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29/03/2018 | FRANCE | N°16VE02953

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 29 mars 2018, 16VE02953


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public Voies navigables de France a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la liquidation de l'astreinte de 50 euros par jour de retard et ressortant à la somme de 7 500 euros à la date du 10 décembre 2014, mise à la charge de

M. B...C...au titre de la période allant du 16 février 2014 au 16 juillet 2014, en exécution du jugement n° 1105736 du 25 novembre 2013 du même Tribunal enjoignant à l'intéressé de procéder à l'enlèvement de son bateau hors du

domaine public fluvial dans un délai de deux mois, sous astreinte de 50 euros par jo...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'établissement public Voies navigables de France a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise de prononcer la liquidation de l'astreinte de 50 euros par jour de retard et ressortant à la somme de 7 500 euros à la date du 10 décembre 2014, mise à la charge de

M. B...C...au titre de la période allant du 16 février 2014 au 16 juillet 2014, en exécution du jugement n° 1105736 du 25 novembre 2013 du même Tribunal enjoignant à l'intéressé de procéder à l'enlèvement de son bateau hors du domaine public fluvial dans un délai de deux mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1411842 du 18 juillet 2016, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a liquidé l'astreinte en mettant à la charge de M. C...le versement de la somme de 7 300 euros à payer à l'établissement public Voies navigables de France.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 19 septembre 2016, le 12 octobre 2016, le 5 août 2017 et le 22 janvier 2018, M.C..., représenté par Me Normand, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de mettre à la charge de l'établissement public Voies navigables de France le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'astreinte n'a pas couru dès lors que le jugement n° 1105736 du 25 novembre 2013 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ne lui est pas opposable, à défaut de lui avoir été régulièrement signifié ;

- l'astreinte n'est pas fondée : l'établissement public Voies navigables de France n'a pris aucune mesure, en particulier aucune mise en demeure, afin de lui faire quitter le domaine public fluvial ; la situation d'occupation ne porte pas une atteinte grave à un intérêt public et ne présente pas un danger pour la sécurité des personnes et des biens ; la commune de Bezons a expressément demandé l'extension de la zone de stationnement que l'établissement public Voies navigables de France a créée par décision du 20 avril 2017 ; cette ville, l'établissement public Voies navigables de France et les habitants des bateaux-logements se sont engagés dans une démarche contractuelle tendant à la régularisation de la situation de ces derniers ; il a régularisé sa situation financière et va mettre en conformité le dispositif d'amarrage ; une convention d'occupation temporaire va être prochainement signée ;

- le taux d'astreinte de 50 euros par jour de retard est excessif.

.....................................................................................................................

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de procédure civile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Guével,

- les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., substituant Me D...pour l'établissement public Voies navigables de France.

1. Considérant que M. C...est propriétaire d'un bateau qui est stationné sans droit ni titre sur le domaine public fluvial au PK 40 sur le territoire de la commune de Bezons (Val d'Oise) ; que les faits constitutifs d'une contravention de grande voirie ont été constatés par procès-verbal le 30 mars 2011 sur le fondement des dispositions de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques ; que, saisi par l'établissement public Voies navigables de France, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, par un jugement n° 1105736 du 25 novembre 2013, devenu définitif, enjoint à l'intéressé de procéder à l'enlèvement de son bateau hors du domaine public fluvial dans un délai de deux mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; que l'établissement public Voies navigables de France a demandé au même tribunal de prononcer la liquidation de l'astreinte de 50 euros par jour de retard et ressortant à la somme de 7 500 euros à la date du 10 décembre 2014, mise à la charge de M. C...au titre de la période allant du 16 février 2014 au 16 juillet 2014 ; que, par le jugement n° 1411842 du 18 juillet 2016, dont M. C...relève appel, le magistrat désigné du tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'a condamné à payer à l'établissement public Voies navigables de France la somme de 7 300 euros au titre de l'astreinte précitée ;

Sur la fin de non-recevoir opposée par l'établissement public Voies navigables de France :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 811-13 du code de justice administrative : " Sauf dispositions contraires prévues par le présent titre, l'introduction de l'instance devant le juge d'appel suit les règles relatives à l'introduction de l'instance de premier ressort définies au livre IV. Sont de même applicables les dispositions des livres VI et VII. " ; qu'aux termes de l'article R. 411-1 du même code : " La juridiction est saisie par requête. La requête indique les nom et domicile des parties. Elle contient l'exposé des faits et moyens, ainsi que l'énoncé des conclusions soumises au juge. L'auteur d'une requête ne contenant l'exposé d'aucun moyen ne peut la régulariser par le dépôt d'un mémoire exposant un ou plusieurs moyens que jusqu'à l'expiration du délai de recours. " ; que, dans sa requête enregistrée le 19 septembre 2016, M. C... demande l'annulation du jugement du 18 juillet 2016 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et soutient que l'astreinte ne lui est pas opposable et n'est pas fondée ; qu'ainsi, contrairement aux allégations de l'établissement public Voies navigables de France, la requête d'appel de l'intéressé, qui contient l'énoncé des conclusions soumises au juge d'appel et l'exposé de moyens, même s'ils sont succincts, répond aux exigences des dispositions combinées des articles R. 411-1 et R. 811-13 du code de justice administrative et n'était pas tardive ; que, par suite, la fin de non-recevoir ne saurait être accueillie ;

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 774-6 du code de justice administrative, le jugement rendu en matière de contravention de grande voirie est notifié aux parties, à leur domicile réel, dans la forme administrative par les soins des autorités compétentes mentionnées à l'article L. 774-2, sans préjudice du droit de la partie de le faire signifier par acte d'huissier de justice ; qu'aux termes de l'article 655 du code de procédure civile : " Si la signification à personne s'avère impossible, l'acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence. L'huissier de justice doit relater dans l'acte les diligences qu'il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l'impossibilité d'une telle signification. La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire. La copie ne peut être laissée qu'à condition que la personne présente l'accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité. L'huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l'avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise. " ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'établissement public Voies navigables de France a fait signifier à M. C...par acte d'huissier de justice le jugement du 25 novembre 2013 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise prononçant à l'encontre de l'intéressé une astreinte de 50 euros par jour de retard ; que du fait de l'absence de l'intéressé à son domicile, l'huissier de justice a laissé au domicile de M. C... un avis de passage daté du 20 décembre 2013 et comportant les mentions légales l'avertissant de la remise de la copie à son étude et mentionnant la nature de l'acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise ; que, dans ces conditions, le jugement précité doit être regardé comme ayant été régulièrement signifié à l'intéressé le 20 décembre 2013 selon d'une des formes alternatives de notification prévues à l'article L. 774-6 du code de justice administrative ; que, par suite, le moyen tiré de l'absence d'opposabilité du jugement du 25 novembre 2013 prononçant l'astreinte en litige ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant que, lorsqu'il qualifie de contravention de grande voirie des faits d'occupation irrégulière d'une dépendance du domaine public, il appartient au juge administratif, saisi d'un procès-verbal accompagné ou non de conclusions de l'administration tendant à l'évacuation de cette dépendance, d'enjoindre au contrevenant de libérer sans délai le domaine public et, s'il l'estime nécessaire et au besoin d'office, de prononcer une astreinte ; que lorsqu'il a prononcé une astreinte dont il a fixé le point de départ, le juge administratif doit se prononcer sur la liquidation de l'astreinte, en cas d'inexécution totale ou partielle ou d'exécution tardive ; qu'il peut, le cas échéant, modérer l'astreinte provisoire ou la supprimer, même en cas d'inexécution de la décision juridictionnelle ; qu'il peut notamment la supprimer pour le passé et l'avenir, lorsque la personne qui a obtenu le bénéfice de l'astreinte n'a pas pris de mesure en vue de faire exécuter la décision d'injonction et ne manifeste pas l'intention de la faire exécuter ou lorsque les parties se sont engagées dans une démarche contractuelle révélant que la partie bénéficiaire de l'astreinte n'entend pas poursuivre l'exécution de la décision juridictionnelle, sous réserve qu'il ne ressorte pas des pièces du dossier qui lui est soumis qu'à la date de sa décision, la situation que l'injonction et l'astreinte avaient pour objet de faire cesser porterait gravement atteinte à un intérêt public ou ferait peser un danger sur la sécurité des personnes ou des biens ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, si M. C...n'a accompli aucune diligence pour exécuter le jugement du 25 novembre 2016 prononçant l'astreinte en litige, l'établissement public Voies navigables de France a décidé le 20 avril 2017 de créer une zone de stationnement supplémentaire sur la commune de Bezons et d'autoriser le stationnement de huit péniches ; que, dans cette perspective, un projet de " charte des bateaux logements " a été élaboré ; que, par un courrier du 15 décembre 2017, l'établissement public Voies navigables de France a indiqué à l'intéressé qu'une convention d'occupation temporaire lui sera délivrée après régularisation de sa situation financière et mise en conformité du dispositif d'amarrage du bateau ; que le solde des indemnités de stationnement encore dues était en cours de règlement par voie de prélèvement bancaire automatique ; que, dans ces conditions, les parties doivent être regardées comme s'étant engagées dans une démarche contractuelle révélant que l'établissement public Voies navigables de France, bénéficiaire de l'astreinte, après qu'il a fait établir un nouveau procès-verbal d'infraction le 16 juillet 2014, n'entend pas poursuivre, à la date du présent arrêt, l'exécution de la décision juridictionnelle prononçant l'astreinte à l'encontre de

M.C... ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, et n'est pas allégué, qu'à la date du présent arrêt, la situation d'occupation illégale du domaine public que l'injonction et l'astreinte ont pour objet de faire cesser porterait gravement atteinte à un intérêt public ou présenterait un danger pour la sécurité des personnes ou des biens ; qu'en conséquence, il y a lieu de supprimer l'astreinte provisoire prononcée à l'encontre de M. C...; qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise a, par le jugement attaqué, liquidé l'astreinte ;

Sur les frais liés au litige :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.C..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que l'établissement public Voies navigables de France demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement public Voies navigables de France le versement de la somme que M. C...demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1411842 du 18 juillet 2016 du Tribunal administratif de

Cergy-Pontoise est annulé.

Article 2 : L'astreinte de 7 300 euros prononcée à l'encontre de M. C...par le jugement du 25 novembre 2013 est supprimée.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

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N° 16VE02953


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE02953
Date de la décision : 29/03/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

54-06-07-01-04 Procédure. Jugements. Exécution des jugements. Astreinte. Liquidation de l'astreinte.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: M. Benoist GUÉVEL
Rapporteur public ?: Mme RIBEIRO-MENGOLI
Avocat(s) : C.J. ALAIN BOT, YANNICK NORMAND ET MARIE-PASCALE CREN ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 10/04/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-03-29;16ve02953 ?
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