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21/06/2016 | FRANCE | N°14VE03230

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 21 juin 2016, 14VE03230


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 6 février 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision implicite née du silence gardé sur le recours hiérarchique formé le 4 septembre 2012 par la société Safilo France contre la décision du 27 juillet 2012 de l'inspecteur du travail de la 14ème section de l'unité territoriale de la

Seine-Saint-Denis refusant l'autorisation de

le licencier, a annulé cette décision et a autorisé son licenciement.

Par un ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision du 6 février 2013 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a retiré la décision implicite née du silence gardé sur le recours hiérarchique formé le 4 septembre 2012 par la société Safilo France contre la décision du 27 juillet 2012 de l'inspecteur du travail de la 14ème section de l'unité territoriale de la

Seine-Saint-Denis refusant l'autorisation de le licencier, a annulé cette décision et a autorisé son licenciement.

Par un jugement n° 1404825 du 22 septembre 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 19 novembre 2014 et le 28 avril 2016, M. A..., représenté par la société d'avocats Berthezene C...Rivet, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 6 février 2013 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle est entachée d'erreur dans l'appréciation de la menace pesant sur la compétitivité de l'entreprise, et notamment sur le secteur d'activité du groupe auquel elle appartient, qui rendrait nécessaire sa réorganisation ;

- elle est entachée d'erreur dans l'appréciation de l'exécution par l'employeur de ses obligations de reclassement ;

- le ministre ne pouvait légalement retirer les décisions de l'inspecteur du travail du

27 juillet 2012 et sa décision implicite de rejet du recours hiérarchique formé par la société Safilo en se fondant sur une erreur d'appréciation entachant ces décisions ;

- le licenciement prononcé est en lien avec son mandat de représentant du personnel.

.......................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Guibé,

- les conclusions de Mme Rollet-Perraud, rapporteur public,

- et les observations de Me C...représentant M.A..., et de Me B...représentant la société Safilo France.

1. Considérant que la société Safilo France, filiale du groupe de lunetterie italien Safilo, a sollicité l'autorisation de licencier pour motif économique M. D... A..., employé en qualité de délégué commercial et titulaire du mandat de membre suppléant du comité d'entreprise ; que, par une décision du 27 juillet 2012, l'inspecteur du travail de la 14ème section d'inspection du travail de la Seine-Saint-Denis a refusé cette autorisation ; que la société Safilo France a exercé un recours hiérarchique contre cette décision auprès du ministre du travail le

4 septembre 2012 ; qu'une décision de rejet est née du silence gardé par le ministre sur cette demande ; que, par une décision expresse du 6 février 2013, le ministre a retiré cette décision implicite, annulé la décision de l'inspecteur du travail et autorisé le licenciement de M.A... ; que M. A... relève appel du jugement du 22 septembre 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ;

2. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle, est subordonné à une autorisation de l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement ; que, lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé ; que, dans le cas où la demande d'autorisation de licenciement est fondée sur un motif de caractère économique, il appartient à l'inspecteur du travail et le cas échéant au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si la situation de l'entreprise justifie le licenciement, en tenant compte notamment de la nécessité des réductions envisagées d'effectifs et de la possibilité d'assurer le reclassement du salarié dans l'entreprise ou au sein du groupe auquel appartient cette dernière ; que la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise peut constituer un motif économique justifiant le licenciement à la condition que soit établie une menace pour la compétitivité de l'entreprise, laquelle s'apprécie, lorsque l'entreprise appartient à un groupe, au niveau du secteur d'activité dont relève l'entreprise en cause au sein du groupe ;

3. Considérant que le secteur d'activité à retenir pour apprécier le motif économique justifiant la demande de licenciement de M. A...correspond à la commercialisation de lunettes de la marque " Safilo " et d'autres marques sous licence par les différentes entités du groupe Safilo ; que le groupe Safilo a annoncé le 16 novembre 2011 la perte de la licence l'autorisant à commercialiser les lunettes de la marque Armani à compter du 31 décembre 2012 ; que la société Safilo France a indiqué que la perte de cette licence représentait 18% du chiffre d'affaires du groupe Safilo, soit 200 millions d'euros ; que, toutefois, l'ampleur de cette perte, dont la réalité est contestée par M. A..., n'est pas établie par la société qui s'est bornée à produire, en réponse à la mesure d'instruction ordonnée par la Cour, un tableau sommaire réalisé par ses soins sans communiquer de pièce comptable ou de document pourvu d'une valeur probante suffisante ; qu'il est par ailleurs constant que le groupe Safilo a acquis en 2011 la licence de la marque Céline et a racheté la société Polaroid Eyewear, générant un chiffre d'affaires annuel de 47 millions d'euros ; que le chiffre d'affaires du groupe a augmenté de 6,7% au cours de l'exercice 2012 ; que, dans ces conditions, l'existence d'une menace pour la compétitivité de l'entreprise n'était pas établie à la date à laquelle le ministre du travail a autorisé le licenciement de M. A...le 6 février 2013 ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. A...et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1404825 du 22 septembre 2014 du Tribunal administratif de Montreuil et la décision du ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social du 6 février 2013 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

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N° 14VE03230


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE03230
Date de la décision : 21/06/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-03 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Licenciement pour motif économique.


Composition du Tribunal
Président : Mme BORET
Rapporteur ?: Mme Céline GUIBÉ
Rapporteur public ?: Mme ROLLET-PERRAUD
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS NOMOS

Origine de la décision
Date de l'import : 28/06/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-06-21;14ve03230 ?
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