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23/04/2013 | FRANCE | N°12VE03728

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 1ère chambre, 23 avril 2013, 12VE03728


Vu la requête, enregistrée le 19 novembre 2012, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par Me Mamère, avocat ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1006696, 1101414 du 21 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus implicite d'abrogation de l'arrêté en date du 18 octobre 2007 par lequel le préfet de l'Eure a prononcé son expulsion ;

2°) d'annuler le refus implicite d'abroger l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de

séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ...

Vu la requête, enregistrée le 19 novembre 2012, présentée pour M. B...A..., demeurant..., par Me Mamère, avocat ; M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1006696, 1101414 du 21 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus implicite d'abrogation de l'arrêté en date du 18 octobre 2007 par lequel le préfet de l'Eure a prononcé son expulsion ;

2°) d'annuler le refus implicite d'abroger l'arrêté attaqué ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; en effet, s'il a fait l'objet de plusieurs condamnations pénales, il fait preuve d'une réelle volonté d'intégration depuis, qui n'est gênée que par l'absence de régularisation de sa situation par l'administration ;

- l'arrêté du préfet de l'Eure prononçant son expulsion est illégal dès lors qu'il bénéficie de la protection prévue par l'article L. 521-2, 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en tant que père d'un enfant français ;

- l'arrêté du préfet de l'Eure prononçant son expulsion est illégal dès lors qu'il peut prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11, 6° et L. 13-11, 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en prononçant son expulsion, le préfet de l'Eure a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il n'a plus aucune attache au Maroc et vit depuis vingt-deux ans en France où résident régulièrement sa mère, dont l'état nécessite sa présence auprès d'elle, et sa soeur, et où résident également sa femme et son fils, de nationalité française, et son frère qui souffre de graves troubles psychiatriques ; il démontre des efforts d'intégration, notamment dans le domaine professionnel, ainsi qu'en témoigne un contrat de travail en tant que boxeur professionnel ;

- l'arrêté du préfet de l'Eure prononçant son expulsion méconnaît les stipulations de l'article 3.1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention de New York relative aux droits de l'enfant ;

Vu le décret du 4 mars 1994 portant publication de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 avril 2013 :

- le rapport de M. Formery, président assesseur,

- les conclusions de Mme Dioux-Moebs, rapporteur public,

- et les observations de Me Mamère, pour M.A... ;

1. Considérant que M. A..., ressortissant marocain entré en France au cours de l'année 1990 selon ses déclarations, a fait l'objet d'un arrêté d'expulsion du préfet de l'Eure en date du 18 octobre 2007 ; qu'en exécution de cet arrêté, le préfet de l'Essonne a désigné le Maroc comme pays de destination de sa reconduite à la frontière ; que le requérant a sollicité du préfet de l'Eure l'abrogation de l'arrêté d'expulsion ; que cette demande a fait l'objet d'une décision implicite de rejet ; que M. A...fait appel du jugement du 21 septembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite de refus d'abroger l'arrêté du préfet de l'Eure prononçant son expulsion du territoire français ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de refus d'abroger l'arrêté du 18 octobre 2007 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France de l'étranger constitue une menace grave pour l'ordre public " ; qu'aux termes de l'article L. 524-1 de ce code : " L'arrêté d'expulsion peut à tout moment être abrogé " ; qu'aux termes de l'article R. 524-2 du même code : " Le silence gardé par l'administration pendant plus de quatre mois sur une demande d'abrogation d'un arrêté d'expulsion vaut décision de rejet " ;

3. Considérant, en premier lieu, que, si M. A...soutient que sa présence ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'avant de faire l'objet de l'arrêté d'expulsion litigieux, l'intéressé a été condamné par le tribunal correctionnel à douze reprises entre 1995 et 2004, pour des faits d'une gravité croissante de vol, vol avec violence ou en réunion ayant entraîné des incapacités de travail supérieures à huit jours, violence et menaces de mort, violation de domicile et séquestration, pour lesquels il a purgé des peines allant de trois mois à quatre ans d'emprisonnement, pour un total de sept ans et trois mois, par trois fois assorties d'interdiction de retour sur le territoire français pendant trois ans ; qu'après sa sortie de prison en mars 2009, il a une nouvelle fois été condamné pour détention et trafic de stupéfiants, infraction au titre de laquelle il a été incarcéré durant trois mois en 2010 ; qu'ainsi, et nonobstant les allégations du requérant, au demeurant non démontrées, selon lesquelles il aurait pris conscience de la gravité des faits reprochés et qu'un suivi aurait été mis en place, le préfet a pu considérer, eu égard notamment au risque élevé de récidive, que les faits étaient suffisamment graves pour justifier légalement la décision prise ; que le requérant n'est donc pas fondé à soutenir que sa présence ne constituerait pas une menace grave pour l'ordre public ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que les articles L. 521-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont vocation à régir l'ensemble des cas dans lesquels un étranger peut faire l'objet d'une expulsion ainsi que l'ensemble des garanties dont il doit pouvoir bénéficier ; qu'aucune de ces dispositions ne s'oppose à ce qu'un étranger susceptible de bénéficier de la délivrance de plein droit d'un titre de séjour puisse faire l'objet d'une mesure d'expulsion ; que, par conséquent, M. A...ne peut utilement faire valoir qu'il peut bénéficier de plein droit de la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des articles L. 313-11, 6° et L. 313-11, 7° à l'appui de sa demande ; qu'en tout état de cause, la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11, 6° comme sur le fondement de l'article L. 313-11, 7° est conditionnée par le fait que la présence en France de l'étranger ne constitue pas une menace pour l'ordre public ; qu'ainsi, le moyen ne peut qu'être rejeté ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 521-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'expulsion que si cette mesure constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que les dispositions de l'article L. 521-3 n'y fassent pas obstacle : 1° L'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an (...) " ;

6. Considérant que, s'il est constant que M. A...est père d'un enfant français né en 2002, il n'établit toutefois pas qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ; que les quelques attestations fournies par des proches ne sauraient suffire à démontrer l'implication de M. A...dans l'éducation de son fils, dont il a été séparé pendant au moins quatre ans du fait de ses condamnations successives ; qu'ainsi, l'intéressé ne peut bénéficier des dispositions prévues par l'article L. 521-2, 1° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance / Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

8. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit ci-dessus, et compte tenu des nombreuses condamnations pénales d'une gravité croissante dont l'intéressé a fait l'objet, la présence de M. A... sur le territoire français constitue une menace grave pour l'ordre public ; que le requérant soutient, en contrepartie, qu'il vit sur le territoire français depuis vingt-deux ans, qu'il est totalement dépourvu d'attaches dans son pays d'origine et que l'ensemble de ses attaches familiales se trouvent en France où résident régulièrement sa mère et sa soeur, ainsi que son épouse et son fils français, et son frère atteint de graves troubles psychiatriques ; qu'il n'établit toutefois ni le caractère indispensable de sa présence auprès de sa mère, ni l'intensité des liens qu'il entretient avec elle ainsi qu'avec sa soeur et son frère ; qu'il ne démontre pas davantage son absence d'attaches dans son pays d'origine ; qu'il ressort en outre des pièces du dossier, et notamment du jugement du tribunal administratif de Rouen du 22 avril 2008 rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté d'expulsion du 18 octobre 2007, confirmé par la suite par le juge d'appel, que M. A...a été condamné pour avoir commis des violences et proféré des menaces de mort à l'encontre de sa concubine, devenue son épouse en 2011 ; que s'il affirme vivre, depuis la fin de son incarcération, avec elle ainsi qu'avec son fils, il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations, pas plus qu'il ne démontre ni qu'il ait reçu leur visite durant son incarcération, ni qu'il contribue effectivement à l'entretien et à l'éducation de son enfant depuis sa libération ; qu'enfin, si M. A...soutient qu'il a entrepris des démarches en vue d'une meilleure insertion, ainsi qu'en témoigne son statut de boxeur professionnel, il ressort toutefois des pièces du dossier que le contrat de travail le liant à son entraîneur a été signé postérieurement à l'arrêté attaqué et est donc sans incidence sur sa légalité ; que rien n'indique, au demeurant, qu'il ait persévéré depuis le 6 décembre 2007, date de sa signature ;

9. Considérant que dans ces conditions, la décision implicite du 21 février 2011 par laquelle le préfet de l'Eure a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion du 18 octobre 2007 n'a pas porté au droit de M. A...au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3.1 de la convention de New York relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

11. Considérant qu'ainsi qu'il a été exposé précédemment, M. A...ne démontre pas contribuer effectivement à l'entretien et l'éducation de son fils dont il a été séparé pendant plus de quatre ans du fait des condamnations pénales successives dont il a fait l'objet ; qu'il n'est donc pas fondé à soutenir que le préfet de l'Eure, en prenant la décision attaquée, n'aurait pas pris en compte l'intérêt supérieur de son enfant ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite en date du 21 février 2011 par laquelle le préfet de l'Eure a refusé d'abroger l'arrêté du 18 octobre 2007 prononçant son expulsion du territoire français ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions présentées à fin d'injonction :

13. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que les conclusions de M. A...tendant à ce que la Cour ordonne au préfet de l'Eure de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte ne peuvent ainsi être accueillies ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

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N° 12VE03728 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 12VE03728
Date de la décision : 23/04/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SOUMET
Rapporteur ?: M. Simon FORMERY
Rapporteur public ?: Mme DIOUX-MOEBS
Avocat(s) : MAMERE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-04-23;12ve03728 ?
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