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07/06/2018 | FRANCE | N°17VE02192

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 07 juin 2018, 17VE02192


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...E...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté du 9 mai 2017 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a ordonné son transfert vers l'Allemagne, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour par lequel ledit préfet l'a assigné à résidence, d'autre part, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me D..., de la somme de 2 000 euros sur

le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice adminis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G...E...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler l'arrêté du 9 mai 2017 par lequel le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a ordonné son transfert vers l'Allemagne, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile, et l'arrêté du même jour par lequel ledit préfet l'a assigné à résidence, d'autre part, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation, enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me D..., de la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1703982 du 15 mai 2017, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil, d'une part, a annulé les arrêtés du 9 mai 2017 du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, d'autre part, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. E... et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer l'attestation de demande d'asile prévue à l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de quinze jours à compter de la notification du jugement, enfin, a mis à la charge de l'Etat le versement à son conseil, Me D..., de la somme de 800 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou, dans le cas où le bénéfice de l'aide juridictionnelle ne lui serait pas définitivement accordée, le versement à M. E...de cette somme.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juillet 2017, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. E... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que la décision de transfert en litige était intervenue au terme d'une procédure irrégulière au regard des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ; en effet, il justifie, par les pièces produites, que M. E...s'est vu remettre les informations prévues par ces dispositions, dans une langue que ce dernier a déclaré comprendre ;

- le signataire de cette décision disposait d'une délégation de signature à cet effet ;

- cette décision, qui mentionne les considérations de droit et de fait qui la fondent, est suffisamment motivée ;

- les informations prévues par les dispositions de l'article 29 du règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ont été remises à M.E..., dans une langue qu'il a déclaré comprendre ;

- l'entretien individuel du 15 décembre 2016 s'est déroulé dans le respect des exigences de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, cet entretien ayant été effectué par un agent de la préfecture, avec l'assistance d'un interprète en langue bengali, qui lui a permis de communiquer sans difficulté ; en outre, M. E... s'est vu remettre une copie du compte-rendu de l'entretien individuel ;

- les articles 7 et suivants du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ont été respectés ;

- la décision de transfert en litige est exempte d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- M. E...n'a fourni aucun élément quant aux risques qu'il encourrait dans le cas d'un transfert vers l'Allemagne, notamment quant au traitement de sa demande d'asile ; ainsi, la décision de transfert en litige n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations des articles 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, des dispositions de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'intéressé ne peut utilement invoquer à l'encontre d'une décision de transfert ;

- la notification de la décision de transfert en litige a été effectuée conformément aux dispositions de l'article 26, paragraphe 3, du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision d'assignation à résidence en litige, qui mentionne les considérations de droit et de fait qui la fondent, est suffisamment motivée ;

- cette décision est exempte d'erreur manifeste d'appréciation ;

- M. E...a reçu l'information prévue par les dispositions des articles L. 561-2-1 et R. 561-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. d'Haëm a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS relève appel du jugement du 15 mai 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé son arrêté du 9 mai 2017 ordonnant le transfert de M. E..., ressortissant bangladais né le 9 octobre 1998, vers l'Allemagne, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile, et son arrêté du même jour assignant l'intéressé à résidence pour une durée de quarante-cinq jours ;

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un État membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un État membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'État membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un État membre peut mener à la désignation de cet État membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune ainsi qu'une brochure spécifique pour les mineurs non accompagnés, contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les États membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux États membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. " ;

3. Considérant que, pour établir que les informations prescrites par les dispositions précitées ont été remises, le 15 décembre 2016, à M.E..., le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a produit devant le tribunal administratif, d'une part, le compte-rendu de l'entretien individuel dont l'intéressé a bénéficié le même jour, avec le concours d'un interprète, document comportant sa signature et par lequel il a certifié avoir reçu communication du " guide du demandeur d'asile " et " l'information sur les règlements communautaires ", d'autre part, la première page de la brochure A intitulée " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et la première page de la brochure B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", ces deux documents, rédigés en langue bengali, langue que l'intéressé a déclaré comprendre, et qui correspondent aux modèles figurant à 1'annexe X du règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 susvisé, modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014, comportant la date du 15 décembre 2016 et la signature de M. E... ; que, par la production de ces documents, l'autorité préfectorale justifie, de manière suffisante, avoir remis à l'intéressé les informations prescrites par les dispositions précitées ; que, par suite, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé, au motif qu'il serait intervenu au terme d'une procédure irrégulière ayant privé M. E...d'une garantie, son arrêté ordonnant le transfert de l'intéressé vers l'Allemagne, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile, et, par voie de conséquence, son arrêté l'assignant à résidence ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le Tribunal administratif de Montreuil ;

Sur la légalité de la décision de transfert :

5. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 2 février 2017, publié au recueil des actes administratifs de l'Etat dans le département du même jour, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a donné délégation à Mme C...A..., cheffe du bureau de l'asile, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme F...B..., directrice des migrations et de l'intégration, à l'effet de signer, notamment, les décisions de remise à un Etat membre de l'Union européenne ; que, par suite, le moyen tiré de ce que Mme C...A...n'aurait pas été compétente pour signer la décision de transfert en litige manque en fait et doit être écarté ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 susvisé, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun ; que le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cette obligation d'information est inopérant à l'encontre de la décision en litige ordonnant le transfert de M. E... vers l'Allemagne, Etat désigné comme responsable de l'examen de sa demande d'asile ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. / (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / (...) 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. " ;

8. Considérant, d'une part, qu'en admettant même que, comme le soutient M.E..., une copie du compte-rendu de l'entretien individuel dont il a bénéficié le 15 décembre 2016 ne lui a pas été remise à l'issue de cet entretien, ce compte-rendu, qui a été produit par l'autorité préfectorale tant en première instance qu'en appel, a été soumis au débat contradictoire dans des conditions permettant à l'intéressé de contester utilement son contenu ou les modalités de cet entretien individuel ;

9. Considérant, d'autre part, qu'il ressort des pièces du dossier et qu'il n'est pas sérieusement contesté que, lors de l'entretien individuel du 15 décembre 2016, M. E... a été en mesure, avec le concours d'un interprète et sans difficulté, de comprendre qu'il était placé en procédure dite " Dublin ", de répondre aux questions posées et de fournir ainsi toutes les informations pertinentes afin, notamment, de déterminer l'Etat membre responsable de sa demande d'asile, compte tenu notamment de son parcours, l'intéressé ayant indiqué avoir séjourné en Grèce, puis en Allemagne et en Suède, pays dans lesquels il a soutenu n'avoir pas sollicité l'asile, avant de gagner la France ;

10. Considérant qu'il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté ;

11. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. " ;

12. Considérant que la seule circonstance que l'autorité préfectorale n'a pas joint à la décision de transfert en litige l'accord du 7 février 2017 des autorités allemandes pour une reprise en charge de M.E..., ne saurait permettre de regarder cette décision comme insuffisamment motivée au regard des exigences des dispositions précitées ;

13. Considérant, en cinquième lieu, qu'à supposer que M.E..., en faisant état de ce qu'il n'a pas sollicité l'asile en Allemagne où il a séjourné moins de cinq mois, ait entendu invoquer l'application erronée du critère ayant permis de déterminer cet Etat comme responsable de sa demande d'asile, il n'assortit ses affirmations d'aucune précision permettant d'apprécier la portée et, par suite, le bien-fondé de ce moyen ;

14. Considérant, en sixième lieu, que, pour pouvoir procéder au transfert d'un demandeur d'asile vers un autre Etat membre en mettant en oeuvre le 1 de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé, et en l'absence de dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile organisant une procédure différente, l'autorité administrative doit obtenir l'accord de l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile avant de pouvoir prendre une décision de transfert du demandeur d'asile vers cet Etat ; qu'une telle décision de transfert ne peut donc être prise, et a fortiori être notifiée à l'intéressé, qu'après l'acceptation de la prise en charge par l'Etat requis ;

15. Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort des pièces du dossier et, notamment, des éléments produits par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS que les autorités allemandes, qui ont été saisies le 3 février 2017 d'une demande de l'autorité préfectorale tendant à la reprise en charge de M.E..., ont donné leur accord, par un courrier du 7 février suivant, à cette réadmission ; que, par suite, le moyen tiré de ce que les autorités allemandes n'auraient pas été saisies d'une telle demande ou n'auraient pas donné leur accord à cette demande manque en fait et ne peut qu'être écarté ;

16. Considérant, en septième lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...). " ; que les autorités françaises doivent assurer la mise en oeuvre de cette clause dérogatoire à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution aux termes duquel " les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif " ;

17. Considérant que, contrairement à ce que soutient le requérant, il ressort des pièces du dossier et, en particulier, de la motivation de la décision attaquée du 9 mai 2017 que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a procédé à l'examen particulier de sa situation personnelle au regard des dispositions précitées, avant d'ordonner son transfert vers l'Allemagne ; qu'au demeurant, le requérant ne fait état d'aucun élément propre à sa situation personnelle qui aurait été susceptible de justifier que les autorités françaises procèdent, de manière dérogatoire, à l'examen de sa demande d'asile ; que, par suite, en s'abstenant de faire usage tant de la possibilité d'examiner, sur le fondement du second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, sa demande d'asile qui ne relève pas de la responsabilité de la France, que de la clause dérogatoire prévue par l'article 17, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'a commis aucune erreur de droit, ni aucune erreur manifeste d'appréciation ;

18. Considérant, en huitième lieu, qu'aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. " ;

19. Considérant que M.E..., qui se borne à soutenir que son transfert vers l'Allemagne, pays confronté à une " situation exceptionnelle d'afflux de réfugiés ", ne lui garantirait pas un traitement équitable de sa demande d'asile et l'exposerait à un renvoi vers son pays d'origine où il craint de subir des traitements inhumains ou dégradants, n'apporte aucune précision, ni aucun élément de nature à démontrer que sa situation et, en particulier, sa demande d'asile ne seraient pas traitées par les autorités allemandes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée aurait été prise en méconnaissance des dispositions précitées ou des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;

20. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert " est notifiée à l'intéressé. Elle mentionne les voies et délais de recours ainsi que le droit d'avertir ou de faire avertir son consulat, un conseil ou toute personne de son choix. Lorsque l'intéressé n'est pas assisté d'un conseil, les principaux éléments de la décision lui sont communiqués dans une langue qu'il comprend ou dont il est raisonnable de penser qu'il la comprend. " ; qu'aux termes de l'article L. 111-8 du même code : " Lorsqu'il est prévu aux livres II, V et VI et à l'article L. 742-2 du présent code qu'une décision ou qu'une information doit être communiquée à un étranger dans une langue qu'il comprend, cette information peut se faire soit au moyen de formulaires écrits, soit par l'intermédiaire d'un interprète. L'assistance de l'interprète est obligatoire si l'étranger ne parle pas le français et qu'il ne sait pas lire. / En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger. " ;

21. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et, notamment, des mentions manuscrites figurant sur la décision de transfert en litige que cette mesure a été notifiée par un agent de la préfecture à M. E..., le 9 mai 2017, avec l'assistance, par téléphone, d'un interprète en langue bengali de l'association Inter Service Migrants Interprétariat, agréée, en dernier lieu, par une décision du ministre de l'intérieur en date du 7 mars 2017 ; que, par ailleurs, ni le fait que le nom de l'interprète n'a pas été indiqué à l'intéressé, ni la circonstance que l'autorité préfectorale ne justifie pas de la nécessité, lors de cette notification, de recourir à l'assistance d'un interprète par l'intermédiaire d'un moyen de télécommunication, ne permettent de considérer que M. E...aurait été, dans les circonstances de l'espèce, effectivement privé d'une garantie ; qu'à cet égard, le requérant n'allègue pas qu'il n'aurait pas compris les principaux éléments de la décision qui lui ont été ainsi communiqués, ni que les modalités de cette notification auraient été de nature à l'empêcher de faire usage de ses droits, qu'il a, au demeurant, exercés, en présentant, dès le 10 mai suivant, une requête auprès du Tribunal administratif de Montreuil ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées de l'article L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit, en tout état de cause, être écarté ;

Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :

22. Considérant, d'une part, qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision assignant M. E... à résidence doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation de la décision ordonnant son transfert vers l'Allemagne ne peut qu'être écarté ;

23. Considérant, d'autre part, qu'aux termes du I de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...). / Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois (...). " ; qu'aux termes de cet article L. 561-1 : " (...) L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie (...). " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application (...) de l'article L. 561-2 (...) est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés. " ;

24. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par la décision attaquée, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a fixé le lieu de résidence de M. E... dans une structure d'hébergement gérée par la société Adoma, située à Aubervilliers, a déterminé le département de la Seine-Saint-Denis comme périmètre dans lequel l'intéressé est autorisé à circuler et l'a astreint à se présenter une fois par semaine, d'une part, le mardi à 11h00 et sur son lieu de résidence, aux fonctionnaires de police dépêchés sur place afin de s'assurer de sa présence, d'autre part, le jeudi à 14h00, aux services de la préfecture, à Bobigny, afin de permettre le suivi de la procédure dite " Dublin " dont il fait l'objet ; que le requérant ne saurait sérieusement soutenir que ces modalités d'assignation à résidence porteraient une atteinte excessive à ses droits de circuler et d'organiser sa défense ; qu'à cet égard, alors que M. E..., contrairement à ce qu'il soutient, ne présente aucune garantie de représentation suffisante, l'intéressé, connu sous plusieurs identités différentes, ne justifiant d'aucun lieu de résidence effective et permanente, la mesure d'assignation à résidence en litige n'a ni pour objet, ni pour effet de faire obstacle à ce qu'il organise sa défense, au besoin avec le concours d'un conseil ou d'une tierce personne, et, en particulier, à ce qu'il présente un recours contre cette mesure et sollicite le cas échéant, sur le fondement des dispositions du III de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la désignation d'office d'un avocat par le président du tribunal administratif ; qu'en outre, si M. E...a entendu faire rédiger son recours avec l'assistance d'une association située à Paris, choix qui lui est propre, la mesure en litige prévoit expressément que l'intéressé peut sortir du département de la Seine-Saint-Denis moyennant une autorisation préfectorale ; qu'il suit de là qu'en assignant à résidence M. E... selon les modalités rappelées ci-dessus, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS n'a pas entaché la décision attaquée d'une erreur d'appréciation ;

25. Considérant, enfin, qu'aux termes de l'article L. 561-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les étrangers assignés à résidence sur le fondement des articles L. 552-4 et L. 561-2 se voient remettre une information sur les modalités d'exercice de leurs droits, sur les obligations qui leur incombent et, le cas échéant, sur la possibilité de bénéficier d'une aide au retour. " ; qu'aux termes de l'article R. 561-5 du même code : " L'étranger auquel est notifiée une assignation à résidence en application de l'article L. 552-4 ou de l'article L. 561-2 est informé de ses droits et obligations par la remise d'un formulaire à l'occasion de la notification de la décision par l'autorité administrative ou, au plus tard, lors de sa première présentation aux services de police ou de gendarmerie. / Ce formulaire, dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre de l'intérieur, rappelle les droits et obligations des étrangers assignés à résidence pour la préparation de leur départ. Il mentionne notamment les coordonnées locales de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, le droit de l'étranger de communiquer avec son consulat et les coordonnées de ce dernier, ainsi que le droit de l'étranger d'informer l'autorité administrative de tout élément nouveau dans sa situation personnelle susceptible d'intéresser sa situation administrative. Il rappelle les obligations résultant de l'obligation de quitter le territoire français et de l'assignation à résidence ainsi que les sanctions encourues par l'étranger en cas de manquement aux obligations de cette dernière. / Ce formulaire est traduit dans les langues les plus couramment utilisées désignées par un arrêté du ministre chargé de l'immigration. " ;

26. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées que la remise du formulaire d'information sur les droits et obligations des étrangers assignés à résidence s'effectue à l'occasion de la notification de la décision d'assignation à résidence ou, au plus tard, lors de la première présentation de l'étranger aux services de police ou de gendarmerie ; qu'ainsi, les éventuelles irrégularités entachant cette formalité, postérieure à la décision d'assignation à résidence, sont, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de cette décision, qui s'apprécie à la date de son édiction ; que, par suite, M. E...ne peut utilement invoquer les dispositions précitées à l'encontre de la décision en litige ;

27. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil a annulé ses arrêtés du 9 mai 2017 ordonnant le transfert de M. E... vers l'Allemagne et l'assignant à résidence et lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé et, dans l'attente de ce réexamen, de lui délivrer une attestation de demande d'asile, dans le délai de quinze jours ; que, dès lors, les conclusions présentées par M. E...tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Les articles 2 à 4 du jugement n° 1703982 en date du 15 mai 2017 du magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Montreuil sont annulés.

Article 2 : La demande de M. E... présentée devant le Tribunal administratif de Montreuil et ses conclusions présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

10

N° 17VE02192


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02192
Date de la décision : 07/06/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

.

Étrangers - Séjour des étrangers - Restrictions apportées au séjour - Assignation à résidence.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Rudolph D'HAËM
Rapporteur public ?: Mme MEGRET
Avocat(s) : MIR

Origine de la décision
Date de l'import : 12/06/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-06-07;17ve02192 ?
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