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03/10/2013 | FRANCE | N°12VE03261

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 03 octobre 2013, 12VE03261


Vu le recours, enregistré le 5 septembre 2012, du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour :

1° d'annuler l'article 1er du jugement n° 1109621 du 19 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités y afférentes auxquels la société Federal Finance Gestion a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 ;

2° de remettre à la charge de la société les impositions dont le t

ribunal a ainsi prononcé la décharge, en droits et pénalités, soit un montant d...

Vu le recours, enregistré le 5 septembre 2012, du MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES; le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES demande à la Cour :

1° d'annuler l'article 1er du jugement n° 1109621 du 19 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités y afférentes auxquels la société Federal Finance Gestion a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 ;

2° de remettre à la charge de la société les impositions dont le tribunal a ainsi prononcé la décharge, en droits et pénalités, soit un montant de 4 711 090 euros ;

Il soutient que :

- le 29 juillet 2012 (affaire 44/11) la Cour de justice de l'Union européenne a rendu à titre préjudiciel un arrêt qui conforte la position de l'administration ;

- le tribunal a dénaturé et inexactement qualifié les faits et commis une erreur de droit en jugeant que les opérations de gestion de portefeuille sous mandat réalisées par la société Federal Finance Gestion constituaient des opérations sur titre exonérées de taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 261 c-1° e du code général des impôts alors que l'activité de gestion de portefeuille sous mandat ne saurait être limitée à une simple activité d'achats et de ventes d'instruments et d'actifs financiers et ne saurait, par suite, être considérée comme consistant en des opérations susceptibles de créer, de modifier ou d'éteindre les droits et obligations du mandant sur des titres ; cette activité consiste davantage en des services de gestion accompagnant le commerce de titres ; les termes du contrat produit ne retracent que de façon parcellaire l'activité de gestion de portefeuille sous mandat ;

- le jugement ne respecte pas le principe, issu de la jurisprudence communautaire, selon lequel, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, les exonérations sont d'interprétation stricte ;

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;

Vu la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

Vu l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 19 juillet 2012 C-44/11 " Finanzamt Frankfurt am Main V-Höchst contre Deutsche Bank AG " ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2013 :

- le rapport de M. Delage, premier conseiller,

- et les conclusions de M. Soyez, rapporteur public ;

1. Considérant que le ministre relève appel du jugement du 19 juillet 2012 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a prononcé la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée ainsi que des pénalités y afférentes auxquels la société Federal Finance Gestion a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 à raison de commissions perçues en rémunération de son activité de gestion de portefeuilles de titres ;

Sur le bien-fondé de l'imposition :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, dont les dispositions reprennent celles de l'article 13 B de la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977: " 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes: (...) f) les opérations, y compris la négociation mais à l'exception de la garde et de la gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d'associations, les obligations et les autres titres, à l'exclusion des titres représentatifs de marchandises et des droits ou titres visés à l'article 15, paragraphe 2 ; g) la gestion de fonds communs de placement tels qu'ils sont définis par les États membres ; (...) " ; que l'article 261 C du code général des impôts dispose : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les opérations bancaires et financières suivantes : (...) e. Les opérations, autres que celles de garde et de gestion, portant sur les actions, les parts de sociétés ou d'associations, les obligations et les autres titres (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, par mandats de gestion d'actifs financiers, dont la société a produit un exemplaire en première instance, les clients chargeaient la société Federal Finance Gestion de gérer leurs actifs en espèces, instruments financiers ou autres titres en vue d'accroître leur valeur en fonction des règles définies pour chaque portefeuille ; que, dans le cadre de cette stratégie de placement, Federal Gestion disposait des pouvoirs les plus étendus dans le respect des contraintes réglementaires et des fonds gérés ; qu'elle pouvait ainsi, de sa propre initiative, notamment exécuter des opérations d'achat et de vente de valeurs mobilières françaises et étrangères sur les marchés au comptant ou à terme réglementés, de titres de créances négociables, ainsi que sur les instruments financiers négociés sur un marché réglementé ou organisé en fonctionnement régulier ; que, parmi les autres opérations autorisées, Federal Gestion pouvait également souscrire ou racheter des parts ou actions d'organismes de placement collectifs ; que, le mandat produit prévoyait une rémunération proportionnelle aux encours moyens sous gestion ;

4. Considérant que la prestation de gestion de portefeuille réalisée par la contribuable était ainsi composée d'une prestation d'analyse et de surveillance du patrimoine du client investisseur, d'une part, et d'une prestation d'achat et de vente de titres proprement dite, d'autre part ; que, dans les conditions susdécrites, ces deux éléments de la prestation de gestion de portefeuille sont l'un et l'autre indispensables pour la réalisation de la prestation globale et sont si étroitement liés qu'ils forment, objectivement, une seule prestation économique dont la décomposition revêtirait un caractère artificiel ; que si les seules prestations d'achat et de vente de titres sont susceptibles d'entrer dans le champ d'application de l'article 135, paragraphe 1, sous f), de la directive susvisée, il n'en va, en revanche, pas de même des prestations d'analyse et de surveillance du patrimoine qui ne supposent pas nécessairement la réalisation d'opérations susceptibles de créer, de modifier ou d'éteindre les droits et les obligations des parties sur des titres ; que dès lors, la prestation ne pouvant être prise en compte que dans son ensemble, elle n'entre pas dans les prévisions de l'article 13 B de la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 ou du f) de l'article 135, paragraphe 1 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 ni dans celles des dispositions précitées du e) de l'article 261 C 1) du code général des impôts, aux fins d'exonération de la taxe sur la valeur ajoutée ; que le principe de neutralité fiscale, qui constitue un principe d'interprétation devant être appliqué parallèlement au principe selon lequel les exonérations sont d'interprétation stricte, ne permet pas d'étendre le champ d'application des dispositions d'exonération en litige telles qu'elles ont été interprétées par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt susvisé du 19 juillet 2012 ;

5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la contestation subsidiaire du ministre relative à l'exigence de factures rectificatives aux fins de restitution de la taxe, que le MINISTRE DE L'ECONOMIE ET DES FINANCES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société la décharge de la taxe en litige ; qu'il en résulte que le ministre est également fondé à demander que les imposition en litige soient remises à la charge de la contribuable, pour un montant non contesté de 808 327 euros ;

6. Considérant qu'il appartient toutefois à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société tant devant elle que devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

En ce qui concerne la taxe sur les salaires :

7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société avait présenté à titre subsidiaire en première instance une demande tendant à la décharge partielle de la taxe sur les salaires acquittée au titre des années 2007 et 2008 dans l'hypothèse où il serait fait droit aux conclusions de l'administration en matière de taxe sur la valeur ajoutée ; qu'aux termes de l'article 231 du code général des impôts " 1. Les sommes payées à titre de rémunérations sont soumises à une taxe sur les salaires (...) L'assiette de la taxe due par ces personnes ou organismes est constituée par une partie des rémunérations versées, déterminée en appliquant à l'ensemble de ces rémunérations le rapport existant, au titre de cette même année, entre le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée et le chiffre d'affaires total. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée en totalité ou sur 90 p. 100 au moins de son montant, ainsi que le chiffre d'affaires total mentionné au dénominateur du rapport s'entendent du total des recettes et autres produits, y compris ceux correspondant à des opérations qui n'entrent pas dans le champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée. Le chiffre d'affaires qui n'a pas été passible de la taxe sur la valeur ajoutée mentionné au numérateur du rapport s'entend du total des recettes et autres produits qui n'ont pas ouvert droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (...) " ;

8. Considérant, en premier lieu, que, s'agissant de la taxe acquittée au titre de l'année 2007, l'administration soulève une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la réclamation au regard des dispositions du b) de l'article R*. 196-1 du livre des procédures fiscales selon lesquelles, pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; que le ministre fait valoir que la taxe sur les salaires due au titre de l'année 2007 ayant été acquittée par la contribuable en 2008, le délai de réclamation expirait le 31 décembre 2010 et qu'ainsi la réclamation contentieuse présentée le 30 mars 2011 était tardive ;

9. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction que, le 18 décembre 2009, en présentant ses observations à la proposition de rectification du 16 novembre 2009 lui notifiant les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, la société a également formulé, à titre conservatoire et avant l'expiration des délais sus-rappelés, une demande de dégrèvement portant sur la taxe sur les salaires des années 2007 et 2008 pour des montants respectifs de 21 892 euros et 30 453 euros ; qu'en première instance la société a rappelé l'existence de cette réclamation dans sa réponse à la fin de non-recevoir soulevée par l'administration ; que si, en matière de taxe à la valeur ajoutée, une telle réclamation aurait été prématurée à défaut d'émission d'un avis de mise en recouvrement, elle a été en revanche utilement présentée en matière de taxe sur les salaires, dès lors qu'elle portait sur la taxe sur les salaires déjà acquittée ; qu'elle n'était en outre pas tardive au regard des dispositions du b) de l'article R*. 196-1 du livre des procédures fiscales ; que, dès lors, la fin de non-recevoir ainsi soulevée doit être écartée ;

10. Considérant, en second lieu, que les calculs effectués par la société Federal Finance Gestion qui prennent en compte la modification du rapport d'assujettissement à la taxe sur les salaires prévu par les dispositions précitées résultant de l'assujettissement à la taxe sur la valeur ajoutée des prestations de gestion de portefeuille en litige et qui conduisent à un montant de dégrèvement de 21 892 euros au titre de l'année 2007 et de 30 453 euros au titre de l'année 2008 ne sont pas contestés par le ministre ; qu'il y a lieu, dès lors, de faire droit à la demande de la société sur ce point ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant que, dans les circonstances, de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la société Federal Finance Gestion sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, cette société succombant principalement en l'instance ;

DECIDE :

Article 1er : Les rappels, en droits et pénalités, de taxe sur la valeur ajoutée dont le Tribunal administratif de Montreuil a accordé la décharge au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 par le jugement n° 1109621 du 19 juillet 2012 sont remis à la charge de la société Federal Finance Gestion.

Article 2 : Les cotisations de taxe sur les salaires acquittées par la société Federal Finance Gestion au titre des années 2007 et 2008 sont réduites respectivement de 21 892 euros et 30 453 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la société Federal Finance Gestion devant le tribunal et devant la Cour sont rejetées.

Article 4 : Le jugement n° 1109621 du Tribunal administratif de Montreuil en date du 19 juillet 2012 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 12VE03261
Date de la décision : 03/10/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts assis sur les salaires ou les honoraires versés - Versement forfaitaire de 5 p - 100 sur les salaires et taxe sur les salaires.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Personnes et opérations taxables - Opérations taxables.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Philippe DELAGE
Rapporteur public ?: M. SOYEZ
Avocat(s) : ANJUERE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2013-10-03;12ve03261 ?
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