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29/11/2011 | FRANCE | N°10VE02440

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 29 novembre 2011, 10VE02440


Vu le recours, enregistré le 29 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE l'ETAT ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0709088 du 29 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déchargé la société Décathlon des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de la contribution à cet impôt pour l'exercice 2001, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée en application de l'ancien article 1734 bis du code g

énéral des impôts, au titre des exercices 2002 et 2003 ;

2°) de rétablir...

Vu le recours, enregistré le 29 juillet 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présenté par le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE l'ETAT ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0709088 du 29 avril 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a déchargé la société Décathlon des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de la contribution à cet impôt pour l'exercice 2001, ainsi que de l'amende qui lui a été infligée en application de l'ancien article 1734 bis du code général des impôts, au titre des exercices 2002 et 2003 ;

2°) de rétablir la société Décathlon au rôle de l'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt pour l'année 2001, ainsi que rétablir l'amende qui lui a été infligée en application de l'ancien article 1734 bis du code général des impôts au titre des exercices 2002 et 2003 ;

Le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE l'ETAT soutient, en premier lieu, que les premiers juges ont dénaturé les faits ; qu'ils n'ont pas répondu au moyen tiré de ce que le dernier alinéa de l'article 223 A du code général des impôts, a été méconnu ; que les premiers juges ont également omis de statuer sur le moyen tiré de ce que les dispositions des articles 39-1 et 54 du code général des impôts avaient été méconnues et sur la méconnaissance du principe de neutralité fiscale ; en deuxième lieu, qu'ils ont commis une erreur de droit en jugeant qu'il résultait des dispositions de l'article 223 A du code général des impôts que la charge de l'impôt peut être répartie entre les différentes sociétés du groupe et que, nécessairement, il n'y avait pas de subvention si l'impôt était totalement pris en charge par la société mère ; en troisième lieu, que l'objectif fiscal de neutralité, entre les sociétés du groupe, expressément inscrit dans la loi aux articles 223 B et 223 R du code général des impôts, a été méconnu ; qu'en outre, le régime d'intégration fiscale ne peut avoir pour objet ni pour effet de permettre une rupture d'égalité devant l'impôt au regard des autres sociétés qui, elles, ne bénéficient pas du régime d'intégration fiscale ; que, dans le silence de la loi, c'est le droit commun qui s'applique et chaque filiale intégrée doit constater une dette envers la société intégrante, redevable unique et substituée au paiement de l'impôt ; que, c'est d'ailleurs, en quatrième lieu, ainsi que la loi a été interprétée par la doctrine du 9 mai 1988 publiée au BOI-4-H-9-88 ; que, dans un avis publié en juin 1989, le conseil national de la comptabilité en dispose de même ; qu'en cinquième lieu, au cas particulier, si le régime de groupe rend la société mère redevable de l'impôt sur les sociétés, en ne répercutant pas la charge de l'impôt sur les sociétés sur ses filiales, la société mère commet un acte contraire à son intérêt propre, relevant d'une gestion anormale ; que la circonstance que la créance acquise par la société mère sur les sociétés intégrées ne soit pas taxable, par l'effet de la neutralisation des opérations internes au groupe, n'emporte aucune conséquence sur la qualification de l'avantage consenti lors de sa réallocation ; qu'en ne refacturant pas le montant de l'impôt à ses filiales, la société intégrante leur accorde une subvention ; en sixième lieu, qu'il s'agit d'une subvention imposable qui méconnaît le régime de l'intégration fiscale et, quand bien même elle ne serait pas mentionnée expressément dans la liste des subventions directes et indirectes donnée par l'article 46 quater 0Z L de l'annexe III au code général des impôts, elle doit être neutralisée en application de l'article 223 B du même code : que, dès lors, l'infliction de l'amende de 5 % prévue à l'article 1734 bis du code général des impôts est justifiée ; que la SNC Promiles, qui a opté pour l'impôt sur les sociétés, a bénéficié d'une subvention implicite qui n'a pas été comptabilisée et s'est enrichie ; qu'il n'est pas possible d'étendre la jurisprudence de l'affaire Wolseley à la présente affaire ; que s'agissant du second chef de redressement, soit les frais de renouvellement des marques, ce renouvellement a pour effet de prolonger les effets juridiques du dépôt, à savoir, conférer au titulaire dudit dépôt un droit exclusif de propriété sur la marque pour une nouvelle période ; que ces frais concourent à la protection de la marque ; qu'ils ne peuvent être compris comme des charges immédiatement déductibles dans la mesure où ils n'entraînent pas un diminution de l'actif net de l'entreprise, mais prolongent, de manière notable, la durée probable d'utilisation d'un élément d'actif immobilisé ; qu'ainsi, ces frais doivent être rangés dans la catégorie des immobilisations ; que les règles fiscales doivent prévaloir sur les règles comptables ; que si, ultérieurement, l'administration fiscale a pris une position semblable à celle du Conseil national de la comptabilité, ce point est sans influence sur le présent litige, puisque l'instruction BOI 4 A 13-05 du 30 décembre 2005 n'a pas d'effet rétroactif ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 novembre 2011 :

- le rapport de Mme Belle, premier conseiller,

- et les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public ;

Considérant que la société anonyme Décathlon s'est constituée, par convention conclue le 1er janvier 1989, société tête d'un groupe fiscalement intégré et, par suite, seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû par les sociétés membre du groupe, en application des l'article 223 A et 223 B du code général des impôts ; qu'elle a fait l'objet, avec deux sociétés du groupe, les sociétés Le Blanc Coulon et Promiles, d'un contrôle sur place diligenté par la direction des vérifications nationales et internationales portant sur les exercices clos en 2001, 2002 et 2003 ; que l'administration fiscale a estimé que la SA Décathlon ne répercutait pas, à tort, aux sociétés intégrées la charge de l'impôt dont elles auraient été redevables à défaut d'appartenance au groupe et qu'elle leur accordait, de ce fait, une subvention qui aurait dû être déclarée sur le formulaire 2058 SG mentionné à l'article 46 quater 0-ZL de l'annexe III au code général des impôts, qui permet de suivre l'ancienneté des abandons de créances et des subventions directes ou indirectes ; que les redressements à l'impôt sur les sociétés au titre de l'acte anormal de gestion n'ayant pas lieu d'être, du fait de l'intégration fiscale, elle a, toutefois, infligé à la SA Décathlon l'amende de 5 % de l'article 1734 bis du même code pour les années 2002 et 2003 pour défaut de déclaration ; que la société a également été constituée redevable d'une imposition supplémentaire à l'impôt sur les sociétés pour une déduction inscrite à tort en charges, au titre de l'exercice 2001, d'honoraires versés à un cabinet de conseil en marques pour des frais de dépôt et de renouvellement de marques ; que, saisi du litige, le Tribunal administratif a entièrement fait droit à la demande en décharge formée par la société requérante et que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT relève régulièrement appel dudit jugement ;

Sur le la régularité du jugement attaqué :

Considérant que le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT reproche au Tribunal de ne pas avoir répondu à tous les moyens qu'il avait soulevés et, notamment, au moyen tiré de ce que les articles 39-1 et 54 du code général des impôts, selon lesquels les frais et charges doivent avoir été engagés dans l'intérêt de l'entreprise ou se rattacher à sa gestion normale, auraient été méconnus ; que, toutefois, en écartant l'existence d'un acte anormal de gestion, le Tribunal a implicitement mais nécessairement répondu à ce moyen ; que si elle fait valoir également qu'il n'a pas répondu au moyen tiré de ce que le dernier alinéa de l'article 223 A du code général des impôts aurait été méconnu ce moyen était inopérant dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que ces dispositions, qui prévoient une garantie de paiement de l'impôt en cas de défaillance de la société mère, auraient été applicables aux faits en litige ; qu'enfin, les premiers juges ont répondu au moyen tiré de ce que le principe de neutralité fiscale n'aurait pas été respecté ; que, par suite, ils n'ont pas commis d'irrégularité ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le redressement au titre de l'amende :

Considérant qu'aux termes de l'article 223 A du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : Une société, dont le capital n'est pas détenu à 95 % au moins, directement ou indirectement, par une autre personne morale passible de l'impôt sur les sociétés, peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital. (...) Les sociétés du groupe restent soumises à l'obligation de déclarer leurs résultats qui peuvent être vérifiés dans les conditions prévues par les articles L. 13, L. 47 et L. 57 du livre des procédures fiscales. La société mère supporte, au regard des droits et des pénalités visées à l'article 2 de la loi n° 87-502 du 8 juillet 1987 modifiant les procédures fiscales et douanières, les conséquences des infractions commises par les sociétés du groupe. / Seules peuvent être membres du groupe les sociétés qui ont donné leur accord et dont les résultats sont soumis à l'impôt sur les sociétés dans les conditions du droit commun ou selon les modalités prévues aux articles 214 et 217 bis. / Les sociétés du groupe doivent ouvrir et clore leurs exercices aux mêmes dates ; les exercices ont une durée de douze mois. (...) Chaque société du groupe est tenue solidairement au paiement de l'impôt sur les sociétés, de l'imposition forfaitaire annuelle et du précompte et, le cas échéant, des intérêts de retard, majorations et amendes fiscales correspondantes, dont la société mère est redevable, à hauteur de l'impôt et des pénalités qui seraient dus par la société si celle-ci n'était pas membre du groupe ; qu'aux termes de l'article 223 B du même code dans sa rédaction applicable : Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues à l'article 217 bis. (...) L'abandon de créance ou la subvention directe ou indirecte consenti entre des sociétés du groupe n'est pas pris en compte pour la détermination du résultat d'ensemble. La société mère est tenue de joindre à la déclaration du résultat d'ensemble de chaque exercice un état des abandons de créance ou subventions consentis à compter du 1er janvier 1992. Un décret fixe le contenu de ces obligations déclaratives. (...) ; que selon l'article 223 E du même code : Les déficits retenus pour la détermination du résultat d'ensemble ne sont pas déductibles des résultats de la société qui les a subis. Il en est de même des moins-values nettes à long terme retenues pour le calcul de la plus-value ou de la moins-value nette à long terme d'ensemble ; que l'article 223 N du même code dispose que : 1. Chaque société du groupe est tenue de verser les acomptes prévus à l'article 1668 pour la période de douze mois ouverte à compter du début de l'exercice au titre duquel cette société entre dans le groupe. Si la liquidation de l'impôt dû à raison du résultat imposable de cette période par la société mère fait apparaître que les acomptes versés sont supérieurs à l'impôt dû, l'excédent est restitué à la société mère dans le délai prévu au 2 de l'article 1668. / 2. Lorsqu'une société cesse d'être membre du groupe, les acomptes dus par celle-ci pour la période de douze mois ouverte à compter du début de l'exercice au titre duquel la société ne fait plus partie du groupe sont versés pour le compte de cette société par la société mère ; qu'aux termes de l'article 223 R du même code : En cas de sortie du groupe de l'une des sociétés mentionnées au sixième alinéa de l'article 223 B, les subventions indirectes qui proviennent d'une remise de biens composant l'actif immobilisé (...) pour un prix différent de leur valeur réelle, déduites pour la détermination du résultat des exercices ouverts à compter du 1er janvier 1992, sont rapportés par la société mère au résultat d'ensemble de l'exercice de sortie de l'une de ces sociétés. De même, la société mère rapporte à ce résultat les autres subventions indirectes, les subventions directes et les abandons de créances, également mentionnés à cet alinéa, qui ont été déduits du résultat d'ensemble de l'un des cinq exercices précédant celui de la sortie s'il a été ouvert à compter du 1er janvier 1992. (...) ; que selon l'article 46 quater-0 ZG de l'annexe III au même code : La subvention indirecte mentionnée au sixième alinéa de l'article 223 B et au premier alinéa de l'article 223 R du code général des impôts s'entend des renonciations à recettes qui proviennent des prêts ou d'avances sans intérêt ou à un taux d'intérêt inférieur au taux du marché. Elle s'entend également de la livraison de biens ou de la prestation de services sans contrepartie ou pour un prix inférieur à leur prix de revient ou, s'agissant de biens composant l'actif immobilisé, pour un prix inférieur à leur valeur réelle. / Constituent également une subvention indirecte au sens des articles 223 B et 223 R déjà cités les excédents de charges qui proviennent des emprunts contractés, des avances reçues qui sont assortis d'un taux d'intérêt plus élevé que celui du marché. Il en est de même des achats de biens ou de services pour un prix plus élevé que leur valeur réelle. ; qu'enfin aux termes de l'article 46 quater-0 ZL de l'annexe III au même code : La déclaration du résultat d'ensemble visée à l'article 223 Q du code général des impôts comprend les éléments nécessaires à la détermination et au contrôle de ce résultat (...) ; que lorsque les subventions intra-groupe ne sont pas mentionnées dans la déclaration de résultat d'ensemble, l'administration fiscale peut appliquer à la société tête de groupe l'amende de 5 % prévue par l'article 1734 bis du code général des impôts ;

Considérant que ni les dispositions précitées de l'article 223 A du code général des impôts, en vertu desquelles une société mère peut devenir seule redevable de l'impôt sur les sociétés calculé sur l'ensemble des résultats du groupe qu'elle constitue avec ses filiales, ni les dispositions précitées du code général des impôts, ni aucune autre disposition ne déterminent les conditions de répartition de la charge de l'impôt entre les sociétés d'un groupe intégré ; que, par suite, les sociétés membres d'un groupe intégré sont libres de prévoir, par une convention d'intégration, les modalités de répartition entre ces sociétés de la charge de l'impôt ou le cas échéant de l'économie d'impôt résultant du régime d'intégration ; que, dès lors que les stipulations de cette convention procèdent à une répartition tenant compte des résultats propres de chaque société du groupe dans des conditions telles que cette répartition ne porte atteinte ni à l'intérêt social propre de chaque société ni aux droits des associés ou des actionnaires minoritaires et ne constitue pas, par suite, un acte anormal de gestion, les modalités de cette répartition ne peuvent être regardées comme traduisant le versement d'une somme ayant le caractère d'une subvention indirecte consentie entre des sociétés du groupe au sens de l' article 223 B du même code ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société SA Décathlon a conclu avec ses filiales, les sociétés Le Blanc Coulon et Promiles, une convention d'intégration fiscale qui ne prévoit pas la refacturation, même pour partie, à ses filiales de la charge de l'impôt sur les sociétés ; qu'aux termes de l'article 1 de la convention conclue le 1er janvier 1989 entre la SA Décathlon et ses filiales intégrées : La société SA Décathlon supporte personnellement et définitivement l'impôt sur les sociétés afférent aux bénéfices et plus-values réalisés par les membres du groupe. ; que l'article 3 de la même convention prévoit qu'en cas de non-renouvellement de la présente convention, comme en cas de sortie du groupe d'intégration, les filiales seront indemnisées par la SA Décathlon de tous les surcoûts fiscaux nets des économies réalisées, en application de l'article 1, dont l'appartenance au groupe aura été la cause ;

Considérant en premier lieu, d'une part, que les droits des associés ou des actionnaires minoritaires ne sont pas méconnus par les stipulations de la convention d'intégration, dite de type IV, telle que celle conclue en l'espèce, par laquelle la société mère prend en charge l'économie ou la charge d'impôt résultant du régime de l'intégration dans la mesure où, dans cette situation, l'imposition des filiales est neutralisée ; que cette convention prévoit en outre expressément que les filiales sortantes sont indemnisées à hauteur du surcoût d'imposition résultant de ce qu'elles n'ont pas été en mesure d'imputer leurs déficits sur leurs résultats ultérieurs par l'effet de l'intégration ; que, d'autre part, si la société mère peut être conduite, le cas échéant, à prendre en charge un montant d'impôt supérieur à celui résultant de son propre résultat, en conséquence de son option pour le régime de l'intégration fiscale qui la constitue seule redevable de l'impôt assis sur le résultat d'ensemble, en application des dispositions législatives ci-dessus rappelées, ce dispositif résulte directement de la loi et ne révèle pas l'existence d'un acte anormal de gestion ; qu'en contrepartie, elle peut être amenée à bénéficier de l'imputation des déficits subis par ses filiales sur le résultat d'ensemble et peut également réclamer aux filiales les économies d'impôts qui résultent de ce dispositif en cas de sortie du groupe ; qu'ainsi, l'application de la convention d'intégration fiscale dite de type IV conclue par la SA Décathlon ne peut être à l'origine d'un acte anormal de gestion ou d'une subvention indirecte dans la prise en charge de l'impôt sur les sociétés ;

Considérant, en deuxième lieu, que si le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT fait valoir que le principe de neutralité fiscale aurait été méconnu et que l'application de la loi conduit à une rupture d'égalité devant l'impôt entre les sociétés qui ont choisi de bénéficier de l'intégration fiscale et les autres, un tel moyen ne peut qu'être écarté dès lors que les sociétés ne souhaitant pas en bénéficier ont volontairement choisi de ne pas exercer leur droit d'option et que le régime d'intégration fiscale peut avoir pour effet, sans méconnaître le principe d'égalité devant l'impôt, de mettre en place un régime de faveur pour des sociétés qui, placés dans une situation équivalente, choisissent d'exercer leur droit d'option ;

Considérant, enfin, que si le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT soutient que chaque société intégrée est redevable d'une dette et doit la constater au profit de la société intégrante, comme le relève l'instruction du 9 mai 1988 publiée au BOI 4 H -9-88 aux termes de laquelle la prise en charge par la société mère de l'impôt dû par les sociétés du groupe fait naître, à son profit, une créance à hauteur de l'impôt que chacune d'entre elles aurait versé, il ne peut utilement se prévaloir de sa propre doctrine ni, davantage, de la doctrine comptable énoncée par l'avis de juin 1989 du Conseil national de la comptabilité ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT, par sa convention d'intégration fiscale, la SA Décathlon, en prenant en charge l'impôt sur les sociétés dont ses filiales étaient redevables, ne leur a pas accordé une subvention indirecte ; que, par suite, c'est à bon droit que la SA Décathlon n'a pas mentionné, dans sa déclaration de résultat d'ensemble, le montant des impositions de ses filiales comme une subvention indirecte qu'elle leur aurait consentie ; qu'elle ne pouvait, dès lors, être assujettie à l'amende de 5 % prévue par l'article 1734 bis du code général des impôts ;

En ce qui concerne le redressement au titre des charges :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SA Décathlon a versé, au cours de l'exercice 2001, des honoraires au cabinet T Mark Conseils, pour le dépôt et le renouvellement de la protection juridique de marques auprès de l'INPI (Institut National de la propriété industrielle) aux fins de proroger l'exclusivité de l'utilisation de ces marques, pour une période de dix ans, en France et à l'étranger ;

Considérant qu'aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt (...) L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ; qu'aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. / Cette valeur d'origine s'entend : (...) / Pour les immobilisations créées par l'entreprise, du coût d'acquisition des matières et fournitures consommées, augmenté de toutes les charges directes ou indirectes de production à l'exclusion des frais financiers ;

Considérant que les frais exposés postérieurement au dépôt ou à l'acquisition d'une marque, à seule fin de maintenir la valeur de celle-ci, sans prolonger la durée des droits concédés ou en accroître la valeur, notamment par l'acquisition d'une clientèle ou la restriction de la concurrence commerciale, ne sauraient être regardés comme des éléments du prix de revient pour lequel cette marque doit être inscrite à l'actif du bilan et sont donc déductibles des résultats de l'exercice au cours duquel ils ont été exposés ;

Considérant, toutefois, que les dépenses qui s'intègrent à la valeur comptable d'un élément incorporel de l'actif immobilisé sont celles qui grèvent le prix de revient pour lequel celui-ci doit être inscrit à l'actif du bilan, conformément aux dispositions précitées de l'article 38 quinquies de l'annexe III au code général des impôts ; que les frais afférents au premier dépôt d'une marque doivent être regardés comme constituant la contrepartie nécessaire de l'acquisition de cet élément d'actif et non des charges déductibles ; qu'il en va de même des frais de renouvellement de ladite marque qui sont juridiquement de même nature et doivent être regardés comme ayant pour objet non d'entretenir un élément d'actif déjà immobilisé, mais d'assurer l'existence même de cet élément d'actif qui, à défaut de renouvellement de la protection, perdrait toute valeur ; que c'est, dès lors, à bon droit que, sur le terrain de la loi, l'administration fiscale a exclu des charges déductibles du résultat imposable de l'exercice 2001 de la société Décathlon, pour les réintégrer dans le résultat imposable du même exercice, les frais de dépôt et de renouvellement de marques exposés par cette dernière au cours de l'exercice 2001 ;

Considérant que si la société SA Décathlon invoque le bénéfice de la doctrine récente de l'administration fiscale, référencée n° 4 -13-05 en date du 30 décembre 2005, elle ne peut utilement s'en prévaloir dès lors que celle-ci s'applique aux exercices ouverts à compter du 1er janvier 2005 ;

Considérant, dès lors, qu'il y a lieu de faire droit à l'appel du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT en tant qu'il porte sur les sommes de 92 997 euros et 77 000 euros acquittés pour des frais de renouvellement de marques que la SA Décathlon a passé, à tort, en écritures de charges dans des comptes de la classe 6 ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MINISTRE DU BUDGET DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à la demande de la société Décathlon et accepté la réintégration de la somme de 169 997 euros à titre de charges en déduction du résultat imposable de la SA Décathlon ;

Sur les conclusions de la société Décathlon tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, en l'espèce, la partie perdante, la somme que la SA Décathlon demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La SA Décathlon est rétablie au rôle de l'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt au titre de l'exercice 2001 à concurrence d'une somme en base de 169 997 euros réintégrée dans son résultat imposable à l'impôt sur les sociétés.

Article 2 : Le jugement n° 0709088 du 29 avril 2010 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS ET DE LA REFORME DE L'ETAT et les conclusions de la SA Décathlon sont rejetés.

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N° 10VE02440 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 10VE02440
Date de la décision : 29/11/2011
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-01-04-03 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Règles générales. Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales. Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Laurence BELLE VANDERCRUYSSEN
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : MESA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2011-11-29;10ve02440 ?
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