La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/03/2015 | FRANCE | N°13VE03649

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 24 mars 2015, 13VE03649


Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2013, présentée pour la société RENAULT SAS, dont le siège est 13-15 quai Alphonse le Gallo à Guyancourt (78280), par Me Pola, avocate ;

La société RENAULT SAS demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1206824 du 3 octobre 2013 du Tribunal administratif de Versailles en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France en date du 7 septembre 2012 en tan

t qu'elle concerne les dispositions de l'article 2.1.4 du règlement intérieur...

Vu la requête, enregistrée le 3 décembre 2013, présentée pour la société RENAULT SAS, dont le siège est 13-15 quai Alphonse le Gallo à Guyancourt (78280), par Me Pola, avocate ;

La société RENAULT SAS demande à la Cour :

1° d'annuler le jugement n° 1206824 du 3 octobre 2013 du Tribunal administratif de Versailles en tant que, par ce jugement, celui-ci a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de la décision du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Ile-de-France en date du 7 septembre 2012 en tant qu'elle concerne les dispositions de l'article 2.1.4 du règlement intérieur de son établissement de

Guyancourt-Aubevoye ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cette décision en tant qu'elle concerne les dispositions de l'article 2.1.4 du règlement intérieur de son établissement de

Guyancourt-Aubevoye ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la généralité de l'interdiction est justifiée par la nécessité qu'ont les salariés, qui ont à disposition un pool taxi en libre service, de se déplacer ; certains salariés ont également des postes qui nécessitent attention et vigilance ; elle est tenue à une obligation de sécurité de résultats à l'égard de la santé de ses salariés ;

- la jurisprudence administrative n'interdit pas que tous les salariés d'une entreprise puissent être susceptibles de faire l'objet de contrôles d'alcoolémie dès lors qu'ils sont justifiés par une situation particulière de danger ou de risque ;

- la référence au " hiérarchique " ainsi qu'à un responsable du service accueil prévention sécurité est suffisante au regard de l'obligation de désignation préalable de la personne devant réaliser les tests d'alcoolémie ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code du travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 mars 2015 :

- le rapport de Mme Orio, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me Pola pour la société RENAULT SAS ;

1. Considérant que la société RENAULT SAS, qui a souhaité modifier le règlement intérieur de son établissement de Guyancourt-Aubevoye, a, conformément aux dispositions de l'article L. 1321-4 du code du travail, soumis ce projet à l'avis du comité d'entreprise et du comité d'hygiène et de sécurité des conditions de travail puis l'a communiqué à l'inspecteur du travail ; que par une décision en date du 14 juin 2012, l'inspecteur du travail de la 8ème section des Yvelines lui a demandé de modifier certaines dispositions de ce règlement ; que la société a formé un recours hiérarchique auprès du directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRRECTE) d'Ile-de-France qui a partiellement confirmé la décision du 14 juin 2012 et demandé la modification des articles 2-1-1, 2-1-4, 2-1-5, 3-2 et 3-3 du règlement intérieur par décision du 7 septembre 2012 ; que la société demande l'annulation du jugement du Tribunal administratif de Versailles du 3 octobre 2013 en tant qu'il rejette ses conclusions à fin d'annulation de la décision du DIRRECTE d'Ile-de-France en tant qu'elle concerne les dispositions de l'article 2.1.4 du règlement intérieur de son établissement de Guyancourt-Aubevoye ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 1321-1 du code du travail : " Le règlement intérieur est un document écrit par lequel l'employeur fixe exclusivement : / - les mesures d'application de la réglementation en matière d'hygiène et de sécurité dans l'entreprise ou l'établissement (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1321-3 du même code : " (...) Le règlement intérieur ne peut contenir : (...) / 2° Des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 4121-1 du même code : " I. - L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs (...) " ; qu'enfin, aux termes de l'article R. 4228-20 : " Aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail " ;

3. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 2.1.4 du règlement intérieur :

" Il est interdit à toute personne de pénétrer ou de séjourner dans l'établissement en état d'ébriété. / Il est également interdit d'introduire, de distribuer ou de consommer des boissons alcoolisées. / Si l'état supposé d'imprégnation alcoolique de tout salarié et, plus particulièrement de ceux utilisant des machines ou produits dangereux ou conduisant des engins ou véhicules et, notamment transportant des personnes constitue un danger pour l'intéressé ou son environnement, le salarié concerné pourra être soumis à l'épreuve de l'alcootest (...) / Le contrôle de l'état d'ébriété est effectué sous la responsabilité d'un hiérarchique ou d'un responsable du service accueil prévention sécurité qui peuvent se faire assister par une autre personne notamment par un agent de sécurité (...) " ;

4. Considérant, en premier lieu, que la société soutient que l'ensemble des salariés est dans une situation de risque de nature à justifier l'interdiction absolue de l'alcool et fait valoir son obligation de protéger la santé des salariés ; que toutefois, elle n'établit pas, par les pièces produites, qui démontrent seulement que les véhicules en libre-service qu'elle met à disposition des salariés sont utilisés plus de mille fois par semaine et que des salariés sont affectés à des tâches qui demandent une particulière attention, l'existence d'une situation particulière de danger ou de risque à laquelle serait exposé l'ensemble des salariés de nature à justifier une telle mesure d'interdiction générale et absolue de l'alcool ; que si la société est tenue à une obligation de sécurité de résultat à l'égard de la santé de ses salariés, elle a, au demeurant, pris à cette fin diverses mesures et n'établit pas que la santé des salariés ne pourrait être préservée que par une interdiction générale et absolue ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que l'article 2.1.4 du règlement, qui impose à tout salarié qui constitue un danger pour lui-même ou son environnement d'être soumis à un alcootest, est susceptible, par sa généralité et son imprécision, en l'absence d'élément objectif caractérisant ce danger, d'excéder les restrictions que l'employeur peut légalement apporter à la liberté individuelle du salarié ;

6. Considérant, en troisième lieu, que l'employeur ne peut être tenu de désigner nommément dans le texte du règlement intérieur, le ou les agents qu'il habilite à procéder au contrôle d'alcoolémie ; que la rédaction adoptée, en tant qu'elle habilite des agents particuliers en raison de leur positionnement hiérarchique ou fonctionnel, permet aux salariés de connaitre les agents habilités à procéder à de tels contrôles, et ne peut pour ce motif être regardée comme portant aux droits et libertés, une atteinte disproportionnée qui excède les sujétions que l'employeur peut imposer aux salariés ; que, par suite, la décision du 7 décembre 2012 doit être annulée, en tant qu'elle demande la modification du point de l'article 2.1.4 du règlement intérieur portant sur les modalités du contrôle de l'état d'ébriété des salariés ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société RENAULT SAS est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation du point de l'article 2.1.4 du règlement intérieur portant sur les modalités du contrôle de l'état d'ébriété des salariés ;

8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser à la société RENAULT SAS sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1206824 du Tribunal administratif de Versailles, en tant qu'il porte sur le point de l'article 2.1.4 du règlement intérieur relatif aux modalités du contrôle de l'état d'ébriété des salariés, et la décision du 7 septembre 2012 du directeur régional chargé du travail en tant qu'elle porte sur ce même point, sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à la société RENAULT SAS.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la demande et de la requête est rejeté.

''

''

''

''

5

2

N° 13VE03649


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE03649
Date de la décision : 24/03/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-03-01 Travail et emploi. Conditions de travail. Règlement intérieur.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Eugénie ORIO
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : PROSKAUER LLP

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-03-24;13ve03649 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award