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28/12/2017 | FRANCE | N°17VE00202

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 28 décembre 2017, 17VE00202


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les arrêtés du 19 décembre 2016, par lesquels le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE a décidé sa remise aux autorités bulgares pour l'examen de sa demande d'asile et son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1611903 du 23 décembre 2016, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à la demande de M.B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée

le 19 janvier 2017, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la Cour d'annuler ce jugement et de re...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler les arrêtés du 19 décembre 2016, par lesquels le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE a décidé sa remise aux autorités bulgares pour l'examen de sa demande d'asile et son assignation à résidence.

Par un jugement n° 1611903 du 23 décembre 2016, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à la demande de M.B....

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 janvier 2017, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Il soutient que la procédure suivie avant la décision de transfert de M. B...aux autorités bulgares pour l'examen de sa demande d'asile a été menée conformément aux dispositions des articles 4 et 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et que c'est à tort que le premier juge a retenu le moyen tiré de ce que M. B...aurait été privé de la garantie instituée par l'article 4 de ce règlement pour annuler son arrêté ; qu'aucun des moyens soulevés en première instance n'est fondé.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (CE) n° 2725/2000 du Conseil du 11 décembre 2000 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Besson-Ledey a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. A...B..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1998, a déposé le 21 novembre 2016 une demande d'admission au séjour au titre de l'asile ; que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE a adressé aux autorités bulgares, le 24 novembre 2016, une demande de prise en charge qui a été acceptée ; que, par deux arrêtés du 19 décembre 2016, le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE a dès lors décidé la remise de l'intéressé aux autorités bulgares pour examen de sa demande d'asile et son assignation à résidence dans le département des Hauts-de-Seine pour une durée de 45 jours ; que, par un jugement du 23 décembre 2016, dont le préfet relève appel, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a fait droit à la requête de M. B...en annulation des arrêtés du 19 décembre 2016 ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du

26 juin 2013 susvisé établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " Droit à l'information / 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment: / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. " ;

3. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tous cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ; que cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement ; qu'eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées et telle qu'elle figure à l'annexe X du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, constitue pour le demandeur d'asile une garantie ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a déclaré, lors de l'entretien individuel mené en application de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 à la préfecture des Hauts-de-Seine le 22 novembre 2016, au cours duquel il a bénéficié du concours d'un interprète, parler le dari et le pachto ; que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE pouvait en conséquence raisonnablement supposer qu'il comprenait la langue pachto et lui remettre, au cours de cet entretien, avant la décision de transfert litigieuse, les brochures susmentionnées en pachto ; qu'il suit de là que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE n'a pas privé M. B...de la garantie prévue à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 précité ; qu'il est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif s'est fondé sur une violation de l'article 4 du règlement du règlement (UE) n° 604/2013 pour annuler ses arrêtés du 19 décembre 2016 ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le tribunal administratif et la Cour ;

Sur le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des arrêtés en litige :

6. Considérant que l'article 2 de l'arrêté MCI n° 2016-53 du PREFET DES

HAUTS-DE-SEINE du 5 septembre 2016, régulièrement publié le 6 septembre 2016 au recueil des actes administratifs de la préfecture des Hauts-de-Seine, donne délégation à

Mme D...C..., adjointe au chef de bureau des examens spécialisés et de l'éloignement, pour signer, notamment, les arrêtés de remise à un Etat membre de l'Union européenne pris dans le cadre de l'Union européenne et de la convention de Schengen et les décisions d'assignation à résidence issues des articles L. 561-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des arrêtés contestés n'est pas fondé ;

Sur la légalité de l'arrêté portant transfert aux autorités bulgares :

7. Considérant que l'arrêté attaqué comporte les considérations de fait et de droit sur lesquelles il se fonde ; qu'il fait notamment mention des circonstances propres à la situation personnelle de M.B..., ainsi que des motifs qui ont conduit le préfet à saisir les autorités bulgares d'une demande de réadmission ; que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige et celui tiré du défaut d'examen par le préfet de sa situation personnelle doivent par suite être écartés ;

8. Considérant que, si M. B...soutient que le PREFET DES HAUTS-DE-SEINE a fait une application inadaptée du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé en saisissant les autorités bulgares d'une demande de transfert à fin d'examen de sa demande d'asile, ce moyen n'est pas assorti des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé ; qu'il doit en conséquence être écarté ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " Entretien individuel / 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / 2. L'entretien individuel peut ne pas avoir lieu lorsque: / a) le demandeur a pris la fuite; ou / b) après avoir reçu les informations visées à l'article 4, le demandeur a déjà fourni par d'autres moyens les informations pertinentes pour déterminer l'État membre responsable. L'État membre qui se dispense de mener cet entretien donne au demandeur la possibilité de fournir toutes les autres informations pertinentes pour déterminer correctement l'État membre responsable avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1./ 3. L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. / 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. " ;

10. Considérant que l'entretien prévu à l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 précité a eu lieu le 22 novembre 2016, comme en attestent les pièces produites par le préfet et signées de la main du requérant ; que le moyen tiré de l'absence d'entretien individuel prévu par l'article 5 du règlement précité doit donc être écarté ; que si M. B...soutient que l'agent qui a conduit cet entretien n'aurait pas compétence ni qualité, il n'a assorti ce moyen d'aucune précision suffisante pour en apprécier le bien-fondé ;

11. Considérant que la méconnaissance de l'obligation d'information sur l'utilisation, la conservation et le droit d'accès aux données collectées lors du relevé d'empreintes digitales prévue à l'article 18 du règlement (CE) n° 2725/2000 ne peut être utilement invoquée à l'encontre des décisions par lesquelles l'Etat français refuse l'admission provisoire au séjour à un demandeur d'asile et remet celui-ci aux autorités compétentes pour examiner sa demande ;

Sur la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

12. Considérant que, dès lors que les moyens d'illégalité de la décision portant transfert aux autorités bulgares sont écartés, M. B...n'est pas fondé à invoquer son illégalité, par voie d'exception, à l'encontre de la décision l'assignant à résidence ;

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : /1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application (...) de l'article L. 561-2 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. (...) " ;

14. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige le préfet à prononcer l'assignation à résidence à l'adresse d'hébergement d'urgence d'un demandeur d'asile faisant l'objet d'une procédure de transfert aux autorités d'un autre Etat membre en vue de l'examen de sa demande d'asile ; qu'alors que le dossier de demande d'admission provisoire au séjour de M. B...en vue de l'examen par la France de sa demande d'asile a été déposé et instruit dans le département des Hauts-de-Seine, et que sa représentation devant les services de la préfecture des Hauts-de-Seine était nécessaire afin de mener à bien la procédure de transfert dont il faisait l'objet, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation en assignant M. B...à résidence dans le département des Hauts-de-Seine ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet, eu égard à ce qui précède, ne se serait pas livré à un examen sérieux de la situation de l'intéressé en prononçant son assignation à résidence dans le département des Hauts-de-Seine ;

15. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DES

HAUTS-DE-SEINE est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé ses arrêtés du 19 décembre 2016 ; que, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte présentées par M. B...ne peuvent qu'être rejetées ;

16. Considérant que, dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par M. B...;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1611903 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 23 décembre 2016 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise est rejetée.

Article 3 : Les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, présentées par M. B..., sont rejetées.

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N° 17VE00202


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00202
Date de la décision : 28/12/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Laurence BESSON-LEDEY
Rapporteur public ?: Mme ORIO
Avocat(s) : HANAU

Origine de la décision
Date de l'import : 02/01/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2017-12-28;17ve00202 ?
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