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29/03/2018 | FRANCE | N°16VE01616

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 29 mars 2018, 16VE01616


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

1° d'annuler la décision de rejet implicite résultant du silence gardé par la société

La Poste sur la demande qu'il lui a adressée le 8 octobre 2013 et tendant à la reconstitution de sa carrière ;

2° de condamner la société La Poste à lui verser la somme de 8 089,13 euros représentative des pertes de traitement qu'il a subies du fait de l'absence de reconstitution de sa carrière, assortie du versement des cotisa

tions de retraite y afférentes ;

3° de condamner la société La Poste à lui verser la somme de 1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...D...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise :

1° d'annuler la décision de rejet implicite résultant du silence gardé par la société

La Poste sur la demande qu'il lui a adressée le 8 octobre 2013 et tendant à la reconstitution de sa carrière ;

2° de condamner la société La Poste à lui verser la somme de 8 089,13 euros représentative des pertes de traitement qu'il a subies du fait de l'absence de reconstitution de sa carrière, assortie du versement des cotisations de retraite y afférentes ;

3° de condamner la société La Poste à lui verser la somme de 10 000 euros en raison du retard pris dans la reconstitution de sa carrière ;

4° de condamner la société La Poste à lui verser la somme de 65 881,07 euros en raison du préjudice financier lié à la minoration de sa pension de retraite qu'il subit depuis le

1er janvier 2006 ;

5° d'enjoindre à la société La Poste de reconstituer sa carrière à compter du

1er janvier 1995 et de le promouvoir dans le corps des conducteurs de travaux de la distribution et de l'acheminement au grade de conducteur de travaux, 8ème échelon avec une ancienneté acquise d'un an et neuf mois au 1er janvier 1995.

Par un jugement n° 1401493 du 31 mars 2016, le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a condamné la société La Poste à verser à M. D...une somme de 15 000 euros.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée sous le n° 16VE01616 le 31 mai 2016, et un mémoire en réplique, enregistré le 4 septembre 2017, M.D..., représenté par Me Bineteau, avocat, demande à la Cour :

1° de réformer le jugement en tant seulement qu'il a refusé de faire droit aux conclusions tendant à la reconstitution de sa carrière, au versement d'une somme représentant la perte de traitement et accessoires à ce traitement induit par cette reconstitution et à l'indemnisation du préjudice qu'il a subi du fait du retard pris pour reconstituer sa carrière ;

2° d'annuler la décision de rejet implicite tendant à la reconstitution de sa carrière et à l'indemnisation de ses préjudices ;

3° d'enjoindre à La Poste de reconstituer sa carrière en le réintégrant au 8ème échelon du grade de conducteur de travaux avec une ancienneté acquise d'un an et neuf mois, à compter du 1er janvier 1995 et de rétablir rétroactivement les promotions d'échelons jusqu'au

1er janvier 2006 ;

4° de condamner La Poste à lui verser la somme de 8 089,13 euros représentative de la perte de traitement et des accessoires à ce traitement induite par cette reconstitution après l'avoir indexée sur l'évolution annuelle du point d'indice, assortie du versement des cotisations de retraite y afférentes ;

5° de condamner La Poste à lui verser la somme de 10 000 euros en raison du retard pris dans la reconstitution de sa carrière ;

6° de mettre à la charge de La Poste le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la reconstitution de sa carrière est nécessaire par l'application directe de la jurisprudence " E... " du 26 décembre 1925 en raison de l'illégalité ayant eu une incidence sur sa carrière à compter de 1993, sans que soit nécessaire l'annulation préalable d'un acte dont l'exigence entraînerait une inégalité de traitement injustifiée entre agents situés dans une situation similaire ;

- la reconstitution de sa carrière est nécessaire dans le cadre de l'établissement rétroactif de listes d'aptitude dès lors qu'il s'est déjà vu reconnaître une perte de chance sérieuse de promotion au grade de conducteur de travaux dès 1993 par la juridiction administrative ;

- au 1er janvier 1995 par voie de conséquence de la reconstitution de sa carrière, il doit lui être attribué rétroactivement le grade de conducteur de travaux au 8ème échelon, à l'indice

brut 440 et une ancienneté acquise d'un an et neuf mois et les avancements d'échelon jusqu'en octobre 2013 au 13ème échelon ;

- un agent subissant une perte de chance sérieuse d'avancement a droit aux rappels de traitement rétroactivement réévalués sur la base du grade résultant de la reconstitution de carrière, ainsi qu'au versement de la cotisation correspondante au service des pensions de retraite de La Poste et de France Télécom ;

- La Poste devait procéder rétroactivement à sa promotion et à la reconstitution de sa carrière à la suite de l'arrêt du 17 décembre 2010 de la cour de céans ; La Poste a donc commis une faute de nature à engager sa responsabilité, et il doit donc être indemnisé des préjudices subis du fait du retard pris pour la reconstitution de carrière pour un montant de 10 000 euros.

.....................................................................................................................

II. Par une requête enregistrée sous le n° 16VE01618 le 27 mai 2016, La Poste, représentée par Me Bellanger, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de M.D... ;

3° de mettre à la charge de M. D...le versement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé, La Poste ayant fait valoir que le fait générateur tiré de l'absence de reconstitution de carrière étant distinct de celui de l'arrêt de la cour de céans du 17 décembre 2010, il convenait de se prononcer sur son caractère fautif ; le Tribunal a omis de répondre à ce moyen opérant ;

- le contentieux n'est lié que par le fait générateur de l'absence de reconstitution de carrière ; le Tribunal en retenant une responsabilité à raison du blocage de la carrière a dénaturé les écritures, commis une erreur de droit et statué ultra petita ;

- le préjudice de retraite avait été examiné par l'arrêt de la cour de céans du 17 décembre 2010 lors de l'évaluation globale du préjudice matériel ; ce préjudice ne présentait aucun caractère éventuel à la date de l'arrêt, M. D...étant à la retraite depuis le 1er janvier 2006 ; de même la cour s'était nécessairement prononcée sur l'indemnisation de la perte de chance sérieuse d'avancement quant à la retraite de l'agent ; le montant de l'indemnisation allouée montre que la cour a nécessairement indemnisé le préjudice de retraite ;

- la créance était prescrite en vertu des dispositions du code civil issues de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 depuis le 19 juin 2013 alors que la demande préalable n'a été présentée que le 8 octobre 2013 ;

- le déroulement fictif de carrière est erroné, ainsi le montant du préjudice n'est pas justifié ; le montant du préjudice est excessif en ne tenant par exemple pas compte des prélèvements sociaux.

.....................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Geffroy,

- les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public,

- et les observations de MeC..., substituant Me Bineteau, pour M. D...et de MeB..., substituant Me Bellanger, pour La Poste.

1. Considérant que M.D..., fonctionnaire de l'administration des postes et télécommunications depuis 1971 puis de La Poste a été admis à faire valoir ses droits à la retraite, le 1er janvier 2006 ; que par un arrêt n° 09VE00101 du 17 décembre 2010, devenu définitif, la Cour de céans a jugé, sur la demande de M. D...tendant à condamner La Poste et l'Etat à lui verser solidairement la somme de 112 000 euros en réparation des préjudices subis en raison du blocage de sa carrière, qu'il avait subi une perte de chance sérieuse d'être promu dans le grade de conducteur de travaux distribution-acheminement de la Poste à compter de 1995, si des promotions dans ce corps avaient été organisées au bénéfice des fonctionnaires " reclassés " après 1993, et a condamné solidairement l'Etat et la Poste à lui verser une indemnité de 22 000 euros en réparation du préjudice de carrière résultant de cette perte de chance et a écarté l'indemnisation d'un préjudice professionnel distinct du préjudice de carrière ainsi indemnisé ; que le 8 octobre 2013, M. D... a demandé au président de La Poste de reconstituer sa carrière en le réintégrant rétroactivement au 8ème échelon, avec une ancienneté acquise d'un an et neuf mois, du grade de conducteur de travaux, à compter du 1er janvier 1995, de rétablir rétroactivement les promotions d'échelons jusqu'au 1er janvier 2006, de lui verser diverses indemnités d'un montant total de 83 970,20 euros réparant les préjudices qu'il estime avoir subis du fait de la perte de traitement et des accessoires à ce traitement, du retard mis par la Poste à procéder à cette reconstitution et de la minoration de sa retraite ; que devant le silence gardé par La Poste, il a saisi le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, qui, par un jugement du

31 mars 2016, a condamné La Poste à verser à M. D... une somme de 15 000 euros en réparation du préjudice lié à la minoration de la pension de retraite ; que M. D... relève appel de ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions tendant à la reconstitution de sa carrière et à l'indemnisation par une somme de 18 089,13 euros des pertes de traitement et du retard pris dans la reconstitution de sa carrière ; que La Poste relève appel de ce jugement en tant qu'il a fait partiellement droit à la demande de M. D... en la condamnant à l'indemniser d'un préjudice lié à la minoration de la pension de retraite par une somme de 15 000 euros et en mettant à sa charge une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2. Considérant que les requêtes d'appel présentées par M. D... et La Poste sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de joindre les requêtes pour statuer par un seul arrêt ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant que La Poste a fait valoir en défense devant le Tribunal que la condition relative à l'engagement de sa responsabilité ne pouvait être regardée comme satisfaite, dès lors que M. D... n'ayant aucun droit à la reconstitution de sa carrière, elle n'avait pas commis de faute, ni d'" illégalité propre à engager sa responsabilité " en ne procédant pas à cette reconstitution ; que le Tribunal a, après avoir écarté l'exception tirée de l'autorité de chose jugée par l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Versailles du 17 décembre 2010, condamné

La Poste à verser à M. D... une somme de 15 000 euros sans répondre à ce moyen en défense, qui n'était pas inopérant ; que, pour ce motif, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité, La Poste est fondée à demander l'annulation du jugement en tant qu'il statue sur les conclusions de M. D...relatives à la minoration de la pension de retraite ;

4. Considérant qu'il y a lieu, pour la cour, de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur ces conclusions et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions d'appel présentées par M. D...;

Sur l'évocation et la demande tendant à condamner La Poste à indemniser le préjudice financier lié à la minoration de la pension de retraite ;

5. Considérant, d'une part, qu'il ne résulte ni d'une loi, ni de l'arrêt de la Cour de céans du 17 décembre 2010 indemnisant M. D...de la perte de chance sérieuse d'accéder au grade de conducteur de travaux distribution-acheminement, ni de la décision du Conseil d'Etat " M. E... " du 26 décembre 1925 jugeant des mesures qu'il incombe à l'administration de prendre à la suite d'une annulation contentieuse en matière de fonction publique, ni de la décision du Conseil d'Etat n° 304438 du 11 décembre 2008 jugeant illégal le refus de modifier les dispositions statutaires concernant les fonctionnaires " reclassés " de la Poste afin de mettre en place des dispositifs de promotion interne, ni de la décision du Conseil d'Etat n° 372041 du 3 juillet 2015 jugeant de la mise en oeuvre illégale de tableaux d'avancement distincts dans un corps, que, par dérogation au principe de non-rétroactivité des actes administratifs, une décision rétroactive devait nécessairement être prise, en exécution de ces arrêts, pour reconstituer la carrière du requérant ou régulariser sa situation par l'établissement rétroactif de listes d'aptitude ; que si M. D...se prévaut de la reconstitution rétroactive de carrière obtenue par des fonctionnaires ayant obtenu l'annulation juridictionnelle d'une décision, il n'est pas dans ce cas et il ne résulte pas de l'instruction que des agents placés dans la même situation que lui auraient bénéficié de mesures plus favorables ; que, par suite, M. D...n'est pas fondé à soutenir que la décision implicite par laquelle le président de La Poste a rejeté la demande de M. D...tendant à la reconstitution de sa carrière serait entachée d'une illégalité fautive ;

6. Considérant, d'autre part, que la demande présentée au titre du préjudice résultant de l'indice auquel a été liquidée la pension de retraite de M. D...est en lien direct avec celle relative au blocage de carrière ; que l'arrêt n° 09VE00101 de la Cour de céans du

17 décembre 2010, passé en force de chose jugée, a déjà condamné La Poste et l'Etat à indemniser M. D...des préjudices subis du fait du blocage de sa carrière en raison de l'absence fautive de toute promotion interne avant le 14 décembre 2009 dans le cadre des corps de " reclassement " ; que si M. D...invoque la perte de chance d'une meilleure retraite, il ne résulte pas de l'instruction que La Poste aurait commis des agissements fautifs distincts de cette faute déjà indemnisée au titre de la perte de chance ; qu'ainsi, la demande présentée par M. D...porte sur le même préjudice que celui pour lequel il a déjà été indemnisé ; qu'elle ne constitue pas une aggravation de ce préjudice qui serait apparue postérieurement à l'arrêt précité ; que, par suite, La Poste est fondée à opposer l'exception de la chose jugée par la cour à la demande de M.D... ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède aux points 5 et 6 que la demande tendant à condamner La Poste à indemniser le préjudice financier lié à la minoration de la pension de retraite doit être rejetée ; qu'ainsi La Poste est fondée à demander l'annulation des articles premier et deux du jugement du 31 mars 2016 du Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise ;

Sur l'effet dévolutif :

8. Considérant qu'il résulte de ce qui a été jugé au point 5 que la décision implicite par laquelle le président de La Poste a rejeté la demande de M. D...tendant à la reconstitution de sa carrière n'est pas entachée d'une illégalité fautive ; que, par suite, M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses conclusions tendant à ce que La Poste soit condamnée à réparer les préjudices résultant du refus implicite de reconstitution rétroactive de sa carrière ;

Sur l'injonction :

9. Considérant que le présent arrêt, qui rejette l'ensemble des conclusions de M. D..., n'appelle aucune mesure particulière en vue d'en assurer l'exécution ; que les conclusions en injonction présentées par l'intéressé doivent ainsi, par voie de conséquence, être rejetées ;

Sur les frais liés au litige :

10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que La Poste, qui n'est pas la partie perdante tant en première instance qu'en appel, verse à M. D...la somme que celui-ci réclame au titre des frais qu'il a exposés ; qu'il n'y a pas davantage lieu de mettre à la charge de M. D...la somme que réclame, au même titre, La Poste, tant en première instance qu'en appel ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 1er et 2 du jugement n° 1401493 du 31 mars 2016 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise sont annulés.

Article 2 : La demande de M. D...relative à la minoration de la retraite et les conclusions d'appel de M. D...ainsi que ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions de La Poste présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 16VE01616... 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE01616
Date de la décision : 29/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-13-03 Fonctionnaires et agents publics. Contentieux de la fonction publique. Contentieux de l'indemnité.


Composition du Tribunal
Président : M. GUÉVEL
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: Mme RIBEIRO-MENGOLI
Avocat(s) : SELARL HORUS AVOCATS ; SELARL HORUS AVOCATS ; SCP GRANRUT AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-03-29;16ve01616 ?
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