La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/07/2012 | FRANCE | N°11VE02306

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 03 juillet 2012, 11VE02306


Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Jean-Paul A, élisant domicile chez Me Yomo, 102, rue Ordener à Paris (78018), par Me Yomo, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100125 du 12 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 8 décembre 2010 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destin

ation de son pays d'origine ;

2°) d'ordonner la production de l'entier ...

Vu la requête, enregistrée le 25 juin 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour M. Jean-Paul A, élisant domicile chez Me Yomo, 102, rue Ordener à Paris (78018), par Me Yomo, avocat à la Cour ; M. A demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1100125 du 12 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 8 décembre 2010 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;

2°) d'ordonner la production de l'entier dossier par l'administration ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

4°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient, en premier lieu, que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité dès lors, d'une part, que s'il vise la note en délibéré qui a été produite, il ne l'analyse pas, d'autre part, que le tribunal n'a pas suffisamment répondu au moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté attaqué et, qu'enfin, il a commis plusieurs erreurs de droit ; en deuxième lieu, que l'arrêté en litige a été signé par une autorité incompétente ; en troisième lieu, que cet arrêté n'est pas suffisamment motivé, dès lors que la décision fixant le pays de destination se borne à faire état de ce qu'elle ne contrevient pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que la décision portant refus de titre de séjour repose sur un motif inexact en fait, et qu'enfin, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne vise pas le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en quatrième lieu, que le préfet du Val-d'Oise aurait dû consulter la commission du titre de séjour, en application de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il fait partie des étrangers mentionnés à l'article L. 313-11 du même code ; en cinquième lieu, que le préfet du Val-d'Oise ne pouvait, après avoir abrogé le refus de titre de séjour du 6 août 2010, prendre une nouvelle décision de refus sans se livrer à un nouvel examen de sa situation et sans mentionner, dans l'arrêté attaqué, l'abrogation du précédent refus ; en sixième lieu que la décision portant refus de titre de séjour a méconnu les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il vit depuis février 2006 en France, où résident trois de ses enfants qui sont scolarisés, et est parfaitement intégré dans ce pays, parlant français et ayant acquis un bien immobilier en 2003 ; que c'est à tort que le préfet prétend qu'il aurait fait régulièrement des allers retours entre la France et son pays d'origine ; en septième lieu, que le préfet a commis un détournement de pouvoir en mentionnant qu'il s'exposait aux poursuites prévues par l'article L. 621-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'appartient qu'au Procureur de la République d'apprécier l'opportunité des poursuites ; en huitième lieu, que l'arrêté attaqué a été pris en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfants dès lors qu'en cas d'exécution de la mesure, ses enfants, qui sont scolarisés en France, seront privés de la présence de leur père ou devront interrompre leurs études en France ; enfin, que l'arrêté attaqué méconnaît son droit au respect de sa propriété, principe constitutionnel et droit protégé par l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 juin 2012 le rapport de Mme Signerin-Icre, président assesseur,

Considérant que M. A, ressortissant congolais (Congo-Brazzaville) né en 1959, fait appel du jugement du 12 mai 2011 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 8 décembre 2010 refusant de lui délivrer un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant, en premier lieu, que lorsqu'il est saisi, postérieurement à la clôture de l'instruction et au prononcé des conclusions du rapporteur public, d'une note en délibéré émanant d'une des parties à l'instance, il appartient dans tous les cas au juge administratif d'en prendre connaissance avant la séance au cours de laquelle sera rendue la décision ; que s'il a toujours la faculté, dans l'intérêt d'une bonne justice, de rouvrir l'instruction et de soumettre au débat contradictoire les éléments contenus dans la note en délibéré, il n'est tenu de le faire à peine d'irrégularité de sa décision que si cette note contient l'exposé soit d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts, soit d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ;

Considérant qu'en l'espèce, il ne résulte pas de l'examen de la note en délibéré produite le 5 mai 2011 par M. A devant le tribunal administratif, et n'est d'ailleurs pas soutenu, que le requérant se serait prévalu d'une circonstance de fait dont il n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction ou d'une circonstance de droit nouvelle ; que, par suite, le tribunal administratif, qui a, au demeurant, répondu au moyen, nouveau, tiré par M. A de l'atteinte portée à son droit de propriété, n'était pas tenu, après avoir pris connaissance de cette note, de rouvrir l'instruction et d'analyser ladite note dans son jugement ; que le requérant n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité de ce chef ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que, contrairement à ce qu'allègue le requérant, le tribunal a écarté, par une motivation suffisante, les moyens tirés du caractère insuffisamment motivé des décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination ;

Considérant, enfin, que, pour contester la régularité du jugement attaqué, M. A ne peut utilement soutenir que le tribunal administratif aurait commis plusieurs erreurs de droit ;

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral attaqué :

Considérant, en premier lieu, qu'il y a lieu d'écarter par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif, les moyens tirés de ce que l'arrêté attaqué a été pris par une autorité incompétente et serait irrégulier du fait qu'il viserait un arrêté de délégation de signature du préfet du Val-d'Oise caduc à la date de l'arrêté en litige ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort de l'examen de l'arrêté attaqué que le préfet du Val-d'Oise a précisé les motifs de fait et de droit sur lesquels repose la décision portant refus de titre de séjour ; que cette décision est ainsi suffisamment motivée sans qu'importe à cet égard la circonstance que le préfet aurait commis une erreur de fait s'agissant du lieu de résidence de certains des enfants du requérant ; que, par ailleurs, l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable, disposant que : " L'obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation ", M. A ne peut utilement soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne serait pas suffisamment motivée ; qu'enfin, dans les motifs de son arrêté, le préfet du Val-d'Oise a relevé qu'il ne contrevenait pas aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel prohibe les traitements inhumains ou dégradants, et a ainsi indiqué le motif sur lequel il s'est fondé pour décider que le requérant pourrait être éloigné notamment à destination du pays dont il a la nationalité ; qu'il suit de là que le moyen tiré du caractère insuffisamment motivé des décisions en litige doit être écarté ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation du requérant avant de refuser de lui délivrer un titre de séjour ; qu'à cet égard, si M. A a entendu se prévaloir de la circonstance que le préfet a repris les motifs de sa précédente décision de refus de séjour du 6 août 2010, qu'il a abrogée le 2 décembre 2010 en raison d'une erreur matérielle affectant la mention de son lieu de naissance, il ne fait, en tout état de cause, valoir aucun changement dans sa situation entre ces deux décisions ; qu'enfin, la circonstance que l'arrêté en litige ne vise pas la décision d'abrogation n'est pas de nature à l'entacher d'illégalité ;

Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

Considérant que M. A fait valoir qu'il vit depuis le mois de février 2006 en France où résident également trois de ses enfants, qui y sont scolarisés, et que, parlant français et étant propriétaire d'un bien immobilier, il est bien intégré à la société française ; que, toutefois, le requérant, qui ne peut ainsi se prévaloir que d'une durée de séjour de moins de cinq ans à la date de l'arrêté attaqué, ne conteste pas qu'il a conservé de solides attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment ses épouses et ses autres enfants ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'arrêté attaqué aurait porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; que cet arrêté n'a donc pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes les décisions le concernant ;

Considérant qu'en l'espèce, M. A ne fait pas état de circonstances faisant obstacle à ce que ses trois enfants, dont il ne précise pas, au demeurant, la durée du séjour en France, l'accompagnent hors de France et, en particulier, dans son pays d'origine, où il n'est pas allégué qu'ils ne pourraient poursuivre leur scolarité ; que, dans ces conditions, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en prenant l'arrêté attaqué, le préfet du Val-d'Oise n'aurait pas accordé une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants du requérant ; qu'ainsi, cette autorité n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention susmentionnée ;

Considérant, en sixième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet du Val-d'Oise aurait commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de son arrêté sur la situation personnelle de M. A ;

Considérant, en septième lieu, qu'aux termes de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet n'est tenu de saisir la commission du titre de séjour que du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement toutes les conditions prévues à l'article L. 313-11 auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité et non de tous les étrangers qui se prévalent de cette disposition ; qu'ainsi qu'il vient d'être dit, M. A ne remplit pas les conditions lui permettant de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 précité ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de consultation de la commission du titre de séjour doit être écarté ;

Considérant, enfin, qu'il y a lieu d'écarter, par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif, les moyens tirés de ce que l'arrêté en litige porterait atteinte au droit de propriété du requérant et qu'il serait entaché de détournement de pouvoir ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il y ait lieu d'ordonner la communication demandée, que M. A n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DECIDE

Article 1er : La requête de M. A est rejetée.

''

''

''

''

2

N° 11VE02306


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 11VE02306
Date de la décision : 03/07/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: Mme Corinne SIGNERIN-ICRE
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : NTSAKALA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-07-03;11ve02306 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award