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15/03/2018 | FRANCE | N°17VE00246

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 15 mars 2018, 17VE00246


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 28 décembre 2010 par laquelle le maire de la commune de Garges-Lès-Gonesse lui a infligé un avertissement, ensemble la décision implicite rejetant sa demande de retrait de cette décision et de mettre à la charge de la commune de Garges-Lès-Gonesse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'a

nnuler la décision du 20 janvier 2011 par laquelle le maire de la commune de G...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 28 décembre 2010 par laquelle le maire de la commune de Garges-Lès-Gonesse lui a infligé un avertissement, ensemble la décision implicite rejetant sa demande de retrait de cette décision et de mettre à la charge de la commune de Garges-Lès-Gonesse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

II. M. A...B...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 20 janvier 2011 par laquelle le maire de la commune de Garges-Lès-Gonesse a prononcé son exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux jours, ensemble la décision implicite rejetant sa demande de retrait de cette décision et de mettre à la charge de la commune de Garges-Lès-Gonesse la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1104698-1105558 du 18 février 2013, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ces demandes.

Par un arrêt n° 13VE01190 du 19 juin 2014, la Cour a, sur appel de M.B..., annulé ce jugement et ces décisions.

Par une ordonnance n° 384239 du 17 janvier 2017, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de la commune de Garges-Lès-Gonesse annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la Cour administrative d'appel de Versailles.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et deux mémoires, enregistrés sous le n° 13VE01190, respectivement les 15 avril 2013, 30 mai 2014, 9 juin 2014, et, après cassation et renvoi, un mémoire enregistré sous le n° 17VE00246 le 28 juin 2017, M.B..., représenté par Me Boukheloua, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3° de mettre à la charge de la commune de Garges-Lès-Gonesse le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier, faute pour sa minute d'avoir été signée ;

- ce jugement est irrégulier pour être fondé sur le registre des arrêtés du maire de 2008 produit le jour de la clôture de l'instruction sans lui permettre d'apporter la contradiction ;

- les décisions contestées ont été signées par une autorité incompétente, la sous-préfecture n'ayant pu certifier le 17 janvier 2008 l'existence d'un arrêté de délégation signé le 27 mars 2008 ;

- le motif des sanctions n'est pas précisé puisqu'il ignore s'il a été sanctionné pour avoir refusé de recueillir des données sur ses empreintes digitales ou pour avoir refusé de " badger " ;

- aucun texte ni aucun principe n'impose à un agent de se soumettre à l'enrôlement du gabarit de ses doigts et à un contrôle biométrique de ses horaires ; il n'a pas refusé d'inscrire ses heures de présence ou de signer un registre de présence ;

- le traitement de données biométriques mis en oeuvre par la commune n'a fait l'objet d'aucune autorisation ;

- aucune délibération du conseil municipal n'autorise l'achat et l'installation d'une pointeuse biométrique ; sa mise en place ne repose sur aucun fondement légal ;

- le tribunal administratif a statué ultra petita en considérant qu'il aurait soutenu que le défaut de base légale des décisions contestées se déduit du fait que l'utilisation de la biométrie pour contrôler les horaires des agents constitue un moyen disproportionné ;

- l'utilisation de la biométrie pour contrôler les horaires des agents municipaux est disproportionnée ainsi qu'il ressort d'une délibération de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) du 20 septembre 2012 et ne repose sur aucun fondement légal ; cette technologie méconnaît le droit au respect de la vie privée protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et constitue une immixtion arbitraire dans sa vie privée au sens de l'article 17 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ; le système biométrique a en effet des incidences sur la vie privée dès lors que des données à caractère personnel, qui permettent l'identification des agents, révèlent soit individuellement, soit par leur regroupement, des éléments de la vie personnelle intime ;

- aucune information individuelle n'a été donnée aux agents en méconnaissance des dispositions de la loi du 6 janvier 1978 ; l'absence de sanction de la CNIL est sans incidence sur le non respect de cette formalité ;

- il existe un motif légitime de ne pas se soumettre à un traitement automatisé de ses empreintes digitales au sens de l'article 38 de la loi du 6 janvier 1978 dès lors qu'aucun texte n'oblige un agent à se soumettre à une telle technologie et qu'un tel système est disproportionné ainsi que l'a estimé la CNIL ;

- il n'a commis aucune faute en refusant d'exécuter un ordre manifestement illégal de nature à compromettre gravement un intérêt public, à savoir la violation d'une liberté publique et le droit, constitutionnellement garanti et dont la méconnaissance est pénalement sanctionnée, à la protection de la vie privée ;

- il s'en rapporte pour le surplus aux moyens développés en première instance.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- le code civil ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- la délibération de la Commission nationale de l'informatique et des libertés n° 2006-101 du 27 avril 2006 portant autorisation unique de mise en oeuvre de dispositifs biométriques reposant sur la reconnaissance du contour de la main et ayant pour finalités le contrôle d'accès ainsi que la gestion des horaires et de la restauration sur les lieux de travail (décision d'autorisation unique n° AU-007) ;

- la délibération de la Commission nationale de l'informatique et des libertés n° 2012-322 du 20 septembre 2012 portant autorisation unique de mise en oeuvre de traitements reposant sur la reconnaissance du contour de la main et ayant pour finalités le contrôle d'accès ainsi que la restauration sur les lieux de travail (décision d'autorisation unique n° AU-007) ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., pour la commune de Garges-Lès-Gonesse.

1. Considérant que, par un courrier du 7 décembre 2010, le maire de Garges-Lès-Gonesse a informé M.B..., adjoint technique principal de 1ère classe, de son intention de prendre à son encontre une sanction disciplinaire, celui-ci ayant refusé le 1er décembre 2010 l'enrôlement du gabarit de ses doigts lors de la mise en place d'un contrôle biométrique du temps de présence des agents de la commune ; que M. B...a fait l'objet d'un avertissement par une décision du 28 décembre 2010 pour n'avoir pas effectué les mesures de pointage de son temps de présence et manqué à son devoir d'obéissance hiérarchique ; que M. B...a présenté, en vain, un recours administratif à l'encontre de cette décision par un courrier du 3 février 2011 ; que l'intéressé ayant persisté dans son refus de se soumettre au contrôle biométrique de ses horaires de travail, le maire de Garges-Lès-Gonesse a pris à son encontre, par un arrêté du 20 janvier 2011, une sanction d'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux jours pour avoir refusé d'utiliser le système d'horodatage de ses horaires du 6 décembre 2010 au 4 janvier 2011 ; que M. B...a également présenté, en vain, un recours administratif à l'encontre de cette décision par un courrier du 2 mars 2011 ; qu'il a ensuite saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de demandes tendant à l'annulation de ces décisions, qui ont été rejetées par un jugement du 18 février 2013 ; que, sur appel de M. B..., la Cour a annulé ce jugement et ces décisions par un arrêt du 19 juin 2014 ; que, sur pourvoi de la commune de Garges-Lès-Gonesse, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la Cour par une décision du 17 janvier 2017 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe./ La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6./ Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que la commune de Garges-Lès-Gonesse a produit le 31 janvier 2013, jour de la clôture de l'instruction intervenue trois jours francs avant la date de l'audience en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative, un mémoire pour apporter la preuve, ainsi qu'il le lui avait été demandé par une mesure d'instruction du 25 janvier 2013, de l'affichage et de la publication de l'arrêté de délégation de fonctions et de signature à MmeD..., première adjointe, signataire des décisions attaquées ; que ce mémoire de production a été communiqué à M. B...par un courrier du même jour sans, toutefois, que la clôture de l'instruction soit reportée ; que M. B... a contesté la régularité des mesures de publicité de l'arrêté de délégation dans un mémoire parvenu au greffe après la clôture de l'instruction le 1er février 2013 et demandant au tribunal de rouvrir l'instruction s'il devait prendre en compte le mémoire de production de la commune de Garges-Lès-Gonesse ; que, pour écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des décisions attaquées, le jugement attaqué relève que l'arrêté de délégation du 27 mars 2008 a été transmis le 28 mars 2008 à la sous-préfecture de Sarcelles et inscrit au registre des arrêtés du maire de l'année 2008, lequel a été coté et paraphé par la sous-préfecture le 17 janvier 2008 ; que le jugement se fonde, par suite, sur le mémoire de production de la commune enregistré le jour de la clôture de l'instruction ; qu'en statuant ainsi, sans avoir, au préalable, rouvert l'instruction et laissé au requérant un délai suffisant pour présenter d'éventuelles observations, le tribunal a méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure ; que, dès lors, M. B...est fondé, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de régularité de ce jugement, à demander l'annulation du jugement attaqué ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les demandes présentées par M. B...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

En ce qui concerne la compétence :

5. Considérant que les décisions attaquées ont été signées par Mme E...D..., première adjointe au maire de Garges-Lès-Gonesse, qui disposait d'une délégation permanente " pour traiter toutes questions et signer tous documents et actes relevant des ressources humaines ", consentie par un arrêté du maire de la commune du 27 mars 2008 ; qu'une telle délégation inclut l'exercice du pouvoir disciplinaire ; que cet arrêté a été transmis le 28 mars 2008 à la sous-préfecture de Sarcelles et affiché en mairie ainsi qu'il ressort d'une attestation du maire du 29 janvier 2013 ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des sanctions attaquées doit être écarté ;

En ce qui concerne la motivation :

6. Considérant que la décision du 28 décembre 2010 portant avertissement à l'encontre de M. B...rappelle l'obligation qui lui est faite de se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique et aux mesures d'organisation du service ; qu'elle précise en outre que l'intéressé a refusé le 1er décembre 2010 de se soumettre à l'enrôlement du gabarit de ses doigts et qu'il n'effectue pas les mesures de badgeage destinées à contrôler le temps de présence des agents ; que l'arrêté portant exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux jours vise les textes applicables et précise qu'il est reproché à M. B...de ne pas utiliser le système de gestion des temps et que ce refus constitue un manquement à son obligation d'obéissance hiérarchique ; que ces sanctions ont ainsi été suffisamment motivées en fait et en droit ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante motivation des sanctions attaquées doit être écarté ;

En ce qui concerne la matérialité des faits :

7. Considérant que si le requérant soutient que les faits à l'origine des sanctions dont il a fait l'objet ne sont pas matériellement établis, il ressort néanmoins des pièces du dossier qu'il a refusé de procéder à l'enregistrement du gabarit de sa main permettant l'utilisation du dispositif de gestion du temps de présence des agents mis en oeuvre par la commune ; que, par ailleurs, il ne conteste pas sérieusement s'être soustrait au contrôle biométrique de ses horaires ; que par suite, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que le grief constitué par son refus de se soumettre au contrôle de son temps de présence par un dispositif biométrique utilisant la technologie de la reconnaissance du contour de la main, ne serait pas matériellement établi ; que la circonstance que les horaires de présence du requérant auraient été consignés sur un registre n'est pas de nature à remettre en cause l'exactitude matérielle des faits qui lui sont ainsi reprochés ;

En ce qui concerne le caractère manifestement illégal du dispositif de contrôle biométrique du temps de présence des agents :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 28 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Tout fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées. Il doit se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique, sauf dans le cas où l'ordre donné est manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public (...) " ;

9. Considérant que M. B...soutient qu'aucun manquement au devoir d'obéissance ne peut lui être reproché, dès lors qu'il a refusé de se soumettre à un ordre manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public ; qu'il fait valoir à cet égard que la mise en place d'un système de contrôle biométrique du temps de présence des agents de la commune, par un arrêté du maire de Garges-Lès-Gonesse du 11 octobre 2010, est dépourvue de toute base légale et qu'elle met en péril la défense du droit au respect de la vie privée, constitutionnellement garanti, et est ainsi contraire à un intérêt public ;

10. Considérant, toutefois, en premier lieu, que la mise en place d'un système biométrique de contrôle du temps de présence des agents communaux constitue une mesure d'organisation interne des services et de gestion des agents de la collectivité ; qu'une telle mesure relevant de la compétence du maire en qualité de chef des services municipaux, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au maire de Garges-Lès-Gonesse, contrairement à ce qui est soutenu, de solliciter l'autorisation préalable du conseil municipal pour sa création et sa mise en oeuvre ;

11. Considérant, en deuxième lieu, qu'en vertu des dispositions de l'article 25 de la loi susvisée du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, les traitements automatisés comportant des données biométriques nécessaires au contrôle de l'identité des personnes sont mis en oeuvre après autorisation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) ; qu'aux termes du préambule de la délibération susvisée du 27 avril 2006 de la CNIL (décision d'autorisation unique n° AU-007), en vigueur à la date de l'arrêté du 11 octobre 2010 : " La gestion des horaires et des contrôles d'accès aux locaux (...) peut s'effectuer grâce à la mise en oeuvre de traitements automatisés de données à caractère personnel reposant sur l'utilisation d'un dispositif de reconnaissance du contour de la main. Dès lors, de tels dispositifs relèvent de l'article 25 (8°) de la loi du 6 janvier 1978 modifiée qui soumet à autorisation les traitements comportant des données biométriques nécessaires au contrôle de l'identité des personnes./ Il y a lieu, en l'état des connaissances sur la technologie utilisée, de faire application des dispositions de l'article 25-II aux termes duquel les traitements qui répondent à une même finalité, portent sur des catégories de données identiques et les mêmes destinataires ou catégories de destinataires peuvent être autorisés par une décision unique de la commission. Le responsable de traitement mettant en oeuvre un dispositif reposant sur la reconnaissance du contour de la main dans le respect des dispositions de cette décision unique adresse à la commission un engagement de conformité de celui-ci aux caractéristiques de la présente autorisation./ Décide que les responsables de traitement qui adressent à la commission une déclaration comportant un engagement de conformité pour leurs traitements de données à caractère personnel répondant aux conditions fixées par la présente décision unique sont autorisés à mettre en oeuvre ces traitements. " ; qu'aux termes de l'article 1er de cette délibération, relatif aux finalités et caractéristiques techniques du traitement : " (...) peuvent faire l'objet d'un engagement de conformité en référence à la présente décision unique les traitements reposant sur un dispositif de reconnaissance du contour de la main, mis en oeuvre par les organismes privés ou publics (...) Ces traitements peuvent avoir pour finalités : (...) la gestion des horaires et des temps de présence (...) " ;

12. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en application des dispositions précitées de la délibération du 27 avril 2006, la commune de Garges-Lès-Gonesse a adressé à la CNIL, le 3 août 2010, une déclaration de conformité à l'autorisation unique n° AU-007 du traitement de données à caractère personnel reposant sur l'utilisation d'un dispositif de reconnaissance du contour de la main qu'elle mettait en place pour gérer les horaires et le temps de présence des agents ; que, par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la mise en place d'un contrôle biométrique des horaires des agents par l'arrêté du maire du 11 octobre 2010 est dépourvue de base légale, la commune de Garges-Lès-Gonesse démontrant qu'elle disposait d'une autorisation lui permettant le traitement de données à caractère personnel ;

13. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 32 de la loi susvisée du 6 janvier 1978 : " I - La personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant est informée, sauf si elle l'a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant : 1° De l'identité du responsable du traitement et, le cas échéant, de celle de son représentant ; 2° De la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées ; 3° Du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ; 4° Des conséquences éventuelles, à son égard, d'un défaut de réponse ; 5° Des destinataires ou catégories de destinataires des données ; 6° Des droits qu'elle tient des dispositions de la section 2 du présent chapitre (...) " ; qu'en vertu de ces dispositions, il incombe au responsable d'un traitement de données à caractère personnel de fournir à toute personne concernée par l'inscription de données dans ce traitement, dès leur enregistrement, l'ensemble des informations prévues au I de cet article 32, y compris quand ces données personnelles ne sont pas recueillies auprès de la personne directement concernée elle-même ; que les obligations du responsable du traitement de données ne sont toutefois relatives qu'aux modalités concrètes de fonctionnement de ce dernier et leur méconnaissance ne peut avoir, à elle seule, pour effet de rendre la décision administrative instaurant ce traitement inopposable aux personnes concernées par le recueil des données personnelles ;

14. Considérant que le requérant soutient qu'un tel système de contrôle par biométrie ne pouvait être mis en place sans une information individuelle préalable, une telle obligation ayant été rappelée à deux reprises à la commune par des courriers de la CNIL des 21 mars 2011 et 31 août 2011 ; que, toutefois, à supposer que le devoir d'information individuelle n'ait pas été respecté par la commune de Garges-Lès-Gonesse, il résulte de ce qui vient d'être dit qu'un tel manquement aux obligations de la loi du 6 janvier 1978 ne peut avoir, à lui seul, pour effet de rendre la décision administrative instaurant ce traitement inopposable aux personnes concernées par le recueil des données personnelles ;

15. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article 38 de la même loi : " Toute personne physique a le droit de s'opposer, pour des motifs légitimes, à ce que des données à caractère personnel la concernant fassent l'objet d'un traitement. Elle a le droit de s'opposer, sans frais, à ce que les données la concernant soient utilisées à des fins de prospection, notamment commerciale, par le responsable actuel du traitement ou celui d'un traitement ultérieur. Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque le traitement répond à une obligation légale ou lorsque l'application de ces dispositions a été écartée par une disposition expresse de l'acte autorisant le traitement " ;

16. Considérant que M. B...soutient que, s'il est disposé à signaler ses horaires de présence par le biais d'un pointage écrit ou d'une badgeuse, il est opposé à ce que des données à caractère personnel inhérents à son épiderme ou à son corps fassent l'objet d'un traitement automatisé, aucun texte ne l'imposant et la mise en place d'un système de contrôle biométrique constituant une atteinte à sa vie privée, dont le respect constitue un droit protégé constitutionnellement et garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 17 du pacte international relatif aux droits civils et politiques et l'article 9 du code civil ; que, toutefois, le requérant se borne à se prévaloir de considérations générales tendant à remettre en cause la mise en oeuvre d'un système de contrôle biométrique du temps de présence des agents mis en place légalement par la collectivité et n'apporte aucun élément précis relatif à sa situation particulière de nature à caractériser l'existence d'un motif légitime de s'opposer à ce que des données à caractère personnel le concernant fassent l'objet d'un traitement ; que si, ainsi que le requérant le fait valoir, la CNIL a estimé, par une délibération n° 2012-322 du 20 septembre 2012, que l'utilisation de la biométrie aux fins de contrôle des horaires constitue un moyen disproportionné d'atteindre cette finalité, l'article 10 de cette délibération a cependant imparti aux organismes privés et publics ayant effectué un engagement de conformité à l'autorisation unique n° 7 du 27 avril 2006, un délai de cinq ans à compter de la publication de cette délibération pour mettre en conformité leur traitement ; que, dans ces conditions, l'atteinte au droit au respect de la vie privée résultant de la mise en oeuvre d'un système de contrôle biométrique du temps de présence des agents autorisé antérieurement, n'est pas telle qu'elle constituerait un motif légitime de s'opposer à ce que des données à caractère personnel les concernant fassent l'objet d'un traitement ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'établit pas que l'obligation qui lui a été faite de se soumettre au système de contrôle biométrique du temps de présence mis en place par la commune de Garges-Lès-Gonesse a constitué un ordre manifestement illégal et de nature à compromettre gravement un intérêt public, auquel il pouvait légalement refuser de se soumettre ;

En ce qui concerne le caractère disproportionné des sanctions :

18. Considérant qu'aux termes de l'article 89 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes : Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée maximale de trois jours (...) " ;

19. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier qu'en refusant d'enregistrer le gabarit de ses doigts et d'utiliser le dispositif biométrique de contrôle du temps de présence des agents mis en place par la commune, M. B...a refusé de se conformer aux instructions qui lui étaient données et a ainsi commis une faute de nature à justifier une sanction ; que ni l'avertissement qui lui a été infligé, qui constitue la sanction du premier groupe la moins sévère qui puisse être prononcée, ni l'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de deux jours prise à son encontre, motivée par la persistance du comportement fautif de l'intéressé, ne peuvent être regardés comme disproportionnés au regard des fautes reprochées à l'intéressé, alors même qu'il n'a pas reçu une information individuelle concernant la mise en place d'un contrôle biométrique des horaires, cette mise en place ayant notamment fait l'objet d'une information préalable auprès des organisations syndicales le 6 septembre 2010, d'un examen en comité technique paritaire le 24 septembre 2010 et d'une note interne diffusée à tous les agents le 9 novembre 2010 ;

En ce qui concerne le détournement de pouvoir :

20. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions attaquées ont été prises dans l'unique but de contraindre M. B...à se soumettre à l'enregistrement du gabarit de ses doigts et non pour sanctionner son refus de se conformer aux instructions de son supérieur hiérarchique et aux mesures d'organisation du service ; que le moyen tiré de l'existence d'un détournement de pouvoir et de procédure doit, par suite, être écarté ;

21. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B...doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la commune de Garges-Lès-Gonesse, qui n'est pas la partie perdante, verse une quelconque somme à M. B...de ce chef ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées sur le même fondement par la commune de Garges-Lès-Gonesse ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1104698-1105558 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 18 février 2013 est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par M. B...devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 17VE00246 9


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00246
Date de la décision : 15/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Droits civils et individuels.

Fonctionnaires et agents publics - Discipline - Motifs - Faits de nature à justifier une sanction.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : SCP GARRIGUES BEAULAC ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 20/03/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-03-15;17ve00246 ?
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