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17/11/2016 | FRANCE | N°14VE02006

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 17 novembre 2016, 14VE02006


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune d'Aulnay-sous-Bois à lui verser la somme de 108 447,88 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de l'illégalité des décisions l'ayant placée, en 2010 et 2011, en congé de maladie ordinaire, puis en congé sans traitement.

Par un jugement n° 1210626 du 5 mai 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a re

jeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de condamner la commune d'Aulnay-sous-Bois à lui verser la somme de 108 447,88 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de l'illégalité des décisions l'ayant placée, en 2010 et 2011, en congé de maladie ordinaire, puis en congé sans traitement.

Par un jugement n° 1210626 du 5 mai 2014, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2014, MmeA..., représentée par Me Arvis, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de condamner la commune d'Aulnay-sous-Bois à lui verser la somme de 108 447,88 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de l'illégalité des décisions l'ayant placée, en 2010 et 2011, en congé de maladie ordinaire, puis en congé sans traitement ;

3° de mettre à la charge de la commune le versement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement aux prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, le jugement attaqué ne mentionne pas ses conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande préalable et est donc irrégulier ;

- en estimant que le décret du 30 juillet 1987 implique qu'un agent non titulaire de la fonction publique territoriale souhaitant bénéficier d'un congé de grave maladie doit adresser une demande en ce sens à l'autorité territoriale, le tribunal administratif a entaché son jugement d'une erreur de droit ;

- en se fondant sur l'absence de demande d'un tel congé de sa part, le tribunal administratif a commis une erreur de qualification juridique et une erreur d'appréciation du lien de causalité entre la faute commise, celle de l'absence de mise en oeuvre de la réglementation relative au congé de grave maladie, et les préjudices qu'elle invoque ;

- l'autorité communale a commis une illégalité en la plaçant en congé de maladie ordinaire, puis en congé sans traitement, alors que son état de santé justifiait son placement en congé de grave maladie ; en effet, la condition tenant aux trois années de service révolues pour l'obtention d'un tel congé, prévue à l'article 8 du décret du 15 février 1988, est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, rien ne justifiant une telle condition ; en outre, cette condition, instituant une discrimination entre les agents contractuels et les fonctionnaires titulaires, méconnaît la clause n° 4 de l'accord-cadre figurant en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 ;

- l'article 8 du décret du 15 février 1988, décret sur le fondement duquel ont été prises les décisions la plaçant en congé de maladie ordinaire, puis en congé sans traitement, est, en tant qu'il prive les agents non titulaires du bénéfice d'un congé de longue durée en cas d'affection cancéreuse, contraire, d'une part, au principe général du droit de la fonction publique en vertu duquel toute affection cancéreuse ouvre droit au bénéfice d'un congé de longue durée de trois ans à plein traitement, d'autre part, au principe d'égalité ;

- ainsi, l'illégalité des décisions l'ayant placée en congé de maladie ordinaire, puis en congé sans traitement, est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

- cette faute lui a causé une perte de rémunération qui doit à être évaluée à hauteur de la somme de 32 719 euros ;

- elle a subi une perte de droits à pension qui doit être estimée à hauteur de la somme de 5 051,78 euros ;

- son préjudice est constitué d'une perte de chance sérieuse de voir son contrat prorogé au-delà du 31 décembre 2011, ce chef de préjudice devant être évalué à hauteur de la somme de 27 677,10 euros ;

- elle doit être indemnisée de la perte de chance sérieuse de percevoir les indemnités journalières d'assurance maladie au-delà de l'année 2012, ce chef de préjudice devant être estimé à hauteur de la somme de 33 000 euros ;

- les troubles dans les conditions d'existence qu'elle a subis doivent être indemnisés à hauteur de la somme de 5 000 euros ;

- son préjudice moral doit être évalué à hauteur de la somme de 5 000 euros.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. d'Haëm,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de Me C...pour la commune d'Aulnay-sous-Bois.

1. Considérant que Mme A...a été engagée par la commune d'Aulnay-sous-Bois à compter du 5 janvier 2009, pour une durée d'un an, en qualité d'attaché territorial non titulaire pour exercer les fonctions de chargée de mission " gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences " auprès de la direction " organisation et méthodes " de la direction générale des ressources humaines de la commune ; qu'à compter du 1er janvier 2010, l'intéressée a été engagée, en qualité de chef de service en charge de la gestion urbaine de proximité, sous contrat d'un an, qui a été renouvelé pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2011 ; qu'en raison de son état de santé, Mme A... a été placée en congé de maladie ordinaire, puis en congé sans traitement du 22 mars 2010 au 4 janvier 2011 et du 19 janvier au 31 décembre 2011, date de fin de son contrat, la commune l'ayant informée, par un courrier du 12 juillet 2011, qu'elle n'entendait pas le renouveler ; que Mme A... relève appel du jugement du 5 mai 2014 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Aulnay-sous-Bois à lui verser la somme de 108 447,88 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis à raison de l'illégalité des décisions l'ayant placée, en 2010 et 2011, en congé de maladie ordinaire, puis en congé sans traitement ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application (...). " ;

3. Considérant que Mme A...soutient que le tribunal administratif a omis d'analyser, dans le jugement attaqué, ses conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite du maire de la commune d'Aulnay-sous-Bois rejetant sa demande d'indemnisation préalable réceptionnée le 19 octobre 2012 ; que, toutefois, la demande de Mme A...revêtant le caractère d'un recours indemnitaire, le tribunal, qui a analysé les conclusions à fin d'indemnité de l'intéressée et s'est prononcé sur le bien-fondé de cette demande, n'était en revanche tenu ni de viser ses conclusions à fin d'annulation de la décision rejetant sa demande préalable, ni, d'ailleurs, de statuer sur ces conclusions ; que, par suite, Mme A...n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier au regard des prescriptions de l'article R. 741-2 précité du code de justice administrative ;

4. Considérant, d'autre part, que si Mme A...soutient, d'une part, qu'en faisant application des dispositions du décret du 30 juillet 1987 susvisé, le tribunal administratif aurait entaché son jugement d'une erreur de droit, d'autre part, que les motifs de ce jugement, relatifs à la faute qu'elle entend reprocher à la commune et le lien de causalité entre cette faute et les préjudices qu'elle invoque, seraient entachés d'erreur de qualification juridique et d'erreur d'appréciation, ces moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par les premiers juges, ne sont, en tout état de cause, pas de nature à entacher d'irrégularité le jugement attaqué ;

Sur les conclusions de Mme A...à fin d'indemnité :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 7 du décret du 15 février 1988 susvisé pris pour l'application de l'article 136 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale, dans sa rédaction alors applicable : " L'agent non titulaire en activité bénéficie, sur présentation d'un certificat médical, de congés de maladie pendant une période de douze mois consécutifs ou, en cas de service discontinu, au cours d'une période comprenant trois cents jours de services effectifs, dans les limites suivantes : / 1° Après quatre mois de services, un mois à plein traitement et un mois à demi-traitement ; / 2° Après deux ans de services, deux mois à plein traitement et deux mois à demi-traitements ; 3° Après trois ans de services, trois mois à plein traitement et trois mois à demi-traitement. " ; qu'aux termes de l'article 8 du même décret : " L'agent non titulaire en activité employé de manière continue et comptant au moins trois années de services, atteint d'une affection dûment constatée, le mettant dans l'impossibilité d'exercer son activité, nécessitant un traitement et des soins prolongés et présentant un caractère invalidant et de gravité confirmée bénéficie d'un congé de grave maladie pendant une période maximale de trois ans. / Dans cette situation, l'intéressé conserve l'intégralité de son traitement pendant une durée de douze mois. Le traitement est réduit de moitié pendant les vingt quatre mois suivants. / En vue de l'octroi de ce congé, l'intéressé est soumis à l'examen d'un spécialiste agréé compétent pour l'affection en cause. La décision d'octroi est prise par le chef de service sur avis émis par le comité médical saisi du dossier. / La composition du comité médical et la procédure suivie sont celles prévues par la réglementation en vigueur pour les fonctionnaires titulaires (...). " ; qu'aux termes de l'article 13 dudit décret : " L'agent non titulaire temporairement inapte pour raison de santé à reprendre son service à l'issue d'un congé de maladie, de grave maladie, de maternité, de paternité ou d'adoption est placé en congé sans traitement pour une durée maximale d'un an, qui peut être prolongée de six mois s'il résulte d'un avis médical que l'agent sera apte à reprendre ses fonctions à l'issue de cette période complémentaire (...). " ;

6. Considérant que, pour rechercher la responsabilité de la commune d'Aulnay-sous-Bois, Mme A...soutient qu'en la plaçant, au cours de l'année 2010 et de l'année 2011 et sur le fondement des dispositions précitées des articles 7 et 13 du décret du 15 février 1988 susvisé, en congé de maladie ordinaire, puis en congé sans traitement, l'autorité communale a commis une illégalité alors que son état de santé justifiait son placement en congé de grave maladie ; qu'à cet égard, elle soutient que les dispositions précitées de l'article 8 de ce décret, en tant qu'elles font obligation à un agent non titulaire souhaitant bénéficier d'un congé de grave maladie d'avoir accompli au moins trois années de services et en tant qu'elles ne prévoient pas, pour les agents non titulaires, le bénéfice d'un congé de longue durée en cas d'affection cancéreuse, seraient contraires au principe de non-discrimination mentionné à la clause n° 4 de l'accord-cadre figurant en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 sur le travail à durée déterminée, au principe d'égalité et à un principal général du droit de la fonction publique, et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

7. Considérant, toutefois, en premier lieu, que la différence de traitement critiquée par Mme A...est fondée, non pas sur la durée déterminée ou indéterminée de la relation de travail, mais sur le caractère statutaire ou contractuel de celle-ci ; que, cependant, le principe de non-discrimination mentionné à la clause n° 4 de l'accord-cadre figurant en annexe à la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 sur le travail à durée déterminée a pour seule portée de proscrire les différences de traitement opérées entre les travailleurs à durée déterminée et les travailleurs à durée indéterminée placés dans une situation comparable ; que, dès lors qu'au regard de cette directive les agents titulaires régis par un statut et les non titulaires recrutés par contrat ne sont pas placés dans une situation comparable, Mme A...ne saurait utilement s'en prévaloir ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier ; que la différence de traitement appliqué, en matière de congé de grave maladie, entre fonctionnaires territoriaux et agents non titulaires de la fonction publique territoriale, est justifiée par la spécificité des conditions d'emploi de ces derniers ainsi que par le fait que ces deux catégories d'agents bénéficient de régimes de protection différents ; qu'elle est ainsi en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit ; qu'elle n'est pas manifestement disproportionnée au regard des motifs qui la justifient ; que, par suite, les dispositions précitées de l'article 8 du décret du 15 février 1988 susvisé ne sauraient être regardées comme ayant porté illégalement atteinte au principe d'égalité de traitement entre les agents publics, qu'ils soient titulaires ou non titulaires, ni, pour les mêmes motifs, comme entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

9. Considérant, en dernier lieu, qu'aucun principe général du droit n'impose que tout agent public, titulaire ou contractuel, puisse bénéficier, en cas d'affection cancéreuse et sans aucune condition de durée de service, d'un congé de longue durée de trois ans à plein traitement ;

10. Considérant qu'il suit de là que MmeA..., dont il est constant qu'elle ne remplissait pas la condition de durée de services de trois ans prévue à l'article 8 du décret du 15 février 1988 susvisé et ne pouvait donc bénéficier d'un congé de grave maladie, n'est pas fondée à soutenir que le maire de la commune d'Aulnay-sous-Bois, en la plaçant, en 2010 et en 2011, en congé de maladie ordinaire, puis en congé sans traitement, aurait, en faisant application des dispositions de ce décret, notamment de ses articles 7 et 13 précités, commis une illégalité constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune ;

11. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune d'Aulnay-sous-Bois et de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement des sommes que Mme A... et que la commune demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme que demande la commune d'Aulnay-sous-Bois sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de la commune d'Aulnay-sous-Bois au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 14VE02006


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 14VE02006
Date de la décision : 17/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires.

Fonctionnaires et agents publics - Contentieux de la fonction publique - Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : ARVIS et KOMLY-NALLIER, AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-11-17;14ve02006 ?
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