La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/2012 | FRANCE | N°11VE00268

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 11 octobre 2012, 11VE00268


Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SARL AMPHI INTERNATIONAL, dont le siège est 41 rue du Moulin des Bruyères à Courbevoie (92400), représentée par son gérant en exercice, par Me Pailhes ; la SARL AMPHI INTERNATIONAL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707470 du 18 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des pénalités y afférentes auxquels elle a été

assujettie au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 ...

Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2011 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la SARL AMPHI INTERNATIONAL, dont le siège est 41 rue du Moulin des Bruyères à Courbevoie (92400), représentée par son gérant en exercice, par Me Pailhes ; la SARL AMPHI INTERNATIONAL demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0707470 du 18 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 ;

2°) de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 ;

La société soutient que la procédure est irrégulière au regard des dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales car l'administration l'a informée seulement de l'origine des informations recueillies sur lesquelles elle a fondé les rappels en cause, et non de la teneur de ces informations ; que les constatations et résultats des vérifications de comptabilité diligentées ne lui ont pas été communiqués de sorte qu'elle n'a pas été mise en mesure d'en vérifier la pertinence et la portée ; que c'est à tort que le service a considéré qu'elle ne pouvait ignorer qu'elle avait eu recours à des officines délivrant des factures de complaisance ; qu'en particulier, aucune anomalie n'a été relevée par le service quant à la réalité des factures et la livraisons des marchandises ; qu'alors que le mécanisme de carrousel à la TVA implique généralement des entités implantées dans différents Etats de l'Union Européenne, la société ne procède à aucun achat de marchandises dans un autre Etat de l'Union Européenne et n'y réalise aucune vente, ses achats effectués auprès des fournisseurs en cause ayant d'ailleurs représenté seulement 7 % de ses ventes réalisées à l'exportation en 2002 ; que les prix sur le marché des matériels informatiques variaient constamment, et qu'elle n'était pas en mesure de vérifier la marge de ses fournisseurs alors qu'elle s'est approvisionnée auprès de 160 fournisseurs en 2002 et auprès de 128 fournisseurs en 2003 ; que les manquements allégués par le service concernent ses fournisseurs et lui sont totalement étrangers ; qu'en particulier, alors que ses demandes de remboursement de crédit de TVA n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part de l'administration elle ne pouvait pas être informée d'éventuelles défaillances de ses fournisseurs concernant le reversement de la TVA ; que, contrairement à ce qui est soutenu, plusieurs de ses fournisseurs n'ont pas eu une vie éphémère ; que ses fournisseurs pratiquent des prix conformes à ceux du marché, et parfois même supérieurs à des prix d'autres fournisseurs qui n'ont pas été remis en cause par le service ; que l'administration a adopté des conclusions totalement divergentes à l'issue de trois vérifications de sa comptabilité, alors que les conditions de son exploitation sont demeurées inchangées ; que l'administration n'établit pas la mauvaise foi alléguée du contribuable ;

........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 septembre 2012 :

- le rapport de Mme Vinot, président assesseur,

- les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public,

- et les observations de Me Pailhes pour la SARL AMPHI INTERNATIONAL ;

Considérant que la SARL AMPHI INTERNATIONAL, qui exerce à titre principal l'activité de négoce en gros de matériels informatiques, a fait l'objet, au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le vérificateur a remis en cause les droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé les factures émises par certains de ses fournisseurs, les sociétés I.E.M., ABS Informatique, Majesté, Mies, Kodex, Dynamic Supplies, Idiac, Ciber, MCA Technology, Beni Maxitel, Maily, Taking Off, Golden Technology, Safa, RDS Electronic, MTC et Scosi au motif que la société requérante savait ou aurait dû savoir que ces entreprises ne se livraient à aucune opération commerciale réelle mais présentaient le caractère d'officines de facturations de complaisance participant à un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; que la société relève appel du jugement du 18 novembre 2010 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses conclusions tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes qui lui ont été réclamés en conséquence, mis en recouvrement le 8 décembre 2006 ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;

Considérant qu'aux termes du 4 de l'article 283 du code général des impôts : " Lorsque la facture ou le document ne correspond pas à la livraison d'une marchandise ou à l'exécution d'une prestation de services, ou fait état d'un prix qui ne doit pas être acquitté effectivement par l'acheteur, la taxe est due par la personne qui l'a facturée " ; qu'aux termes du 2 de l'article 272 de ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée facturée dans les conditions définies au 4 de l'article 283 ne peut faire l'objet d'aucune déduction par celui qui a reçu la facture ou le document en tenant lieu " ; que l'article 271 du même code dispose : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable (...) /3. La déduction de la taxe ayant grevé les biens et les services est opérée par imputation sur la taxe due par le redevable au titre du mois pendant lequel le droit à déduction a pris naissance. / II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables (...) la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est (...) / a) Celle qui figure sur les factures d'achat qui leur sont délivrées par leurs vendeurs, dans la mesure où ces derniers étaient légalement autorisés à la faire figurer sur lesdites factures (...) " et qu'aux termes de l'article 256 de ce code : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel " ; que pour l'application de ces dispositions, transposées de l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, le bénéfice du droit à déduction doit être refusé à un assujetti lorsqu'il est établi, au vu d'éléments objectifs, que cet assujetti savait ou était à même de savoir, en effectuant les diligences auxquelles un opérateur économique est normalement tenu que, par son acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée et ceci même si l'opération en cause satisfait aux critères objectifs sur lesquels sont fondées les notions de livraisons de biens effectuées par un assujetti agissant en tant que tel et d'activité économique ;

Considérant que l'administration fiscale fait valoir qu'au titre de l'année 2002, 60 % des achats de matériels informatique effectués par la société requérante provenaient de dix-sept fournisseurs ayant pour caractéristiques communes d'être, pour la plupart, des sociétés éphémères et défaillantes quant à leurs obligations en matière d'acquittement de la taxe sur la valeur ajoutée, récemment constituées ou diversifiées dans le secteur informatique et s'approvisionnant directement auprès d'opérateurs européens et qui, après une croissance rapide et exponentielle de leur chiffre d'affaires, ont disparu soudainement sans explication, ou, s'agissant des entreprises IEM, MCA Technology, Maily, Golden Technology, des sociétés servant d'écran à des sociétés elles-mêmes éphémères et défaillantes quant à leurs obligations en matière de taxe sur la valeur ajoutée, auprès desquelles elles s'approvisionnaient avant de revendre les marchandises à la société requérante, et qu'un processus similaire a été observé au titre de l'année 2003 ; que l'administration ajoute que plusieurs de ces fournisseurs avaient des gérants inconnus des services fiscaux voire travaillant sous de fausses identités, que la plupart étaient dépourvus de moyens matériels et humains compatibles avec le volume des ventes auxquelles ils procédaient et étaient installés à une adresse de domiciliation ; qu'elle fait valoir que la participation des fournisseurs en cause et de la SARL AMPHI INTERNATIONAL elle-même à un ou plusieurs circuits de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée est attestée par les circonstances que ces fournisseurs s'approvisionnaient dans d'autres Etats de l'Union européenne, revendaient les marchandises à la société requérante à des prix HT inférieurs à leur prix d'achat et facturaient à la société une taxe sur la valeur ajoutée qu'ils ne reversaient pas au Trésor ; que l'administration ajoute que la circulation des marchandises décrite par les flux financiers entre les acteurs concernés était très rapide, la majorité des factures étant établies par les sociétés approvisionnant en amont les fournisseurs de la société requérante concomitamment à la livraison des marchandises à cette dernière, ce qui permettait que les flux financiers ne transitent qu'un bref instant sur la comptabilité de ses fournisseurs directs, attestant ainsi de l'existence d'un circuit frauduleux organisé ; qu'elle fait valoir, enfin, que compte tenu de la multiplicité et la diversité des acteurs en cause et de l'enjeu des achats en cause sur l'activité de la société requérante, cette dernière ne peut pas prétendre qu'elle aurait été victime à son insu d'agissements frauduleux concernant des marchandises d'une valeur de 6,7 millions d'euros en 2002 et de 2,6 millions d'euros en 2003 alors qu'une obligation de vigilance et de recherche d'information sur l'origine des marchandises s'imposait à elle ;

Considérant, cependant, que la SARL AMPHI INTERNATIONAL, si elle ne conteste pas avoir acquis en 2003 auprès de la société IEM des CD-R pour le prix unitaire de 0,36 euro HT, ne permettant pas à ce fournisseur d'acquitter la taxe de 0,35 euro prévue aux articles L. 311-1 à L. 311-5 du code de la propriété intellectuelle sans enregistrer une marge négative, fait valoir que la plupart des allégations du ministre concernant les conditions d'exercice de l'activité de ses fournisseurs ne peuvent être tenues pour établies, en l'absence de production de tout documents probant ; qu'elle soutient, sans être contestée, que le matériel informatique mentionné sur les factures en cause lui était effectivement livré et qu'elle acquittait effectivement le prix de ces factures, qu'elle a poursuivi son activité dans des conditions comparables au cours des années postérieures à la période concernée par le litige sans que les vérifications de sa comptabilité ultérieures auxquelles le service a procédé n'aient donné lieu à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée alors que sept des fournisseurs incriminés n'ont pas eu une durée de vie éphémère mais ont poursuivi leur activité bien au-delà de la période sur laquelle portent les rappels, soit jusqu'en 2007 pour l'un, 2008 pour trois dont la société IEM, principal fournisseur dont le caractère économique de l'activité a été remis en cause par le service, 2009 pour l'un et 2010 pour deux ; qu'elle soutient, en outre, que les prix des matériels qu'elle achetait ont varié constamment au cours de la période en cause, eu égard aux fluctuations des prix des matériels informatiques sur le marché en fonction notamment des quantités vendues et de l'évolution du cours du dollar, et que dans ces conditions, et compte tenu également de la multiplicité des fournisseurs auprès desquels elle s'est approvisionnée, soit 160 fournisseurs en 2002 et 128 fournisseurs en 2003, elle n'était pas en mesure de savoir si certains de ces fournisseurs pratiquaient des marges négatives ; qu'enfin, la SARL AMPHI INTERNATIONAL soutient, en produisant plusieurs documents à l'appui de ses allégations et sans être contestée, que les prix pratiqués sur les factures dont le service a refusé d'admettre la taxe sur la valeur ajoutée en déduction étaient souvent équivalents voire supérieurs aux prix pratiqués par d'autres fournisseurs et non remis en cause par l'administration qui, à titre d'exemples parmi une douzaine cités par la société requérante, a rejeté une facture du 25 juin 2002 relative à l'achat d'un matériel auprès de la société Taking Off au prix unitaire de 562,50 euros HT alors qu'elle a admis une facture du 4 juillet 2002 émanant d'un autre fournisseur relative à l'acquisition du même matériel au prix unitaire de 561 euros HT, ou a rejeté une facture du 22 septembre 2003 relative à l'achat d'un matériel auprès de la société Kodex au prix unitaire de 68 euros HT alors qu'elle a admis une facture du même jour émanant d'un autre fournisseur relative à l'acquisition du même matériel au prix unitaire de 65 euros HT ;

Considérant que, dans ces conditions, compte tenu notamment de l'absence de document probant à l'appui des allégations contestées de l'administration fiscale relatives aux conditions d'exercice de l'activité des fournisseurs incriminés, et des éléments de preuve apportés par la SARL AMPHI INTERNATIONAL quant à l'adéquation entre les prix d'achat portés sur les factures litigieuses et les prix portés sur d'autres factures non remises en cause par le service, le ministre de l'économie et des finances ne peut être regardé comme établissant suffisamment que la SARL AMPHI INTERNATIONAL savait ou aurait été à même de savoir, pour tout ou partie des fournisseurs ou des factures en cause, que, par ses acquisitions ayant donné lieu aux rappels contestés elle participait à des opérations impliquées dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; que le ministre n'est dès lors pas fondé à soutenir que la société requérante ne pouvait bénéficier des droits à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé lesdites factures ; qu'il suit de là que la SARL AMPHI INTERNATIONAL est fondée à demander l'annulation du jugement du 18 novembre 2010 du Tribunal administratif de Versailles et la décharge des rappels de taxe à la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003 ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Versailles du 18 novembre 2010 est annulé.

Article 2 : La SARL AMPHI INTERNATIONAL est déchargée des rappels de taxe à la valeur ajoutée et des pénalités y afférentes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003.

''

''

''

''

2

N° 11VE00268


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 11VE00268
Date de la décision : 11/10/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Déductions.


Composition du Tribunal
Président : M. COUZINET
Rapporteur ?: Mme Hélène VINOT
Rapporteur public ?: Mme GARREC
Avocat(s) : PAILHES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-10-11;11ve00268 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award