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19/11/2015 | FRANCE | N°15VE00783

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 19 novembre 2015, 15VE00783


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. M'hand C...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler les décisions du 27 janvier 2015 par lesquelles le préfet des Yvelines l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a placé en centre de rétention administrative.

Par un jugement n° 1500552 du 30 janvier 2015, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé ces décisions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enreg

istrée le 12 mars 2015, le PREFET DES YVELINES, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. M'hand C...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler les décisions du 27 janvier 2015 par lesquelles le préfet des Yvelines l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et l'a placé en centre de rétention administrative.

Par un jugement n° 1500552 du 30 janvier 2015, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé ces décisions.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 12 mars 2015, le PREFET DES YVELINES, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de M.C....

Il soutient que ses décisions ne sont entachées d'aucune illégalité dans la mesure où l'intéressé n'a pas été en mesure de justifier de son entrée régulière en France, a déclaré n'avoir jamais effectué aucune démarche pour régulariser sa situation, n'établit pas, par les attestations qu'il produit, le caractère habituel de sa résidence en France depuis 1998 et n'a pas d'adresse stable.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Ribeiro-Mengoli, premier conseiller,

1. Considérant que par le jugement attaqué le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé les décisions susvisées du 27 janvier 2015 au motif que le PREFET DES YVELINES n'a examiné la situation de M.C..., dans le cadre des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, qu'au regard de sa vie familiale ;

2. Considérant que l'arrêté attaqué expose les éléments de la vie personnelle de l'intéressé, tels que celui-ci les a rapportés à l'occasion de son interpellation, en particulier à propos de sa résidence habituelle en France depuis 1998 et de l'absence de démarches effectuées depuis son entrée pour régulariser sa situation ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas examiné la situation de M. C...au regard de sa vie privée en relevant que, célibataire et sans enfant, son éloignement n'était pas de nature à porter une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale ; que, par suite, le PREFET DES YVELINES est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé ses décisions du 27 janvier 2015 ;

3. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés en première instance et en appel ;

4. Considérant que M. A...B..., sous-préfet, secrétaire général de la préfecture des Yvelines, a reçu, par arrêté préfectoral n° 2015009-0003 du 9 janvier 2015, régulièrement publié, délégation de signature aux fins de signer les décisions attaquées ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de ces décisions doit être écarté ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

5. Considérant, en premier lieu, que la décision par laquelle le PREFET DES YVELINES a fait obligation à M. C...de quitter le territoire français vise les dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et indique que l'intéressé ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français et est dépourvu d'un titre de séjour en cours de validité ; qu'ainsi, la décision contestée comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement et est, par suite, suffisamment motivée ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...)/ 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité (...) " ;

7. Considérant que si M. C...soutient être entré en France sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de tourisme d'une durée d'un mois, il ne produit aucune pièce justifiant du bien-fondé de cette allégation ; que, dès lors, l'intéressé, qui ne justifie pas davantage être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, entrait dans le cas où, en application des dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet pouvait lui faire obligation de quitter le territoire français ; qu'il n'est dès lors pas fondé à soutenir que le PREFET DES YVELINES aurait commis une erreur de fait et aurait entaché sa décision d'un défaut de base légale en fondant sa décision sur le motif tiré de son entrée irrégulière en France ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

9. Considérant que M.C..., de nationalité marocaine, né le 20 juin 1973 à Agadir, fait valoir qu'il vit en France depuis 1998 auprès de sa soeur et de son cousin et qu'il y a établi le centre de ses intérêts ; que les seules attestations qu'il produit, émanant de proches et de membres de sa famille ne suffisent pas pour établir qu'il réside de manière habituelle en France depuis dix-sept ans, pas plus qu'une fiche de pointage du 12 juin 2008 indiquant qu'il a travaillé ce jour là et une déclaration fiscale se rapportant aux revenus de l'année 2011 ; que, par suite, le requérant, célibataire et sans charge de famille, n'est pas fondé à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'ainsi le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ; qu'il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que, eu égard à ce qui précède, la décision portant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé ;

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

10. Considérant, en premier lieu, qu'en indiquant que M. C...n'alléguait pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine, le PREFET DES YVELINES, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'aurait pas procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M.C..., a suffisamment motivé sa décision ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que

M. C...n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale ; que, dès lors, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision fixant le délai de renvoi n'est pas fondée et doit être rejetée ;

12. Considérant, en dernier lieu que compte tenu de ce qui a été dit au point 9,

M.C..., célibataire et sans charge de famille, qui n'établit pas résider en France depuis dix-sept ans comme il le soutient, n'est pas fondé à soutenir que le PREFET DES YVELINES a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :

13. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; (...) " ;

14. Considérant, que la décision litigieuse vise notamment le a) du 3° du II de l'article

L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et précise que

M. C...ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour depuis son arrivée en France et qu'il existe ainsi un risque qu'il se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français édictée à son encontre ; que, par suite, la décision refusant d'accorder au requérant un délai de départ volontaire est suffisamment motivée ;

15. Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'établit pas que la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale ; que, dès lors, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions dirigées contre la décision refusant d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire, n'est pas fondée et doit être rejetée ;

16. Considérant, en dernier lieu, que M. C...ne justifie pas de son entrée régulière sur le territoire français et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; qu'il résulte des dispositions précitées du a) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que ces éléments suffisaient à faire regarder comme établi le risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ; que l'intéressé ne justifie par ailleurs pas de circonstances particulières justifiant qu'un délai de départ volontaire lui soit accordé ; que, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire aurait méconnu les dispositions précitées du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur l'arrêté de placement en rétention administrative :

17. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...) " ; et qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation (...) " ;

18. Considérant qu'en visant notamment les articles L. 551-1 à L. 551-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et en indiquant qu' il existe un risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet, et qu'il ne présente pas de garanties suffisantes de représentation, dans la mesure où il ne peut justifier d'aucun document transfrontière en cours de validité ni d'une adresse fixe et stable, la décision contestée comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles elle est fondée ; que le préfet n'était pas tenu de faire référence aux dispositions de l'article L. 562-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision contestée manque en fait ;

19. Considérant, en deuxième lieu, que l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai n'étant pas établie, l'exception d'illégalité de cette décision, soulevée à l'appui des conclusions d'annulation dirigées contre l'arrêté par lequel le PREFET DES YVELINES a placé M. C...en rétention administrative, ne peut qu'être écartée ;

20. Considérant, en troisième lieu, qu'en l'absence d'information précise sur la domiciliation du requérant à la date de l'arrêté litigieux, le préfet a pu légalement estimer qu'il ne présentait pas des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque de fuite et que des mesures moins coercitives que la rétention n'étaient pas de nature à permettre d'assurer son éloignement ;

21. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions attaquées ; qu'il suit de là que ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles n° 1500552 du 30 janvier 2015 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. C...devant le Tribunal administratif de Versailles est rejetée.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE00783
Date de la décision : 19/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Nathalie RIBEIRO-MENGOLI
Rapporteur public ?: Mme LEPETIT-COLLIN

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2015-11-19;15ve00783 ?
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