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08/07/2015 | FRANCE | N°13VE02067

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 7ème chambre, 08 juillet 2015, 13VE02067


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la réduction à hauteur de 80 292 euros des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2005.

Par un jugement n° 1104335 du 24 avril 2013, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire en réplique et un mémoire complémentaire, enregistrés le 2 juillet 2013 et le 26 mars 2014, M

. et Mme A...C..., représentés par MeB..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la réduction à hauteur de 80 292 euros des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2005.

Par un jugement n° 1104335 du 24 avril 2013, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, un mémoire en réplique et un mémoire complémentaire, enregistrés le 2 juillet 2013 et le 26 mars 2014, M. et Mme A...C..., représentés par MeB..., demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 24 avril 2013 ;

2°) de prononcer la réduction des impositions litigieuses ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- à titre principal, ils sont fondés à procéder à l'imputation sur leur revenu global imposable en France du déficit non commercial de 300 000 euros constaté au titre de la profession d'avocat exercée en Allemagne par M. C...au titre de l'exercice clos en 2005 ;

- la convention bilatérale franco-allemande ne s'oppose pas à l'imputation sur leur revenu global imposable en France de déficits non commerciaux de source allemande ;

- le refus d'imputer le déficit non commercial de source allemande sur le revenu global imposable en France porte atteinte à la liberté d'établissement prévue par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; les déficits non commerciaux de source française constatés au titre d'une profession libérale peuvent être imputés sur le revenu global du contribuable ; l'imputation des déficits non commerciaux de source allemande sur le revenu imposable dans cet Etat est rendue difficile par la cessation de l'activité à l'origine de ces déficits ;

- à titre subsidiaire, ils peuvent prétendre, en application du 4 de l'article 170 et de l'article 197 C du code général des impôts, à l'imputation sur le revenu à prendre en compte pour le calcul du taux d'imposition des déficits non commerciaux et commerciaux de source allemande ;

- le refus de prendre en compte les déficits de source allemande pour le calcul du taux d'imposition porte atteinte à la liberté d'établissement prévue par l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; les stipulations de la convention fiscale franco-allemande ne permettent pas de déroger à la liberté d'établissement prévue par le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ; il convient de saisir, à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne de la question de la compatibilité avec la liberté d'établissement de l'impossibilité de tenir compte de pertes subies par le contribuable dans l'Etat de résidence au titre d'une activité exercée dans un autre Etat membre dans l'Etat de résidence, soit par imputation, soit par prise en compte dans le calcul du taux effectif d'imposition, alors que cette prise en compte est possible s'agissant de déficits subis dans l'Etat de résidence du contribuable ;

............................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité instituant la Communauté européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la convention signée le 21 juillet 1959 entre la France et l'Allemagne en vue d'éviter les doubles impositions et d'établir des règles d'assistance administrative et juridique réciproque en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune, modifiée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chayvialle,

- et les conclusions de Mme Garrec, rapporteur public.

1. Considérant qu'au titre de l'année 2005, au cours de laquelle ils avaient leur domicile fiscal en France, M. et MmeC..., ont imputé sur leur revenu global imposable en France des déficits de source allemande constatés, d'une part, dans la catégorie des bénéfices non commerciaux, à hauteur de 300 000 euros, correspondant à l'exercice par M. C...de la profession d'avocat dans un partnership allemand, et, d'autre part, dans celle des bénéfices industriels et commerciaux, à hauteur de 95 000 euros, correspondant à des activités à caractère commercial et immobilier exercées par ce dernier en Allemagne ; que le service a remis en cause cette imputation et a assujetti les requérants à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2005 ; que M. et Mme C...relèvent appel du jugement du 24 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la réduction, à hauteur de 80 292 euros, des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels ils ont ainsi été assujettis ; qu'à titre principal, ils demandent l'imputation sur leur revenu global imposable de l'année 2005 des déficits non commerciaux de source allemande ; qu'à titre subsidiaire, ils demandent l'imputation sur le revenu à prendre en compte pour le calcul du taux d'imposition en France de l'ensemble des déficits de source allemande déclarés ;

Sur les conclusions principales :

2. Considérant que les requérants demandent, à titre principal, l'imputation sur leur revenu global imposable de l'année 2005 des déficits non commerciaux provenant de la profession d'avocat exercée à titre libéral en Allemagne par M. C...;

En ce qui concerne l'application de la convention franco-allemande :

3. Considérant qu'aux termes de l'article 4 A du code général des impôts : " Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l'impôt sur le revenu en raison de l'ensemble de leurs revenus. (...) " ; qu'aux termes du 2. de l'article 13 de ce code : " Le revenu global net annuel servant de base à l'impôt sur le revenu est déterminé en totalisant les bénéfices ou revenus nets visés aux I à VII bis de la 1re sous-section de la présente section, compte tenu, le cas échéant, du montant des déficits visés aux I et I bis de l'article 156(...) " ; qu'aux termes de l'article 156 du même code : " L'impôt sur le revenu est établi d'après le montant total du revenu net annuel dont dispose chaque foyer fiscal. Ce revenu net est déterminé eu égard aux propriétés et aux capitaux que possèdent les membres du foyer fiscal (...), aux professions qu'ils exercent, aux traitements, salaires, pensions et rentes viagères dont ils jouissent ainsi qu'aux bénéfices de toutes opérations lucratives auxquelles ils se livrent, sous déduction : / I. du déficit constaté pour une année dans une catégorie de revenus (...)./ Toutefois, n'est pas autorisée l'imputation : (...) 2° Des déficits provenant d'activités non commerciales au sens de l'article 92, autres que ceux qui proviennent de l'exercice d'une profession libérale ou des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants ; (...) " ; qu'aux termes du 1. de l'article 158 du même code : " Les revenus nets des diverses catégories entrant dans la composition du revenu net global sont évalués d'après les règles fixées aux articles 12 et 13 et dans les conditions prévues aux 2 à 6 ci-après, sans qu'il y ait lieu de distinguer suivant que ces revenus ont leur source en France ou hors de France. (...) " ;

4. Considérant que si, en principe, en application de ces dispositions, un contribuable ayant son domicile fiscal en France peut imputer sur son revenu global servant de base à l'impôt sur le revenu les déficits constatés pour une année dans la catégorie des bénéfices non commerciaux provenant d'une profession libérale, même si cette dernière est exercée hors de France, c'est sous réserve qu'aucune stipulation d'une convention fiscale internationale n'y fasse obstacle ; qu'une convention fiscale internationale qui prive la France de son pouvoir d'imposer les bénéfices non commerciaux provenant d'une activité libérale réalisée hors de France fait obstacle à ce que le déficit résultant d'une telle activité soit pris en compte pour la détermination du revenu imposable à l'impôt sur le revenu ;

5. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 12 de la convention signée entre la France et l'Allemagne : " Les revenus provenant de l'exercice d'une profession libérale (...) ne sont imposables que dans l'Etat contractant où s'exerce l'activité personnelle, source de ces revenus. " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 20 de cette convention : " En ce qui concerne les résidents de France, la double imposition est évitée de la façon suivante :/ a. Les bénéfices et autres revenus positifs qui proviennent de la République fédérale et qui y sont imposables conformément aux dispositions de la présente Convention sont également imposables en France lorsqu'ils reviennent à un résident de France. L'impôt allemand n'est pas déductible pour le calcul du revenu imposable en France. Mais le bénéficiaire a droit à un crédit d'impôt imputable sur l'impôt français dans la base duquel ces revenus sont compris. Ce crédit d'impôt est égal :/(...) cc) pour tous les autres revenus, au montant de l'impôt français correspondant à ces revenus. Cette disposition est notamment applicable aux revenus visés aux articles 3, 4, paragraphes 1 et 3, 6, paragraphe 1, 12, paragraphe 1, 13, paragraphes 1 et 2, et 14. (...) " ; qu'il résulte de ces stipulations que le revenu d'une profession libérale exercée en Allemagne par un résident français n'est imposable qu'en Allemagne ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 4 que c'est à bon droit que l'administration a remis en cause l'imputation des déficits non commerciaux résultant de l'activité d'avocat exercée à titre libéral par M. C...en Allemagne ;

En ce qui concerne la liberté d'établissement :

7. Considérant qu'aux termes de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne devenu article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " (...) les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. (...) " ; que même si, selon leur libellé, ces dispositions visent à assurer le bénéfice du traitement national dans l'État membre d'accueil, elles s'opposent également à ce que l'État d'origine entrave l'établissement dans un autre État membre d'un de ses ressortissants ou d'une société constituée en conformité avec sa législation ;

8. Considérant que les dispositions du code général des impôts citées au point 3 permettent à une personne ayant en France son domicile fiscal d'imputer sur son revenu global imposable en France les déficits provenant d'une profession libérale exercée dans ce même pays ; qu'en revanche, ainsi qu'il a été dit au point 4, les déficits provenant d'une profession libérale exercée par ce même contribuable en Allemagne ne peuvent être imputés sur le revenu global imposable en France dès lors que la convention bilatérale précitée prévoit que les revenus correspondants ne sont imposables que dans l'Etat d'exercice de la profession ; que, toutefois, l'impossibilité d'imputer sur le revenu global les déficits résultant d'une profession libérale exercée en Allemagne ne méconnaît pas la liberté d'établissement dès lors qu'elle résulte d'une convention fiscale bilatérale faisant obstacle à ce que les bénéfices de cette profession soient soumis à la loi fiscale française ; qu'enfin, si les requérants invoquent l'impossibilité d'imputer les déficits litigieux sur l'impôt sur le revenu dû en Allemagne, eu égard à la liquidation de l'activité libérale de M. C...à compter de 2005 et au montant des salaires de source allemande perçus postérieurement par ce dernier, il n'incombe pas à l'État de résidence du contribuable d'assurer la neutralisation de la charge fiscale que ce dernier supporte ou supportera du fait de la décision de l'État membre où il exerce son activité libérale, au titre de l'exercice de sa compétence fiscale, de limiter le droit d'imputer les pertes subies ; qu'ainsi, l'impossibilité d'imputer les déficits litigieux sur le revenu global de M. et Mme C...résultant des stipulations de la convention franco-allemande précitées ne méconnaît pas la liberté d'établissement ;

Sur les conclusions subsidiaires :

9. Considérant que M. et Mme C...demandent, à titre subsidiaire, l'imputation sur le revenu à prendre en compte pour le calcul du taux de l'impôt sur le revenu en France, de l'ensemble des déficits de source allemande mentionnés dans leur déclaration de revenu, à savoir non seulement les déficits non commerciaux provenant de la profession d'avocat exercée par M.C..., mais également des déficits commerciaux provenant d'activités à caractère commercial et immobilier exercées par ce dernier en Allemagne ;

10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du 4. de l'article 170 du code général des impôts : " Le contribuable est tenu de déclarer les éléments du revenu global qui, en vertu d'une disposition du présent code ou d'une convention internationale relative aux doubles impositions ou d'un autre accord international, sont exonérés mais qui doivent être pris en compte pour le calcul de l'impôt applicable aux autres éléments du revenu global. " ; qu'aux termes de l'article 197 C du même code, dans la rédaction applicable : " L'impôt dont le contribuable est redevable en France sur les revenus autres que les traitements et salaires exonérés en vertu des dispositions des I et II de l'article 81 A est calculé au taux correspondant à l'ensemble de ses revenus, imposables et exonérés. " ;

11. Considérant qu'aucune disposition du code général des impôts ou de la convention franco-allemande, dans sa rédaction applicable à l'année d'imposition, n'exonère d'impôt sur le revenu en France les revenus reçus par un résident de cet Etat au titre d'une activité libérale, commerciale ou immobilière exercée en Allemagne ; qu'en particulier, en application de l'article 20 de cette convention bilatérale, notamment des stipulations précitées du a. du paragraphe 2, applicables aux revenus de biens immobiliers, visés à l'article 3 de la convention, aux bénéfices d'une entreprise, visés au paragraphe 1. de l'article 4 de cette même convention et aux revenus de profession libérale, visés au paragraphe 1. de l'article 12 de cette convention, ces revenus sont imposables en France et ouvrent droit à un crédit d'impôt, selon la méthode dite du " crédit d'impôt généralisé " ; qu'eu égard aux modalités ainsi retenues par la convention franco-allemande pour éliminer la double imposition des revenus litigieux, les requérants ne sauraient donc utilement se prévaloir des dispositions précitées des articles 170 et 197 C du code général des impôts ;

12. Considérant, en second lieu, que M. et Mme C...soutiennent que l'impossibilité d'imputer les déficits de source allemande sur le revenu à prendre en compte pour le calcul du taux de l'impôt sur le revenu en France est contraire à la liberté d'établissement prévue par les stipulations précitées de l'article 43 du traité instituant la Communauté européenne ; que, toutefois, aucune disposition du code général des impôts ou de la convention franco-allemande ne prévoit la prise en compte dans le calcul du taux d'imposition de déficits provenant de professions libérales ou d'activités commerciales ou immobilières exercées en France ; qu'en outre, ainsi qu'il a été dit au point 8, les stipulations de la convention franco-allemande faisant obstacle à ce que les déficits non commerciaux de source allemande soient imputés sur le revenu global imposable d'un résident français ne méconnaissent pas la liberté d'établissement ; qu'enfin, si les dispositions précitées du code général des impôts permettent la prise en compte des déficits étrangers dans le calcul du taux d'imposition, lorsque les modalités d'élimination de la double imposition stipulées par la convention conclue avec l'Etat de source des revenus litigieux reposent sur la méthode dite de " l'exonération ", et non sur celle dite du " crédit d'impôt généralisé ", comme c'est le cas de la convention franco-allemande, l'objet d'une telle convention est seulement d'éviter que les mêmes revenus soient imposés dans chacun des deux Etats et non de garantir que l'imposition à laquelle est assujetti le contribuable dans un Etat ne soit pas supérieure à celle à laquelle il serait assujetti dans l'autre ; qu'ainsi M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que l'impossibilité d'imputer, sur le revenu à prendre en compte pour le calcul du taux de l'impôt en France, les déficits de source allemande, est contraire à la liberté d'établissement ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle, que M. et Mme C...ne sont pas fondés à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande ; que, par voie de conséquence, leurs conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.

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N° 13VE02067 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 13VE02067
Date de la décision : 08/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Textes fiscaux - Conventions internationales.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable - Montant global du revenu brut.


Composition du Tribunal
Président : Mme HELMHOLTZ
Rapporteur ?: M. Nicolas CHAYVIALLE
Rapporteur public ?: Mme GARREC
Avocat(s) : MARCCUS PARTNERS

Origine de la décision
Date de l'import : 25/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-07-08;13ve02067 ?
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