La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/12/2016 | FRANCE | N°15VE00131

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 15 décembre 2016, 15VE00131


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association NON AU PONT D'ACHERES a demandé au Tribunal administratif de Versailles :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2013 par lequel le préfet des Yvelines a déclaré d'utilité publique au profit du département des Yvelines, le projet d'aménagement de la liaison départementale entre la route départementale 30 (CD 30) et la route départementale 190

(RD 190) avec franchissement de la Seine (Pont d'Achères) sur les territoires des communes d'Achères, Carrières-sous-Poissy, Chante

loup-les-Vignes, Poissy et Triel-sur-Seine et valant mise en conformité des plans locaux d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association NON AU PONT D'ACHERES a demandé au Tribunal administratif de Versailles :

1°) d'annuler l'arrêté du 8 juillet 2013 par lequel le préfet des Yvelines a déclaré d'utilité publique au profit du département des Yvelines, le projet d'aménagement de la liaison départementale entre la route départementale 30 (CD 30) et la route départementale 190

(RD 190) avec franchissement de la Seine (Pont d'Achères) sur les territoires des communes d'Achères, Carrières-sous-Poissy, Chanteloup-les-Vignes, Poissy et Triel-sur-Seine et valant mise en conformité des plans locaux d'urbanisme des communes d'Achères, Carrières-sous-Poissy, Chanteloup-les-Vignes et Triel-sur-Seine ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1302523 en date du 7 novembre 2014 le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2015 et deux mémoires, enregistrés les

22 septembre et 24 octobre 2016, l'association NON AU PONT D'ACHERES, représentée par Me Gaborit, avocat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité du jugement

- le jugement est entaché de dénaturation des faits ;

- le jugement est entaché de contradiction de motifs ;

- le jugement est insuffisamment motivé ;

- le jugement est entaché d'erreurs de droit ;

Sur le bien-fondé

- l'arrêté portant DUP n'est pas motivé ;

- la concertation a été insuffisante ;

- le périmètre de l'enquête publique est erroné ;

- l'étude de trafic de la société EGIS mobilité n'a pas été versée au dossier ;

- le volet environnemental de l'étude d'impact est insuffisant ;

- l'étude de trafic de la société EGIS mobilité comporte des lacunes se répercutant sur l'étude d'impact ;

- le droit d'information (article 7 de la Charte de l'environnement) a été méconnu ;

- le principe de précaution a été méconnu ;

- le projet est dépourvu d'utilité publique car il fait double emploi avec celui de prolongement de l'autoroute A 104 et aggravera les problèmes de circulation.

Par un mémoire en défense enregistré le 16 décembre 2015 et un mémoire enregistré le 27 octobre 2016, le département des Yvelines, représenté par Me Mazzacurati, avocat, conclut au rejet de la requête à ce que soit mis à la charge de l'association NON AU PONT D'ACHERES le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de l'association requérante ne sont pas fondés.

.......................................................................................................

Vu :

- le jugement et l'arrêté attaqués ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, et notamment la Charte de l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de l'urbanisme ;

- le schéma directeur de la région Ile-de-France (SDRIF) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Agier-Cabanes,

- les conclusions de Mme Lepetit-Collin, rapporteur public,

- et les observations Me Gaborit pour l'association NON AU PONT D'ACHERES et de Me Mazzacurati pour le département des Yvelines.

1. Considérant que, par un arrêté du 8 février 2013, le préfet des Yvelines a déclaré d'utilité publique, au profit du département des Yvelines, le projet d'aménagement de la liaison départementale entre les routes départementales RD 30 et RD 190 sur le territoire des communes d'Achères, Carrières-sous-Poissy, Chanteloup-les-Vignes et Triel-sur-Seine, avec construction d'un franchissement de la Seine par un pont à Achères ; que cet arrêté vaut également mise en compatibilité du plan local d'urbanisme des communes d'Achères, Carrières-sous-Poissy, Chanteloup-les-Vignes et Triel-sur-Seine ; que par un jugement du 7 novembre 2014 dont l'association NON AU PONT D'ACHERES relève appel, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par l'Etat et le département des Yvelines :

Sur la régularité du jugement

2. Considérant que les moyens présentés, tirés de la dénaturation des faits, de l'insuffisance et la contradiction des motifs, et des erreurs de droit, sont en réalité des moyens qui contestent le bien-fondé du jugement attaqué et non sa régularité ;

Sur la procédure

En ce qui concerne la concertation :

3. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 122-1 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, issu de la transposition par la loi du 27 février 2002 de la directive communautaire n° 85A337 du 27 juin 1985 : "L'acte déclarant d'utilité publique l'opération est accompagné d'un document qui expose les motifs et considérations justifiant son utilité publique. " ; qu'il ressort des pièces du dossier que l'arrêté attaqué comporte une annexe exposant les motifs justifiant l'intérêt public de l'opération dont s'agit ; que l'association requérante ne peut utilement se prévaloir du texte d'une directive ayant fait l'objet d'une transposition ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'annexe jointe à l'arrêté contesté rappelle l'intérêt du projet, à savoir les raisons pour lesquels celui-ci est déclaré d'utilité publique : solution aux problèmes de trafic routier dans le secteur et accompagnement des projets de développement de la boucle de Chanteloup ; que cette annexe, qui explicite les motifs et considérations qui ont fondé la décision attaquée sans dénaturer l'avis défavorable émis par les commissaire enquêteur, n'avait pas à exposer les inconvénients éventuels de ce projet ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 300-2 du code de l'urbanisme : " I - Le conseil municipal ou l'organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale délibère sur les objectifs poursuivis et sur les modalités d'une concertation associant, pendant toute la durée de l'élaboration du projet, les habitants, les associations locales et les autres personnes concernées dont les représentants de la profession agricole, avant : a) Toute élaboration ou révision du schéma de cohérence territoriale ou du plan local d'urbanisme ; b) Toute création, à son initiative, d'une zone d'aménagement concerté ; c) Toute opération d'aménagement réalisée par la commune ou pour son compte lorsque, par son importance ou sa nature, cette opération modifie de façon substantielle le cadre de vie ou l'activité économique de la commune et qu'elle n'est pas située dans un secteur qui a déjà fait l'objet de cette délibération au titre du a) ou du b) ci-dessus. (...) Les documents d'urbanisme et les opérations mentionnées aux a, b et c ne sont pas illégaux du seul fait des vices susceptibles d'entacher la concertation, dès lors que les modalités définies par la délibération prévue au premier alinéa ont été respectées. Les autorisations d'occuper ou d'utiliser le sol ne sont pas illégales du seul fait des vices susceptibles d'entacher cette délibération ou les modalités de son exécution. (...) II - Les autres personnes publiques ayant l'initiative d'opérations d'aménagement sont tenues aux mêmes obligations. Elles organisent la concertation dans des conditions fixées après avis de la commune " ;

6. Considérant, d'une part, que l'association NON AU PONT D'ACHERES n'établit pas en quoi la durée de la procédure, qui a été de cinq semaines, aurait été insuffisante pour assurer la concertation ; que, d'autre part, il ressort des pièces du dossier que le prolongement de l'autoroute A 104, qui constitue un projet distinct du projet de liaison départementale et ne conditionne pas la réalisation de celui-ci, a été rappelé au public au cours de cette concertation ; que si les deux projets ont été présentés comme compatibles, il n'a pas été occulté, au cours de celle-ci, que les deux tracés étaient parallèles sur une portion des trajets et qu'un passage sous-fluvial de la Seine avait été prévu, dans le projet autoroutier, à proximité de l'emplacement du pont d'Achères déclaré d'utilité publique par l'arrêté litigieux ; que le fait que l'étude de trafic établie par la société EGIS mobilité n'a pas été mise à la disposition du public au cours de la concertation n'a pas vicié celle-ci dans la mesure où des informations suffisantes sur l'état de la circulation routière dans le secteur concerné ont été mises à la disposition du public ; qu'ainsi, cette procédure, qui devait uniquement porter sur la liaison des routes départementales RD 30 et R 190, et non pas sur la réalisation, à une date incertaine, du prolongement de l'autoroute A 104, n'est pas entachée d'irrégularité ;

En ce qui concerne l'enquête publique :

S'agissant du périmètre

7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 11-14-7 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique applicable aux enquêtes préalables portant sur des opérations entrant dans le champ d'application des articles L. 123-1 à L. 123-16 du code de l'environnement : " Un avis portant les indications mentionnées à l'article R. 11-14-5 à la connaissance du public est, par les soins du préfet, publié, en caractères apparents, dans deux journaux régionaux ou locaux diffusés dans le ou les départements concernés, au moins quinze jours avant le début de l'enquête et rappelé de même dans les huit premiers jours de celle-ci. (...) Quinze jours au moins avant l'ouverture de l'enquête et durant toute la durée de celle-ci, cet avis est publié par voie d'affiches et, éventuellement, par tous autres procédés, dans chacune des communes désignées par le préfet ; cette désignation porte au minimum sur toutes les communes sur le territoire desquelles l'opération doit avoir lieu. L'accomplissement de cette mesure de publicité incombe au maire ; il est certifié par lui. (...) " ; que l'association requérante fait valoir que l'enquête publique n'a pas été organisée dans la commune d'Andrésy alors que cette commune a été associée à la concertation sur le projet déclaré d'utilité publique et que la liaison routière départementale passe à proximité de son territoire ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que l'opération litigieuse ne doit pas avoir lieu sur le territoire de cette commune ; que, par ailleurs, l'impact environnemental du projet sur la commune d'Andrésy a été pris en compte dans le dossier d'enquête, et diverses observations formulées à l'occasion de celle-ci concernent les nuisances subies par son territoire ; que, par suite, le préfet pouvait légalement ne pas désigner, au sens des dispositions précitées du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, la commune d'Andrésy dans l'arrêté prescrivant l'ouverture de l'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique ;

S'agissant de l'information du public

8. Considérant qu'aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement susvisée : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. " ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que l'étude de trafic de la société EGIS mobilité réalisée en 2011 soit versée au dossier d'enquête publique ; que les éléments de cette étude, qui ne fait pas partie du dossier d'enquête publique, ont été résumés notamment dans l'étude d'impact aux pages 37 à 43 et 46 ; qu'au demeurant, il n'est pas contesté que cette étude de trafic a été communiquée, à sa demande, au commissaire enquêteur et qu'elle a pu être consultée par l'association NON AU PONT D'ACHERES, bien que cette dernière n'établisse pas en avoir fait la demande ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement ne peut qu'être écarté ;

S'agissant du volet environnemental de l'étude d'impact

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des observations de l'autorité environnementale sur le dossier d'enquête publique citées par le préfet dans son mémoire de première instance, que l'étude d'impact est " complète et de bonne qualité " : que, s'agissant du volet environnemental, les enjeux liés au milieu naturel ont été bien analysés, le dossier décrivant de manière détaillée le contexte paysager dans lequel s'inscrit le projet et le pétitionnaire mettant en avant la bonne insertion du projet routier ; que les raisons ayant conduit au choix retenu sont clairement explicités, les mesures de réduction, de suppression ou de compensation étant clairement exposées ; qu'ont été, ainsi, pris en compte la gestion des eaux et des risques d'inondation, la configuration des bassins versants et la protection des sites

Natura 2 000 ; que divers graphiques et cartes facilitent la compréhension du volet environnemental ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisance du volet environnemental de l'étude d'impact ne peut qu'être écarté ;

S'agissant des données relatives au trafic

10. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que la notice explicative, bien qu'elle n'évoque pas de manière exhaustive les données de l'étude de trafic réalisée par la société EGIS mobilité, comporte à partir de la page 37 des développements sur les conditions de circulation, notamment telles qu'elles se présentent sur le pont de Poissy ; que les circonstances que cette notice ne retranscrive pas les données de l'étude de la société EGIS mobilité relatives à la situation du trafic à l'horizon 2032 et qu'elle n'évoque pas la combinaison entre le projet de liaison départemental et la prolongation de l'autoroute A 104, évoquée dans l'étude d'impact, ne sont pas de nature à établir l'insuffisance de la notice explicative, qui est par nature un document succint et synthétique ;

11. Considérant, d'autre part, que l'association NON AU PONT D'ACHERES soutient que les données relatives au trafic présentées dans l'étude d'impact ne permettent pas d'apprécier l'évolution de celui-ci à l'horizon 2020 et 2030 et de déterminer ainsi une hausse ou une baisse de ce trafic dans les voiries routières concernées faute d'avoir intégré, dans sa méthodologie, les taux moyens journaliers (TMJ) actuels et prévus pour 2032, l'évolution particulière du trafic des poids lourds et l'étude des destination des usagers, notamment à l'interconnexion des routes départementales RD 22 et RD 55 impactées par le projet ; que, cependant, il ressort des pièces du dossier que l'étude d'impact permet d'apprécier qu'aux heures de pointe, le trafic est saturé sur les routes départementales, notamment, par un effet d'entonnoir, au pont de Poissy ; que cette situation ne peut qu'être aggravée à l'avenir par le développement de l'habitat et des activités économiques prévues par le Schéma directeur d'Ile-de-France (SDRIF) dans la boucle de Chanteloup, augmentant de manière significative le risque d'accidents pour les usagers de la voirie ; que la circonstance que l'étude d'impact n'intègre pas les données de l'étude de l'Institut d'urbanisme et d'aménagement d'Ile-de-France (IUAIDF), qui prévoyaient, lors de sa parution, en 2010, à situation inchangée, une baisse de la circulation dans ce secteur, n'est pas de nature à fausser l'étude d'impact dans la mesure où cette dernière vise notamment à apprécier l'évolution du trafic résultant du développement de la boucle de Chanteloup ; que, dès lors, le moyen tiré de ce que l'étude d'impact serait insuffisante ou présenterait de manière erronée la situation présente et à venir du trafic routier dans ce secteur ne peut qu'être écarté ;

Sur la légalité interne

En ce qui concerne le principe de précaution :

12. Considérant qu'aux termes de l'article 5 de la Charte de l'environnement susvisée : " Lorsque la réalisation d'un dommage, bien qu'incertaine en l'état des connaissances scientifiques, pourrait affecter de manière grave et irréversible l'environnement, les autorités publiques veillent, par application du principe de précaution et dans leurs domaines d'attributions, à la mise en oeuvre de procédures d'évaluation des risques et à l'adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage. " ;

13. Considérant qu'une opération qui méconnaît les exigences du principe de précaution ne peut légalement être déclarée d'utilité publique ; qu'il appartient, dès lors, à l'autorité compétente de l'Etat, saisie d'une demande tendant à ce qu'un projet soit déclaré d'utilité publique, de rechercher s'il existe des éléments circonstanciés de nature à accréditer l'hypothèse d'un risque de dommage grave et irréversible pour l'environnement ou d'atteinte à l'environnement susceptible de nuire de manière grave à la santé, qui justifierait, en dépit des incertitudes subsistant quant à sa réalité et à sa portée en l'état des connaissances scientifiques, l'application du principe de précaution ; que, si cette condition est remplie, il lui incombe de veiller à ce que des procédures d'évaluation du risque identifié soient mises en oeuvre par les autorités publiques ou sous leur contrôle et de vérifier que, eu égard, d'une part, à la plausibilité et à la gravité du risque, d'autre part, à l'intérêt de l'opération, les mesures de précaution dont l'opération est assortie afin d'éviter la réalisation du dommage ne sont ni insuffisantes, ni excessives ; qu'il appartient au juge, saisi de conclusions dirigées contre l'acte déclaratif d'utilité publique et au vu de l'argumentation dont il est saisi, de vérifier que l'application du principe de précaution est justifiée, puis de s'assurer de la réalité des procédures d'évaluation du risque mises en oeuvre et de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation dans le choix des mesures de précaution ;

14. Considérant, d'une part, que si l'association NON AU PONT D'ACHERES soutient que la réalisation d'un pont franchissant la Seine à Achères, à proximité de l'île de la Dérivation, entraînerait des dommages irréversibles sur l'environnement de cette dernière, elle n'établit pas, ni même n'allègue, que les mesures compensatoires prévues seraient insuffisantes pour protéger les espèces menacées et les corridors écologiques ;

15. Considérant, d'autre part, que l'association requérante soutient que le bruit et la pollution augmenteront de manière très importante, et que, plus particulièrement, le trafic de poids lourds se développant aux alentours du pont d'Achères, entraînera une pollution considérable en termes de bruit et de particules nocives pour la santé résultant de l'utilisation du diesel comme carburant par ces véhicules : qu'il ressort toutefois des pièces du dossier que si le projet de liaison des routes départementales CD 30 et CD 190 aura pour effet la dégradation des conditions sonores et de la qualité de l'air, notamment à proximité du pont d'Achères et dans la boucle de Chanteloup, les nuisances ainsi prévues ne dépasseront pas les limites réglementaires ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi qu'un risque grave et irréversible pour l'environnement et la santé publique ne résulte de la réalisation de la liaison routière dont s'agit, compte tenu, en l'état des connaissances scientifiques et du caractère d'incertitude qu'implique l'application du principe de précaution ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de ce principe inscrit dans la Charte de l'environnement susvisée ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne l'utilité publique :

17. Considérant qu'une opération ne peut être légalement déclarée d'utilité publique que si les atteintes à la propriété privée, le coût financier et éventuellement les inconvénients d'ordre social ou l'atteinte à d'autres intérêts publics qu'elle comporte ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente ;

18. Considérant d'une part que l'association NON AU PONT D'ACHERS fait valoir que le projet départemental et le projet de prolongement de l'autoroute A 104 seraient redondants du simple fait de la proximité géographique du futur pont d'Achères et du franchissement sous-fluvial de cette autoroute, et qu'ils pourraient être regardés comme dépendant, pour leur réalisation, l'un de l'autre ; qu'il ressort, cependant, des pièces du dossier que ces deux projets sont distincts et répondent à des objectifs différents ; qu'ainsi, le projet départemental constitue une liaison de proximité entre routes départementales et comporte des liaisons douces, tandis que le projet autoroutier de l'Etat correspond à une liaison rapide de contournement de l'agglomération parisienne ; que la circonstance que les deux trajets coïncident sur une courte portion du tracé et prévoient deux franchissements de la Seine distincts à quelques centaines de mètres l'un de l'autre n'est pas, en elle-même, de nature à priver d'utilité publique le projet départemental, dont il n'est pas établi qu'il n'aurait d'autre justification que de pallier le retard pris par la réalisation du " bouclage " de l'autoroute 104 ;

19. Considérant d'autre part que, pour contester l'utilité publique du projet de liaison départementale, l'association NON AU PONT D'ACHERES soutient que la réalisation de cette voirie, loin d'améliorer les conditions de la circulation dans ce secteur, aggravera les difficultés en attirant un trafic supplémentaire, notamment de poids lourds et que, notamment, le pont de Poissy sera davantage engorgé lorsque la liaison départementale sera réalisée ; que, cependant, l'association requérante n'établit, par les pièces qu'elle produit, et notamment par l'interprétation qu'elle donne de l'étude de la société EGIS mobilité, qu'un tel surcroît de circulation, de nature à saturer entièrement le réseau routier de la boucle de Chanteloup à l'horizon 2032, serait inéluctable, ou que d'autres solutions permettraient d'obtenir le résultat envisagé dans des conditions équivalentes ;

20. Considérant, en revanche, qu'il ressort des pièces du dossier que le réseau routier qui traverse du nord au sud la boucle de Chanteloup et relie Saint-Germain-en-Laye aux communes de l'OIN Seine Aval est, comme il a été dit au point 10, saturé aux heures de pointe, le pont de Poissy subissant tout particulièrement ces difficultés par un effet d'entonnoir ; qu'ainsi, le projet départemental répond notamment à l'urgence de cette situation, dès lors que si aucun aménagement n'est effectué sur la boucle de Chanteloup, le trafic sera, selon toute probabilité, totalement saturé à l'horizon 2020, du fait, notamment, du développement de cette boucle prévu par le SDRIF ; que la circulation sera améliorée par la création de la route départementale RD 30-RD 190 permettant, notamment, de contourner Poissy, de créer un maillage de l'ensemble des routes départementales du secteur comportant des circulations douces et soulageant ainsi le pont de Poissy par la création d'un nouveau pont à Achères ; que, dès lors, l'association NON AU PONT D'ACHERES n'établit pas que le projet de liaison routière RD 30 - RD 190 serait dépourvu d'utilité publique ;

S'agissant du détournement de pouvoir

21. Considérant que le détournement de pouvoir qui consisterait, pour l'Etat, à faire financer le prolongement de l'autoroute A 104 par le département des Yvelines par le biais de la déclaration d'utilité publique de la liaison des routes départementales RD 30 et RD 190, décidée par le département des Yvelines, n'est pas établi ;

22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association NON AU PONT D'ACHERES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est entaché d'aucune contradictions de motifs et est suffisamment motivé, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ; qu'en conséquence, les conclusions tendant au versement d'une somme sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de l'association requérante le versement au département des Yvelines d'une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de l'association NON AU PONT D'ACHERES est rejetée.

Article 2 : L'association NON AU PONT D'ACHERES versera au département des Yvelines une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2

N° 15VE00131


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 15VE00131
Date de la décision : 15/12/2016
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Expropriation pour cause d'utilité publique - Notions générales - Notion d'utilité publique - Existence - Infrastructures de transport.

Expropriation pour cause d'utilité publique - Règles générales de la procédure normale.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Isabelle AGIER-CABANES
Rapporteur public ?: Mme LEPETIT-COLLIN
Avocat(s) : SCP FABRE - LUCE MAZZACURATI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/12/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2016-12-15;15ve00131 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award