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16/02/2012 | FRANCE | N°10VE01844

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 16 février 2012, 10VE01844


Vu la requête, enregistrée le 8 juin 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Didier A, demeurant ..., par Me Bineteau ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0504420 en date du 30 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 22 mars 2005 par laquelle le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bobigny a refusé de lui délivrer l'agrément qu'il sollicitait en qualité d'agent de police municipale ;
>2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat...

Vu la requête, enregistrée le 8 juin 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Didier A, demeurant ..., par Me Bineteau ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0504420 en date du 30 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision en date du 22 mars 2005 par laquelle le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bobigny a refusé de lui délivrer l'agrément qu'il sollicitait en qualité d'agent de police municipale ;

2°) d'annuler la décision contestée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise n'a pas soulevé le moyen d'ordre public tiré de l'amnistie des faits pris en considération par le procureur et que son jugement est donc irrégulier ; qu'en application de l'article 11 de la loi du 6 août 2002, les faits reprochés étaient amnistiés ; que ne sont établis par le ministre de la justice ni l'usage d'une fausse qualité de chef de la police municipale de Nandy, ni le fait d'avoir outrepassé ses fonctions au domicile d'un particulier ni celui d'avoir commis des actes de violence envers une femme ; que le tribunal a méconnu l'autorité de la chose jugée en ne prenant pas en compte le motif retenu par le Tribunal administratif de Melun dans un jugement du 25 janvier 1995 pour annuler un précédent refus d'agrément ; que la décision est entachée d'une erreur d'appréciation dans la mesure où la plupart des faits reprochés sont amnistiés ou sont anciens et alors que ses fiches d'évaluation et de notation démontrent que sa manière de servir est totalement satisfaisante et que son casier judiciaire est vierge ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des communes territoriales ;

Vu la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

Vu la loi n° 2002-1062 du 6 août 2002 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 février 2012 :

- le rapport de M. Bigard, premier conseiller,

- les conclusions de M. Soyez, rapporteur public,

- et les observations de M. A ;

Sur la fin de non-recevoir soulevée en première instance :

Considérant qu'aux termes de l'article R. 411-1 du code de justice administrative : La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. ;

Considérant que, contrairement à ce que soutient le ministre de la justice, la demande présentée devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise par M. A contient un exposé suffisant des moyens sur lesquels elle repose ; qu'elle satisfait ainsi aux exigences des dispositions précitées de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;

Sur les conclusions à fin d'annulation et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 412-49 du code des communes, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : Les fonctions d'agent de police municipale ne peuvent être exercées que par des fonctionnaires territoriaux recrutés à cet effet dans les conditions fixées par les décrets en Conseil d'Etat prévus à l'article 6 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale. Ils sont nommés par le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale, agréés par le représentant de l'Etat dans le département et le procureur de la République, puis assermentés. ; que l'agrément prévu par les dispositions susvisées a pour objet de vérifier que l'intéressé présente les garanties d'honorabilité requises pour occuper l'emploi dans l'administration communale auquel il a été nommé ; que l'honorabilité d'un agent de police municipale dépend notamment de la confiance qu'il peut inspirer, de sa fiabilité et de son crédit ;

Considérant que, pour refuser à M. A l'agrément sollicité, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bobigny s'est fondé sur les circonstances qu'avant tout agrément, il a fait usage d'une fausse qualité de chef de la police municipale de Nandy, que, le 10 octobre 1994, il a outrepassé ses fonctions en sectionnant deux cadenas sur le domicile d'un particulier, aux fins de notifier une décision d'expulsion, que le 30 septembre 1995, il a commis des actes de violences sur une victime féminine avec qui il était en relation affective, qu'une rixe l'a opposé le 31 décembre 1999 à l'un de ses collègues, qu'un taux d'absentéisme important lui a été reproché au cours de sa dernière année à Puteaux et qu'enfin, bien qu'apprécié comme un agent sérieux et motivé, il est décrit comme enclin à des difficultés relationnelles ;

Considérant, en premier lieu, que s'il est reproché à M. A d'avoir, à une date non précisée, usurpé la qualité de chef de la police municipale, ce fait n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier la portée ; que le grief d'avoir sectionné deux cadenas est, quant à lui, contredit par une attestation en date du 7 février 1995 dont il résulte que, ce jour-là, M. A s'était borné à accompagner le secrétaire général de la mairie et un autre policier municipal afin de notifier à un occupant sans titre du domaine public l'arrêté d'expulsion le concernant ; que, s'agissant enfin des actes de violence que le requérant aurait commis sur une femme le 30 septembre 1995, seul un rapport de gendarmerie en date du 23 août 2004 les mentionne au titre des procédures judiciaires dont M. A aurait fait l'objet, sans mentionner à leur sujet aucun élément précis et circonstancié et sans faire état d'un dépôt de plainte ; que dans ces conditions, la matérialité de ces trois griefs ne saurait être regardée comme établie ;

Considérant, en deuxième lieu, que si le requérant a été interpellé, le 24 avril 1998, pour avoir conduit avec un taux d'alcoolémie de 0,84 g par litre, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette infraction, au demeurant mineure, au code de la route se soit renouvelée et qu'elle soit de nature à remettre en question l'honorabilité de l'intéressé ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il n'est pas contesté qu'à Puteaux, M. A a eu, le 31 décembre 1999, une rixe avec un collègue et a été généralement décrit comme enclin à des difficultés relationnelles dans le cadre de son service ; que, par ailleurs, il lui a été reproché un absentéisme important lors de sa dernière année de service à Puteaux, la cause en étant due, selon le requérant, à un accident de service ; que ces faits, à les supposer établis, concernent la manière de servir de l'intéressé et ses relations avec ses collègues ; qu'ils n'ont pas été considérés par les supérieurs hiérarchiques de M. A comme suffisamment sérieux pour donner lieu à des procédures disciplinaires, de nombreux témoignages de ces derniers présentant au contraire l'intéressé comme un agent sérieux et motivé ; que le procureur de la République ne conteste pas ce dernier point, étant d'ailleurs rappelé que M. A, après avoir obtenu le 24 mai 2000 un agrément du procureur de la République auprès du Tribunal de grande instance de Nanterre, a exercé de 1999 à 2004 à Puteaux sans difficultés apparentes les mêmes fonctions que celles qu'il souhaite exercer dans le département de la Seine-Saint-Denis ;

Considérant que les faits qui sont reprochés à M. A, du fait de leur ancienneté, de leur incertitude ou de leur faible gravité, ne sont ainsi pas de nature à jeter un doute sérieux sur les garanties d'honorabilité qu'il présente pour exercer les fonctions d'agent de police municipale ; que, par suite, le procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bobigny a commis une erreur d'appréciation en refusant de lui délivrer l'agrément aux fonctions d'agent de police municipale qu'il sollicitait ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 22 mars 2005 du procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bobigny ;

Sur les conclusions aux fins d'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A présentées sur le même fondement des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 2 000 euros en application du même article ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 30 mars 2010 et la décision en date du 22 mars 2005 du procureur de la République près le Tribunal de grande instance de Bobigny, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. A la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 10VE01844 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE01844
Date de la décision : 16/02/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-025 Police administrative. Personnels de police.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Eric BIGARD
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : BINETEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-02-16;10ve01844 ?
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