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04/07/2017 | FRANCE | N°17VE00785

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 04 juillet 2017, 17VE00785


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société PECHEL INDUSTRIES a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la cotisation minimale de taxe professionnelle mise à sa charge au titre des années 2004 à 2007.

Par un jugement n° 1002017 du 8 novembre 2011, dont la société PECHEL INDUSTRIES a relevé appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure initiale devant la Cour :

Par une requête, un mémoire complémentaire et deux mémoires, enregistrés

le

14 décembre 2011 et les 4 juin, 1er octobre 2012 et 24 juillet 2013, sous le n° 11VE04122, la société PE...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société PECHEL INDUSTRIES a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge de la cotisation minimale de taxe professionnelle mise à sa charge au titre des années 2004 à 2007.

Par un jugement n° 1002017 du 8 novembre 2011, dont la société PECHEL INDUSTRIES a relevé appel, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure initiale devant la Cour :

Par une requête, un mémoire complémentaire et deux mémoires, enregistrés

le 14 décembre 2011 et les 4 juin, 1er octobre 2012 et 24 juillet 2013, sous le n° 11VE04122, la société PECHEL INDUSTRIES, représentée par Me Schmidt, avocat, a demandé à la Cour :

1° d'annuler le jugement ;

2° de prononcer la décharge des cotisations minimales de taxe professionnelle en litige ;

3° de mettre à la charge de l'État la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait que :

- les premiers juges ont omis de statuer sur les conséquences fiscales à tirer de la nature des titres à l'origine des plus-values de cession en litige ;

- en sa qualité de société de capital-risque, elle n'a pas la nature d'un établissement financier et ne développe aucune activité à caractère professionnel au sens de l'article 1447 du code général des impôts susceptible de la rendre passible de la taxe professionnelle ;

- les plus-values de cession de titres de participation ne sont pas à inclure dans le chiffre d'affaires à prendre en compte pour le calcul de la valeur ajoutée et de la cotisation minimale de taxe professionnelle ; seuls les produits de cession qui ne peuvent être regardés comme telles doivent y être inclus ;

- elle est fondée à invoquer le rescrit du 6 septembre 2005 n° 2005/43 ;

- la valeur ajoutée pour le calcul de la cotisation minimale de taxe professionnelle doit être déterminée en vertu du 2 du II de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, et non du 3 du II de cet article, les sociétés de capital-risque ne constituant pas des établissements de crédit.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 13 juillet 2012 et 26 novembre 2012, le ministre de l'économie et des finances a conclu au rejet de la requête.

Il faisait valoir que :

- l'activité de gestion de valeurs mobilières, exercée à titre habituel et dans un but lucratif, par la société requérante présente un caractère professionnel la rendant passible de la taxe professionnelle ;

- les dividendes et produits de cession de titres immobilisés de l'activité de portefeuille, en ce qu'ils participent de l'activité ordinaire de l'entreprise, doivent être inclus dans le calcul de la valeur ajoutée ;

- cette position n'est pas contraire au rescrit n° 2005/43 du 6 septembre 2005 qui interdit la prise en compte de produits exceptionnels dès lors que les produits en cause ne présentent pas ce caractère ;

- la valeur ajoutée à prendre en compte pour le calcul de la cotisation minimale de taxe professionnelle doit être déterminée par application des règles comptables applicables aux établissements de crédit conformément au 3 du II de l'article 1647 B sexies du code général des impôts ; la circonstance que les titres litigieux ont été comptabilisés en tant que titres de participation, plutôt que titres de portefeuille est sans incidence.

Par un arrêt n° 11VE04122 du 15 mai 2014, contre lequel la société PECHEL INDUSTRIES s'est pourvue en cassation, la Cour a rejeté sa demande.

Procédure devant le Conseil d'État :

Le Conseil d'État, par une décision n° 382455 du 2 mars 2017, a annulé l'arrêt de la Cour et lui a renvoyé le jugement de l'affaire, réenregistrée sous le n° 17VE00785.

Procédure devant la Cour après renvoi du Conseil d'État :

Par un mémoire, enregistré 28 avril 2017, le ministre de l'économie et des finances conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'en l'absence de possession durable ou de détention utile à l'entreprise au sens du 9 bis du règlement du comité de la réglementation bancaire n° 90-01 du 23 février 1990 relatif à la comptabilisation des opérations sur titres des établissements de crédit, les titres en litige ne peuvent recevoir la qualification comptable de titres de participation ; ils ont la nature de titres immobilisés de l'activité de portefeuille devant seulement permettre la réalisation de plus-values à moyen terme.

Par un mémoire, enregistré le 5 mai 2017, la société PECHEL INDUSTRIES, représentée par le cabinet Piwnica et Molinié, avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, maintient ses conclusions tendant à l'annulation du jugement et à la décharge des cotisations minimales de taxe professionnelle en litige et demande également à ce que soit mis à la charge de l'État la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que, ni le statut de société de capital-risque, ni l'article 9 bis du règlement n° 90-01 du 23 février 1990 ne font obstacle à ce qu'elle détienne des titres de participation et d'autres titres détenus à long terme ; elle rappelle, par ailleurs, que la Cour de céans a prononcé la décharge de la cotisation minimale de taxe professionnelle mise à sa charge au titre de l'année 2008 par un arrêt 14VE02005 du 7 avril 2016 contre lequel le ministre s'est pourvu en cassation sans succès, le Conseil d'Etat n'ayant pas admis le pourvoi par décision n° 400342 du

8 février 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Locatelli,

- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.

1. Considérant que la société PECHEL INDUSTRIES relève appel du jugement du

8 novembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation minimale de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre des années 2004 à 2007 ;

2. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 1-1 de la loi du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, dans sa rédaction alors applicable, les sociétés de capital-risque sont des sociétés par actions ayant pour objet social " la gestion d'un portefeuille de valeurs mobilières " ; qu'en vertu de l'article 1er de cette loi, elles doivent procéder à des investissements dans des sociétés non cotées pour pouvoir bénéficier d'un régime de faveur au regard de l'imposition des sociétés ; qu'il en résulte que ces sociétés doivent être regardées comme exerçant à titre habituel une activité professionnelle au sens des dispositions, alors en vigueur, du I de l'article 1447 du code général des impôts relatives à l'assujettissement à la taxe professionnelle ;

3. Considérant, d'autre part, aux termes du I de l'article 1647 E du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux années d'imposition en litige : " La cotisation de taxe professionnelle des entreprises dont le chiffre d'affaires est supérieur à 7 600 000 euros est au moins égale à 1,5 % de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie au II de l'article 1647 B sexies (...) " ; que, selon le II de l'article 1647 B sexies du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : " 1. La valeur ajoutée (...) est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers (...). / 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : / d'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes, les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les stocks à la fin de l'exercice ; / et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice. (...) / 3. La production des établissements de crédit, des entreprises ayant pour activité exclusive la gestion de valeurs mobilières est égale à la différence entre : / d'une part, les produits d'exploitation bancaires et produits accessoires ; / et, d'autre part, les charges d'exploitation bancaires. (...) " ; qu'eu égard à l'objet de ces dispositions, qui est de tenir compte de la capacité contributive des entreprises en fonction de leur activité, les entreprises ayant pour activité exclusive la gestion de valeurs mobilières ne s'entendent, pour leur application, que des seules entreprises qui exercent cette activité pour leur propre compte ; que les sociétés de capital-risque, qui gèrent pour leur propre compte des participations financières, sont dès lors soumises aux modalités de calcul de la valeur ajoutée prévues au 3 du II de l'article 1647 B sexies du code général des impôts pour les entreprises ayant pour activité exclusive la gestion de valeurs mobilières ;

4. Considérant que les dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation minimale de taxe professionnelle ; que, pour l'application de ces dispositions, la production d'une entreprise ayant pour activité exclusive la gestion de valeurs mobilières doit être calculée, comme celle des établissements de crédit, en fonction des règles comptables fixées par le règlement du comité de la réglementation bancaire n° 91-01 du 16 janvier 1991 relatif à l'établissement et à la publication des comptes individuels annuels des établissements de crédit ; que l'annexe à ce règlement contient un modèle de compte de résultat et des commentaires de chacun des postes de ce compte ; qu'en vertu de ces dispositions, les produits d'exploitation bancaires et produits accessoires incluent les " gains et pertes sur opérations des portefeuilles de négociation " et les " gains et pertes sur opérations des portefeuilles de placement et assimilés ", mais non les " gains et pertes sur actifs immobilisés ", ce dernier poste étant défini comme " le solde en bénéfice ou perte des opérations sur titres de participation, sur autres titres détenus à long terme et sur parts dans les entreprises liées " ;

5. Considérant que, pour l'application de l'article 1647 E du code général des impôts à une société de capital-risque, le seuil d'assujettissement à la cotisation minimale de taxe professionnelle doit aussi être calculé en ne tenant compte que des produits d'exploitation bancaires et des produits accessoires, lesquels ne comprennent pas, selon le règlement du comité de la réglementation bancaire n° 91-01 du 16 janvier 1991, les plus-values sur titres de participation et autres titres détenus à long terme ;

6. Considérant que l'article 9 bis du règlement du comité de la réglementation bancaire n° 90-01 du 23 février 1990 relatif à la comptabilisation des opérations sur titres des établissements de crédit définit les titres de l'activité de portefeuille comme ceux qui ont été acquis dans le cadre d'investissements " réalisés de façon régulière avec pour seul objectif d'en retirer un gain en capital à moyen terme sans intention d'investir durablement dans le développement du fonds de commerce de l'entreprise émettrice, ni de participer activement à sa gestion opérationnelle ", en ajoutant que " des titres ne peuvent être affectés à ce portefeuille que si cette activité, exercée de manière significative et permanente dans un cadre structuré, procure à l'établissement une rentabilité récurrente, provenant principalement des plus-values de cession réalisées " et en citant comme exemple " les titres détenus dans le cadre d'une activité de capital-risque " ; que le même article dispose que relèvent de la catégorie des autres titres détenus à long terme " les investissements réalisés sous forme de titres dans l'intention de favoriser le développement de relations professionnelles durables en créant un lien privilégié avec l'entreprise émettrice, mais sans influence dans la gestion des entreprises dont les titres sont détenus en raison du faible pourcentage des droits de vote qu'ils représentent " ; qu'enfin, selon les dispositions du même article, les titres de participation sont ceux " dont la possession durable est estimée utile à l'activité de l'entreprise, notamment parce qu'elle permet d'exercer une influence sur la société émettrice des titres, ou d'en assurer le contrôle " ; qu'une telle utilité peut notamment être caractérisée si les conditions d'achat des titres en cause révèlent l'intention de l'acquéreur d'exercer une influence sur la société émettrice et lui donnent les moyens d'exercer une telle influence ;

7. Considérant que les dispositions citées au point 6., élaborées pour la comptabilisation des titres détenus en propre par les établissements de crédit, sociétés de financement et organismes assimilés, déterminent, pour l'application des articles 1647 E et 1647 B sexies du code général des impôts, la répartition, entre les catégories qu'elles définissent, des titres détenus par les sociétés de capital-risque ; que, compte tenu de l'objet spécifique des sociétés de

capital-risque, défini à l'article 1-1 de la loi du 11 juillet 1985 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, l'exemple des " titres détenus dans le cadre d'une activité de capital-risque " donné à la fin de l'alinéa définissant les titres de portefeuille ne doit pas être compris, contrairement à ce que soutient le ministre en défense, comme excluant que les titres détenus par de telles sociétés puissent être, s'ils en remplissent les conditions, placés dans les catégories des titres de participation ou des autres titres détenus à long terme ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que les plus-values en litige ne sont pas issues de la cession de placements de trésorerie effectués à court terme, mais résultent de la cession de titres de sociétés détenus à long terme et comptabilisés, en cette qualité, en tant qu'immobilisations financières à l'actif du bilan ; que, par suite, elles présentaient le caractère de " gains sur actifs immobilisés " ne comptant pas au nombre des produits d'exploitation bancaires ; qu'il n'est pas contesté, d'autre part, que, compte tenu de l'exclusion du chiffre d'affaires mentionné à l'article 1647 E du code général des impôts des plus-values résultant de la cession des participations financières détenues à long terme, le chiffre d'affaires de la contribuable n'atteignait pas, au titre de chacune des années en litige, le seuil d'assujettissement, de 7 600 000 euros, à la cotisation minimale de taxe professionnelle prévu par cet article ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la société PECHEL INDUSTRIES est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros à la société PECHEL INDUSTRIES au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1002017 du 8 novembre 2011 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.

Article 2 : La société PECHEL INDUSTRIES est déchargée des cotisations minimales de taxe professionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2004, 2005, 2006 et 2007.

Article 3 : L'État versera à la société PECHEL INDUSTRIES la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la société PECHEL INDUSTRIES tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.

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N° 17VE00785


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00785
Date de la décision : 04/07/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BERGERET
Rapporteur ?: M. Franck LOCATELLI
Rapporteur public ?: M. COUDERT
Avocat(s) : SELARL HOCHE

Origine de la décision
Date de l'import : 18/07/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-07-04;17ve00785 ?
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