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08/11/2012 | FRANCE | N°10VE01686

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 08 novembre 2012, 10VE01686


Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société ALLIANZ FRANCE SA, dont le siège est 87 rue de Richelieu à Paris Cedex 02 (75113), par Me Martineau ;

La société ALLIANZ FRANCE SA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606931 du 25 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la restitution d'une somme de 5 724 990 euros au titre de l'impôt sur les sociétés qu'elle a acquitté au taux réduit résultant de la taxation d'une

plus-value à long terme d'ensemble du groupe intégré au titre de l'exercice 2003...

Vu la requête, enregistrée le 28 mai 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société ALLIANZ FRANCE SA, dont le siège est 87 rue de Richelieu à Paris Cedex 02 (75113), par Me Martineau ;

La société ALLIANZ FRANCE SA demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0606931 du 25 mars 2010 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la restitution d'une somme de 5 724 990 euros au titre de l'impôt sur les sociétés qu'elle a acquitté au taux réduit résultant de la taxation d'une plus-value à long terme d'ensemble du groupe intégré au titre de l'exercice 2003 ainsi que d'une somme de 373 170 euros au titre de la contribution additionnelle et 385 308 euros au titre de la contribution sociale ;

2°) de prononcer la restitution des impositions contestées, pour un montant de 6 483 468 euros, et des intérêts moratoires y afférents ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les dispositions des a) et b) de l'article 220-1 du code général des impôts fixent un plafond d'imputation mais non les modalités pratiques de cette imputation ;

- la doctrine administrative du 24 février 1967 qui précise explicitement que les crédits d'impôts d'origine française ou étrangère peuvent venir en déduction de l'impôt sur les sociétés résultant de la taxation au taux réduit des plus-values à long terme n'a pas été rapportée par la documentation de base 4 H 5411 du 30 octobre 1996 et est donc opposable à l'administration ;

- elle subit une restriction à la liberté de circulation des capitaux contraires à l'article 56 du traité CE ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne, notamment son article 56 ;

Vu le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, notamment son article 63 ;

Vu la convention entre la République française et la République fédérale d'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune du 21 juillet 1959 modifiée ;

Vu la convention conclue le 27 juin 1973 entre la République française et l'Etat espagnol en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

Vu la convention conclue entre la France et la Suisse le 9 septembre 1996 en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 octobre 2012 :

- le rapport de M. Delage, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Soyez, rapporteur public ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée au greffe le 26 octobre 2012, présentée pour la société ALLIANZ FRANCE SA ;

1. Considérant que la société anonyme Assurances Générales de France, devenue société ALLIANZ FRANCE SA, a déclaré un résultat déficitaire en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2003 ; que, le 19 décembre 2005, elle a présenté une réclamation tendant à la restitution des droits correspondant à l'imputation sur l'impôt sur les sociétés au taux réduit de crédits d'impôt d'origine étrangère, transférés par les sociétés intégrées AGF Vie et AGF IART ; que sa réclamation ayant été rejetée, la contribuable a saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui a rejeté sa demande par jugement du 25 mars 2010 dont la société ALLIANZ FRANCE SA relève appel ;

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 220 du code général des impôts : " 1. a) Sur justifications, la retenue à la source à laquelle ont donné ouverture les revenus des capitaux mobiliers, visés aux articles 108 à 119, 238 septies B et 1678 bis, perçus par la société ou la personne morale est imputée sur le montant de l'impôt à sa charge en vertu du présent chapitre. \ Toutefois, la déduction à opérer de ce chef ne peut excéder la fraction de ce dernier impôt correspondant au montant desdits revenus. \ b) En ce qui concerne les revenus de source étrangère visés aux articles 120 à 123, l'imputation est limitée au montant du crédit correspondant à l'impôt retenu à la source à l'étranger ou à la décote en tenant lieu, tel qu'il est prévu par les conventions internationales. " ; qu'aux termes de l'article 219 du même code : " (...) Le taux normal de l'impôt est fixé à 33,1/3 %. / Toutefois : a. Le montant net des plus-values à long terme fait l'objet d'une imposition séparée au taux de 19 %, dans les conditions prévues au 1 du I de l'article 39 quindecies et à l'article 209 quater (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions que le bénéfice net d'un exercice qui, aux termes de l'article 38 du code est " déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises " au cours de l'exercice, doit, pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés au taux de 33,1/3 %, être calculé abstraction faite des profits et des pertes ou charges que la loi a placés sous le régime des plus-values ou des moins-values à long terme et qui doivent, à concurrence de leur montant net, si celui-ci est bénéficiaire, être imposées séparément au taux de 19 % ; qu'ainsi, les revenus en litige, provenant de sociétés dont les sociétés AGF Vie et AGF IART étaient actionnaires, dès lors qu'ils relevaient, en vertu des articles 38 et 219 du code, des bases de l'impôt sur les sociétés au taux de droit commun, se sont trouvés nécessairement exclus des bases à retenir pour le calcul des plus-values à long terme taxables au taux de 19 % ; que, dès lors, ces revenus n'ayant pas été pris en compte pour le calcul de l'assiette de l'impôt sur les sociétés au taux de 19 %, auquel la société requérante a seule été assujettie en 2003, les crédits d'impôt auxquels ils ouvrent droit ne peuvent pas s'imputer sur cet impôt ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 56 du traité instituant la Communauté européenne, " 1. Dans le cadre des dispositions du présent chapitre, toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les Etats membres et entre les Etats membres et les pays tiers sont interdites (...) " ; que les dispositions précitées des articles 219 et 220 du code général des impôts, qui n'opèrent aucune différence de traitement, au regard des règles d'imputation, entre les crédits d'impôts d'origine française et ceux d'origine étrangère, ne méconnaissent pas le principe de liberté de circulation des capitaux ;

4. Considérant, en troisième lieu, que les conventions internationales conclues entre la France et, respectivement, l'Espagne et la Suisse stipulent que les résidents français qui ont acquitté dans ces pays un impôt sur les revenus en provenance de ces Etats bénéficient en France d'un crédit d'impôt correspondant au montant de l'impôt perçu par ces pays, lequel peut s'imputer sur l'impôt français afférent à ces mêmes revenus dans la limite du montant de ce dernier ; qu'il résulte des stipulations de ces conventions, rédigées selon le modèle type de l'OCDE et qui n'ont d'autre objet que d'éviter une double imposition d'un même revenu, que le crédit d'impôt qu'elles prévoient doit s'imputer sur l'impôt qui, en France, frappe le revenu dont il s'agit et que, par suite, l'imputation n'est possible que dans la mesure où l'impôt français frappant ce revenu est d'un montant supérieur à celui du crédit d'impôt auquel ce revenu ouvre droit ; qu'il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que la société ne peut obtenir la réduction des impositions en litige sur le fondement de ces conventions ; que, par ailleurs, la requérante invoque les stipulations de l'article 20 paragraphe de la convention susvisée conclue entre la France et l'Allemagne aux termes desquelles : " En ce qui concerne les résidents de France, la double imposition est évitée de la façon suivante : a) Les bénéfices et autres revenus positifs qui proviennent de la République fédérale et qui y sont imposables conformément aux dispositions de la présente Convention sont également imposables en France lorsqu'ils reviennent à un résident de France. L'impôt allemand n'est pas déductible pour le calcul du revenu imposable en France. Mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français dans la base duquel ces revenus sont compris. Ce crédit d'impôt est égal à : (aa) Pour les revenus visés à l'article 9, paragraphe (2), à un montant égal au montant de l'impôt payé en République fédérale, conformément aux dispositions de ce paragraphe. L'excédent éventuel est remboursé au contribuable selon les modalités prévues par la législation française en matière d'avoir fiscal " ; qu'à cet égard, aux termes de l'article 209 bis du code général des impôts alors en vigueur : " 1. Les dispositions des articles 158 bis et 158 ter sont applicables aux personnes morales ayant leur siège social en France, dans la mesure où le revenu distribué est compris dans la base de l'impôt sur les sociétés dû par le bénéficiaire. Le crédit d'impôt est reçu en paiement de cet impôt. Il n'est pas restituable (...) 3. Par dérogation aux dispositions du 1, l'avoir fiscal attaché aux dividendes des sociétés françaises perçus par les caisses de retraite et de prévoyance et par les fondations et associations reconnues d'utilité publique est reçu en paiement de l'impôt sur les sociétés dû par ces organismes. L'excédent éventuel est restitué dans la mesure où ces organismes ne détiennent pas des titres qui représentent au moins 10 % du capital de la société émettrice (...) " ; qu'ainsi la nature juridique de la société ne lui permet pas de bénéficier de la possibilité de restitution réservée par les stipulations et dispositions combinées précitées aux caisses de retraite et de prévoyance, aux fondations et aux associations reconnues d'utilité publique ; que la société ne peut davantage utilement soutenir, dans le cadre du présent litige, que la réduction du déficit reportable conduira à une imposition des revenus en cause au titre du premier exercice ultérieur bénéficiaire ;

5. Considérant, en quatrième lieu, que la société ne peut utilement invoquer un principe de non-aggravation pour soutenir que l'application des stipulations conventionnelles applicables rendrait sa situation moins favorable que celle résultant du seul droit interne ; qu'au surplus il résulte de ce qui précède que sa demande n'est pas fondée au regard du droit interne ; que, par ailleurs, la circonstance que des revenus provenant d'Etats non liés à l'Etat français par une convention fiscale auraient donné lieu à un traitement plus favorable est sans incidence sur le présent litige ;

6. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus qu'aucun impôt au taux normal n'étant dû au titre de l'année en litige par la société, les stipulations applicables faisaient obstacle à l'imputation de crédits d'impôt afférents aux retenues à la source litigieuses ; que, dès lors, la société ne dispose en application des conventions fiscales en cause d'aucun crédit d'impôt dont elle serait fondée à demander le remboursement ; qu'elle ne peut donc se prévaloir d'aucune créance pouvant être regardée comme constituant un bien au sens de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, elle ne saurait soutenir que ces stipulations ont été méconnues, non plus que celles de l'article 14 de la même convention, qui, combinées à l'article 1er du premier protocole additionnel, prohibent les discriminations dans la jouissance des droits et libertés que cette convention reconnaît ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante, qui n'a, au titre de l'année litigieuse, été soumise à l'impôt sur les sociétés qu'à raison de plus-values nettes à long terme et au taux réduit de 19 %, n'est pas fondée, sur le terrain de la loi fiscale, à demander l'imputation, sur ledit impôt, des crédits d'impôt dont elle se prévaut ;

En ce qui concerne le bénéfice de la doctrine administrative :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration./ Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales. " ;

9. Considérant que la société invoque le bénéfice des énonciations de la doctrine du 24 février 1967 et des paragraphes 93 et 95 la documentation administrative de base 4 H-5411 pour soutenir que l'imputation des crédits d'impôt étrangers afférents aux revenus mobiliers sur l'impôt sur les sociétés au taux réduit est autorisée lorsque l'imputation sur l'impôt au taux normal est insuffisante ; que toutefois, le présent litige ne résulte pas de rehaussements opérés par l'administration, et la contribuable n'a au demeurant pas fait application des interprétations de la loi fiscale dont elle se prévaut ; qu'elle ne peut, par suite, et en tout état de cause, prétendre au bénéfice de la garantie posée à l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ; qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 1er du premier protocole additionnel à cette convention doit également être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus ;

10. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne à titre préjudiciel, que la société ALLIANZ FRANCE SA n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société ALLIANZ FRANCE SA la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société ALLIANZ FRANCE SA est rejetée.

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N° 10VE01686


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 10VE01686
Date de la décision : 08/11/2012
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Opposabilité des interprétations administratives (art - L - 80 A du livre des procédures fiscales).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Philippe DELAGE
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : MARTINEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2012-11-08;10ve01686 ?
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