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05/03/2015 | FRANCE | N°13VE00682

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 05 mars 2015, 13VE00682


Vu la requête, enregistrée le 25 février 2013, présentée pour la COMMUNE DE

CLICHY-LA-GARENNE, représentée par son maire en exercice, par Me Goutal, avocat ; la COMMUNE DE CLICHY-LA-GARENNE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1109460 du 20 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé, d'une part, l'arrêté du 23 août 2011 par lequel son maire a mis en demeure la société Cellamare d'enlever la totalité des déchets entreposés sur les terrains situés 16, 18, 20 et 20 ter rue Gabriel Péri et 25 rue des Bateliers, de p

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Vu la requête, enregistrée le 25 février 2013, présentée pour la COMMUNE DE

CLICHY-LA-GARENNE, représentée par son maire en exercice, par Me Goutal, avocat ; la COMMUNE DE CLICHY-LA-GARENNE demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1109460 du 20 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé, d'une part, l'arrêté du 23 août 2011 par lequel son maire a mis en demeure la société Cellamare d'enlever la totalité des déchets entreposés sur les terrains situés 16, 18, 20 et 20 ter rue Gabriel Péri et 25 rue des Bateliers, de procéder à l'entretien de la parcelle en enlevant la végétation sauvage, de diligenter une opération de dératisation afin d'éradiquer les rongeurs et de rendre inaccessible la parcelle, dans un délai de 8 jours, d'autre part, la décision du 19 septembre 2011 par laquelle le maire, constatant l'inexécution de l'arrêté précédent, a décidé de faire réaliser des travaux de nettoiement et de débroussaillage pour un montant toutes taxes comprises de 17 411,67 euros et de faire réaliser une opération de dératisation pour un montant toutes taxes comprises de 861,12 euros, par un tiers, aux frais de la société Cellamare ;

2° de rejeter la demande de la société Cellamare ;

3° de mettre à la charge de la société Cellamare une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en raison de l'omission, en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, de viser l'article L. 2213-25 du code général des collectivités territoriales ;

- le jugement attaqué est irrégulier en raison de l'absence de transmission à la commune du mémoire enregistré le 7 décembre 2012 par la société Cellamare alors que ce mémoire, aux termes des conclusions du rapporteur public, a nécessairement justifié la solution proposée au tribunal et a donc nécessairement porté atteinte au principe du caractère contradictoire de la procédure ;

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative dès lors qu'il ne répond pas aux arguments de défense de la commune tirés de ce que le tribunal devait se prononcer sur l'opportunité d'une procédure décidée en application de l'article L. 2213-25 du code général des collectivités territoriales et de ce que l'urgence justifiait de ne pas mettre en oeuvre la procédure contradictoire ;

- l'urgence qui ressortait de l'envahissement par des immondices, de la présence de rats et de l'absence de clôture interdisant l'accès, justifiait de ne pas mettre en oeuvre la procédure contradictoire prévue par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

- le vice de procédure n'a pas privé la société d'une quelconque garantie dès lors qu'elle connaissait parfaitement les griefs formulés à son encontre et ne les a pas contestés dès lors qu'elle n'a jamais répondu aux courriers adressés par la ville ; en accueillant " mécaniquement " la critique adverse, sans même s'interroger sur l'application en l'espèce de la jurisprudence Danthony, le tribunal s'est trompé ;

- la société n'est pas fondée à soutenir que la procédure aurait dû intervenir selon la procédure prévue à l'article L. 541-3 du code de l'environnement dès lors qu'un envahissement par de la végétation et des rats n'entre pas dans le champ de cet article ;

- le moyen tiré de l'atteinte au droit de propriété n'était pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; en tout état de cause l'article L. 2213-25 du code général des collectivités territoriales lui conférait le droit d'agir ;

- le moyen tiré du détournement de pouvoir n'est ni sérieux, ni assorti d'un commencement de preuve ;

- la critique portant sur le fait que les travaux ont été confiés à deux entreprises doit être rejetée ;

- le moyen tiré de la prétendue méconnaissance des règles de la commande publique est inopérant ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 février 2015 :

- le rapport de Mme Geffroy, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., de la Selarl Goutal, Alibert et associés, pour la COMMUNE DE CLICHY-LA-GARENNE ;

1. Considérant que, par arrêté du 23 août 2011, le maire de Clichy-la-Garenne

(Hauts-de-Seine) a mis en demeure, sur le fondement de l'article L. 2213-25 du code général des collectivités territoriales, la société Cellamare France, dans un délai de 8 jours, d'enlever la totalité des déchets entreposés sur les terrains situés 16, 18, 20 et 20 ter rue Gabriel Péri et

25 rue des Bateliers, de procéder à l'entretien de la parcelle en enlevant la végétation sauvage, de diligenter une opération de dératisation afin d'éradiquer les rongeurs et de rendre inaccessible la parcelle ; que par un courrier du 19 septembre 2011 le maire de Clichy-la-Garenne, constatant l'inexécution de l'arrêté précédent, a informé la société de sa décision de faire réaliser d'office des travaux de nettoiement et de débroussaillage pour un montant toutes taxes comprises de 17 411,67 euros et une opération de dératisation pour un montant toutes taxes comprises de 861,12 euros aux frais de la société Cellamare France ; que la COMMUNE DE

CLICHY-LA-GARENNE relève appel du jugement du 20 décembre 2012 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé, à la demande de la société Cellamare France, ces deux décisions ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " les jugements sont motivés " ; qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué, d'une part, que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de se prononcer sur chacun des arguments avancés par les parties, ont visé et analysé de manière suffisamment précise l'ensemble des moyens de défense présentés par la COMMUNE DE CLICHY-LA-GARENNE, notamment en ce qui concerne le moyen tiré de ce que la violation du principe du contradictoire était un moyen inopérant ; d'autre part, que les premiers juges n'étaient pas tenus de répondre au moyen nouveau de défense tiré de ce que l'ordre public ou des circonstances exceptionnelles constitutives d'une urgence justifiaient qu'il soit dérogé aux dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, dès lors que ce moyen a été présenté par la commune après la clôture de l'instruction, dans une note en délibéré ; qu'enfin le moyen tiré de ce que les premiers juges ne se seraient pas prononcés sur l'application de l'article L. 2213-25 du code général des collectivités territoriales manque en fait et doit être écarté ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " (...) Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ; que, si le mémoire en réplique présenté par la société Cellamare France le 7 décembre 2012 n'a pas été communiqué à la COMMUNE DE

CLICHY-LA-GARENNE, ni ce mémoire ni les pièces qui lui étaient jointes et qui correspondaient à des courriers postérieurs aux décisions attaquées ne contenaient d'éléments nouveaux susceptibles d'avoir une incidence sur la solution retenue par le tribunal ; que, dans ces conditions, l'absence de communication de ce mémoire n'a pas porté atteinte au principe du caractère contradictoire de la procédure ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. (...) " ; qu'il ressort de l'examen du jugement attaqué que ledit jugement vise le code général des collectivités territoriales et cite les dispositions de l'article L. 2213-25 dudit code ; que l'absence de mention de cet article dans les visas de ce jugement est donc sans influence sur la régularité de celui-ci ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de l'irrégularité du jugement doivent être écartés ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

6. Considérant aux termes de l'article L. 2213-25 du code général des collectivités territoriales : " Faute pour le propriétaire ou ses ayants droit d'entretenir un terrain non bâti situé à l'intérieur d'une zone d'habitation ou à une distance maximum de 50 mètres des habitations, dépendances, chantiers, ateliers ou usines lui appartenant, le maire peut, pour des motifs d'environnement, lui notifier par arrêté l'obligation d'exécuter, à ses frais, les travaux de remise en état de ce terrain après mise en demeure. / Si, au jour indiqué par l'arrêté de mise en demeure, les travaux de remise en état du terrain prescrits n'ont pas été effectués, le maire peut faire procéder d'office à leur exécution aux frais du propriétaire ou de ses ayants droit. / Si le propriétaire ou, en cas d'indivision, un ou plusieurs des indivisaires n'ont pu être identifiés, la notification les concernant est valablement faite à la mairie. /Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article " ; qu'aux termes de l'article 24 de la loi visée

ci-dessus du 12 avril 2000 : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables :1° En cas d'urgence ou de circonstances exceptionnelles ;/ 2° Lorsque leur mise en oeuvre serait de nature à compromettre l'ordre public (...) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière. / Les modalités d'application du présent article sont fixées en tant que de besoin par décret en Conseil d'Etat " ; qu'aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 11 juillet 1979 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délais des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent(...) A cet effet, doivent être motivées les décisions qui (...) restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent des mesures de police (...) " ;

7. Considérant que les décisions contestées ont été édictées en application de l'article L. 2213-25 précité du code général des collectivités territoriales ; qu'à défaut d'avoir instauré une procédure contradictoire particulière par le décret que cet article prévoit, ces mesures de police, qui doivent être motivées en application de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 visée

ci-dessus, entrent, par suite, dans le champ d'application de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et ne peuvent, en conséquence, intervenir qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations ; qu'il est constant, en l'espèce, que ces décisions n'ont pas été précédées d'une procédure contradictoire ; que la commune fait toutefois valoir, en appel, que l'urgence qui ressortait de l'envahissement par des immondices, de la présence de rats et de l'absence de clôture interdisant l'accès, permettait de justifier la dérogation au respect du principe du contradictoire préalable ; qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des constats d'agent du service d'hygiène de la commune datant de 2009 et des courriers des riverains de 2011 adressés en mairie que le terrain en friches non entretenu depuis plusieurs années était devenu un dépôt d'ordures propice à la circulation des rats ; que, cependant, il ressort également des pièces du dossier que les travaux d'enlèvement de la végétation sauvage et des déchets, de dératisation et de réparation des clôtures de la parcelle, qui devaient être réalisés impérativement depuis près de cinq ans, ne relevaient pas d'une urgence telle en l'absence d'aggravation imminente avérée, qu'elle ne permettait pas à la commune de mettre en mesure la société Cellamare France de présenter ses observations préalablement à l'édiction d'un arrêté ; que, dans ces conditions, la COMMUNE DE CLICHY-LA-GARENNE, qui n'invoque plus en appel des circonstances exceptionnelles ou des considérations d'ordre public, n'est pas fondée à se prévaloir d'une situation d'urgence pour justifier la méconnaissance du premier alinéa précité de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ;

8. Considérant, toutefois, qu'un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie ; que le respect, par l'autorité administrative compétente, de la procédure prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 constitue une garantie pour le destinataire d'une mesure de police ; que cette mesure de police prise par le maire est ainsi illégale s'il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce que le destinataire a été effectivement privé de cette garantie ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le délai écoulé de près de deux ans postérieurement aux trois courriers des 25 juin, 3 juillet et 1er septembre 2009 adressés à la société Cellamare France par lesquels la commune exigeait des mesures concrètes de remise en état du terrain, alors même qu'ils seraient demeurés sans réponse ou observations de la part de cette société, fait obstacle à ce que la commune puisse être regardée comme ayant mis la société en mesure de présenter des observations préalablement à l'adoption des décisions litigieuses ; que, par suite, la commune n'est pas fondée à soutenir que le bénéficiaire, qui fait valoir qu'il aurait ainsi été mis en mesure de réaliser les travaux à moindre frais, n'a pas été effectivement privé d'une garantie ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE

CLICHY-LA-GARENNE n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 23 août 2011 et, par voie de conséquence, la décision du 19 septembre 2011 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

11. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner la COMMUNE DE CLICHY-LA-GARENNE à payer à la société Cellamare France une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

13. Considérant que les dispositions précitées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font, en revanche, obstacle à ce que la société Cellamare France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer à la COMMUNE DE

CLICHY-LA-GARENNE la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE CLICHY-LA-GARENNE est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE CLICHY-LA-GARENNE versera à la société Cellamare France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 13VE00682


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE00682
Date de la décision : 05/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

01-03-03-01 Actes législatifs et administratifs. Validité des actes administratifs - Forme et procédure. Procédure contradictoire. Caractère obligatoire.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme LEPETIT-COLLIN
Avocat(s) : SELARL GOUTAL, ALIBERT et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-03-05;13ve00682 ?
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