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19/06/2014 | FRANCE | N°14VE00188

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 19 juin 2014, 14VE00188


Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2014, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par

Me Bertrand, avocat ; M. B...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1302601 en date du 16 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du

4 février 2013 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2° d'annuler ledit arrêté du 4 février 2013 po

ur excès de pouvoir ;

3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une car...

Vu la requête, enregistrée le 20 janvier 2014, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par

Me Bertrand, avocat ; M. B...demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1302601 en date du 16 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du

4 février 2013 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2° d'annuler ledit arrêté du 4 février 2013 pour excès de pouvoir ;

3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer une carte de séjour temporaire et de procéder au réexamen de sa situation, tout en lui délivrant sans délai une autorisation provisoire de séjour ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

Sur la décision portant refus de titre de séjour :

- la décision attaquée est entachée d'insuffisance de motivation ; l'article 3 de l'accord franco-tunisien n'est pas visé par l'arrêté alors que seules ces stipulations lui étaient applicables ; le préfet n'a pas examiné sa situation à la lumière de ces stipulations ;

- la décision lui retirant son autorisation provisoire de séjour a été prise en méconnaissance des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; le préfet n'avait pas le pouvoir d'abroger ladite autorisation provisoire de séjour dès lors que la décision la lui octroyant résultait exclusivement du jugement du Tribunal administratif de Montreuil en date du 7 novembre 2011 annulant la précédente décision d'éloignement le visant ;

- la décision attaquée a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ; le préfet n'était pas tenu de saisir la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi et ne pouvait dès lors rejeter sa demande en se fondant sur le seul avis défavorable de ladite direction ;

- le tribunal ne peut pas procéder à une substitution de base légale entre les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien dès lors que le pouvoir d'appréciation de l'administration dans les deux cas n'est pas le même ;

- la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision attaquée est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation eu égard à sa situation personnelle ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- la décision est entachée d'insuffisance de motivation et dépourvue de base légale ;

- elle est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;

Vu la loi n° 2009-586 du 25 mai 2009 autorisant l'approbation de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne ;

Vu le décret n° 2009-905 du 24 juillet 2009 portant publication de l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations (ensemble deux annexes) et du protocole en matière de développement solidaire (ensemble trois annexes) entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signés à Tunis le 28 avril 2008 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 5 juin 2014, le rapport de

M. Luben, président-rapporteur ;

1. Considérant que M.B..., ressortissant tunisien né en 1979, relève appel du jugement en date du 16 décembre 2013 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 4 février 2013 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 1er de la loi du

11 juillet 1979 susvisée : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : - restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police " ; qu'aux termes de l'article 3 de cette même loi : " La motivation exigée par la présente loi doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision. " ; qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que la décision attaquée comporte l'exposé des motifs de fait et de droit sur lesquels elle se fonde et que, d'autre part, la circonstance que l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé ne soit pas expressément visé dans les motifs de la décision litigieuse n'a aucune incidence sur sa légalité dès lors que le préfet de la Seine-Saint-Denis a visé ledit accord ; que, par suite, le moyen doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des termes de l'arrêté attaqué qui, comme il a été dit, vise l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié, que le préfet de la Seine-Saint-Denis n'aurait pas examiné la situation de M. B...au regard des stipulations précitées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 24 de la loi susvisée du

12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales (...) " ; qu'il résulte de ces dispositions qu'elles ne peuvent être utilement invoquées à l'encontre d'une décision portant refus de titre de séjour prise en réponse à une demande formulée par l'intéressé ; que, par ailleurs, en rejetant la demande de titre de séjour formulée par M.B..., la décision attaquée impliquait nécessairement l'abrogation de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivrée durant l'instruction de sa demande ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet de la Seine-Saint-Denis pouvait abroger ladite autorisation provisoire de séjour sans mettre l'intéressé à même de présenter des observations écrites ou orales ;

5. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien susvisé : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, (...), reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " ''salarié "'' (...). Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix (...) " ; qu'aux termes de l'article 2.3.3 du protocole franco-tunisien du 28 avril 2008 susvisé : " Le titre de séjour portant la mention " salarié ", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l' autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi. (...) " ;

6. Considérant, d'une part, qu'il résulte des stipulations qui précèdent que les ressortissants tunisiens sollicitant un titre de séjour en qualité de salarié doivent présenter un contrat de travail visé par les autorités compétentes ; qu'en l'espèce, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a rejeté le 3 décembre 2012 la demande d'autorisation de travail présentée par M. B...; que, d'autre part, si le requérant soutient que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne pouvait rejeter sa demande de titre de séjour sur le seul fondement de l'avis défavorable émis par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi précité, il ressort des termes de l'arrêté attaqué que pour rejeter sa demande, outre ledit avis défavorable que le préfet de la Seine-Saint-Denis s'est approprié, ce dernier a également motivé sa décision par les circonstances que si M. B...déclarait être entré en France en octobre 2003, sa présence n'était justifiée qu'à compter de juillet 2005, qu'il ne justifiait dès lors pas de dix années de présence habituelle en France et qu'il ne justifiait pas davantage de compétences significatives dans le métier de maçon plaquiste, profession par ailleurs non répertoriée dans l'accord franco-tunisien susvisé ; que, dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien auraient été méconnues et que le préfet de la Seine-Saint-Denis lui aurait opposé un refus de titre de séjour au seul motif de l'avis défavorable de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que les stipulations précitées des articles 3 de l'accord franco-tunisien et 2.3.3 du protocole susvisé prévoient les conditions dans lesquelles il est délivré aux ressortissants tunisiens un titre de séjour en qualité de salarié ; que ces stipulations font dès lors obstacle à l'application à ces ressortissants des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en tant qu'elles sont relatives à la régularisation exceptionnelle par le travail, qui ont le même objet ; que, toutefois, les stipulations de l'accord franco-tunisien n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'un titre de séjour de plein droit en qualité de salarié ; qu'il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation ; que le préfet de la Seine-Saint-Denis a ainsi pu viser, dans la décision litigieuse, l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en tant qu'il permet la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sans entacher la décision attaquée d'une erreur de droit ;

8. Considérant, en sixième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) " ;

9. Considérant que si M. B...se prévaut de sa présence continue en France depuis 2003, où il soutient avoir noué des relations amicales et sociales, y compris dans le domaine professionnel, comme le démontre sa promesse d'embauche, il ressort toutefois des pièces du dossier que l'intéressé, célibataire et sans charge de famille, n'établit pas sa présence habituelle sur le territoire national, faute de preuves de présence produites pour les années 2004, 2009 et 2010, et qu'en outre l'intéressé ne conteste pas ne pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident notamment ses parents et sa fratrie ; que par suite, dans les circonstances de l'espèce, eu égard tant à la brièveté qu'aux conditions de séjour de M. B...en France, en refusant de lui délivrer le titre sollicité, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels cette décision a été prise et n'a dès lors pas méconnu les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché la décision attaquée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III (...) " ;

12. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que la motivation de l'obligation de quitter le territoire français prise sur le fondement du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences des dispositions susmentionnées du I de l'article

L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'en l'espèce, l'arrêté contesté vise les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne les dispositions applicables et les éléments de fait sur lesquels le préfet a fondé la décision de refus de titre de séjour, permettant ainsi de connaître les considérations de droit et de fait ayant constitué le fondement de l'obligation de quitter le territoire français ; qu'ainsi, le moyen tiré du défaut de motivation de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté ; que le requérant n'est pas davantage fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire litigieuse serait dépourvue de base légale ;

13. Considérant que, pour les mêmes motifs que précédemment, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Seine-Saint-Denis aurait entaché la décision attaquée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de la situation personnelle de l'intéressé ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par suite, ses conclusions à fin d'injonction, ainsi que celles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B...est rejetée.

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N° 14VE00188


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE00188
Date de la décision : 19/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. LUBEN
Rapporteur ?: M. Ivan LUBEN
Rapporteur public ?: M. DELAGE
Avocat(s) : BERTRAND

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2014-06-19;14ve00188 ?
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