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17/11/2016 | FRANCE | N°16VE01845

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 17 novembre 2016, 16VE01845


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2015 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé.

Par un jugement n° 1600100 en date du 13 mai 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée

le 17 juin 2016, M. A..., représenté par Me Saoudi, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce juge...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 3 décembre 2015 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il sera renvoyé.

Par un jugement n° 1600100 en date du 13 mai 2016, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa requête.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 17 juin 2016, M. A..., représenté par Me Saoudi, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler l'arrêté du préfet de l'Essonne du 3 décembre 2015 ;

3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour comportant une autorisation de travail dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4° de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues ;

- il peut bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il justifie de considérations humanitaires ; une erreur manifeste d'appréciation a également été commise dès lors qu'il est recherché par les services de police.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Errera,

- et les conclusions de M. Toutain, rapporteur public.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français :

1. Considérant, en premier lieu, que la décision attaquée est suffisamment motivée en fait et en droit ;

2. Considérant, en second lieu, que Mme D...B..., directrice de l'immigration et de l'intégration à la préfecture de l'Essonne, a reçu, par arrêté préfectoral du 17 janvier 2013 régulièrement publié au recueil n° 3 de janvier 2013 des actes administratifs de l'État dans l'Essonne, délégation de signature aux fins de signer la décision attaquée ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée doit être écarté ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions lui refusant un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français ;

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 " ; que l'article 3 de cette convention stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A..., ressortissant turc entré en France le 9 octobre 2014, milite au sein du parti politique pro-kurde BDP dont il est membre depuis le 5 janvier 2012 et dont son père est un responsable local ; qu'il déclare avoir quitté la Turquie pour échapper aux conséquences d'une procédure judiciaire engagée contre lui à la suite d'un placement en garde à vue effectué en mars 2014 ; que l'OFPRA a toutefois rejeté sa demande d'asile par une décision du 20 février 2015, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile, le 31 août 2015, au motif qu'il ne justifiait pas de la réalité des poursuites dont il dit faire l'objet ; que M. A...verse au dossier des pièces justificatives nouvelles qui lui sont parvenues postérieurement et dont il n'avait pu faire état devant l'OFPRA et la Cour nationale du droit d'asile ; que ces documents, traduits par les soins d'un traducteur-interprète assermenté et dont l'authenticité n'a pas été contestée par l'administration, confirment le récit fait par le requérant sans l'entacher d'aucune invraisemblance ou contradiction ; qu'il résulte notamment d'un mandat d'arrêt par contumace, émis le 22 septembre 2014 par la 2ème chambre de la cour d'assises d'Erzerum, et de réquisitions prononcées par le procureur de la République de Kagizman les 18 mai et 30 novembre 2015 que M. A... est recherché par les autorités policières turques afin de répondre, devant un juge, du " délit d'aide et hébergement en connaissance de cause en faveur des membres du réseau terroriste illégal PKK " ; que, pour cette raison, des perquisitions ont été effectuées au domicile de son père, les 19 mai et 1er décembre 2015, ainsi qu'en témoignent les procès-verbaux dressés à ces dates ; que ces derniers, qui émanent de la gendarmerie du district de Kagizman, sont relatifs à des poursuites engagées personnellement contre le requérant et non contre son père, contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges au point 3 du jugement attaqué ; que les faits relatés s'inscrivent dans le contexte d'une reprise du conflit armé opposant les forces de l'ordre turques et les séparatistes kurdes, qui s'est traduite par des affrontements en milieu urbain au second semestre 2015 ; qu'au regard de l'ensemble de ces éléments, il y a lieu de regarder comme établis les risques de persécution dont fait état M.A... ; que le moyen qu'il invoque, tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit donc être accueilli ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 3 décembre 2015 en tant que cette décision fixe la Turquie comme pays de destination ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

8. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des articles 1er et 2 de la décision attaquée, implique seulement qu'il soit enjoint au préfet de l'Essonne de réexaminer la situation de M. A..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, et, dans cette attente, de mettre l'intéressé en possession d'une autorisation provisoire de séjour, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, par application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de condamner l'État à verser à M. A... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : L'arrêté en date du 3 décembre 2015 est annulé en tant qu'il fixe la Turquie comme pays à destination duquel M. A...pourra être éloigné.

Article 2 : Le jugement n° 1600100 rendu par le Tribunal administratif de Versailles le 13 mai 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de réexaminer la situation de

M. A...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans cette attente, de mettre l'intéressé en possession d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel et de la demande devant le Tribunal administratif de Versailles de M. A...est rejeté.

Article 5 : L'État versera à M. A...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 16VE01845 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01845
Date de la décision : 17/11/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. DEMOUVEAUX
Rapporteur ?: M. Antoine ERRERA
Rapporteur public ?: M. TOUTAIN
Avocat(s) : SAOUDI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-11-17;16ve01845 ?
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