreau, de sorte qu'elle avait à bon droit déduit la taxe sur la valeur ajoutée s'y rapportant, les premiers juges n'ont pas, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE, commis d'erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre n'est par suite pas fondé à demander l'annulation du jugement attaqué par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déchargé la SA Cointreau des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge, pour un montant de 236 287 euros, au titre de la période allant du 1er avril 1997 au 31 mars 2000 ;

D E C I D E

Article 1er : Le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA FONCTION PUBLIQUE est rejeté.

''

''

''

''

2

N° 08VE00985


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 08VE00985
Date de la décision : 08/07/2010
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. FRYDMAN
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. BRUNELLI
Avocat(s) : BEETSCHEN

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2010-07-08;08ve00985 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award