La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

06/11/2018 | FRANCE | N°18VE01463

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 06 novembre 2018, 18VE01463


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1801224 du 3 avril 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :



Par une requête, enregistrée le 27 avril 2018, M. A..., représenté par Me Alaimo, avocat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1801224 du 3 avril 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 avril 2018, M. A..., représenté par Me Alaimo, avocate, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer dans une autorisation provisoire de séjour dans cette attente ;

4° de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une insuffisance de motivation, en ce qu'il ne répond pas au moyen tiré de défaut de saisine de la commission du titre de séjour, en tant que sa demande était présentée, à titre subsidiaire, sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté attaqué est intervenu en méconnaissance des dispositions de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en l'absence de saisine de la commission du titre de séjour ;

- il est également intervenu en méconnaissance des dispositions des articles R. 5221-11 et R. 5221-15 du code du travail, faute pour le préfet d'avoir transmis à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation sa demande d'autorisation de travail ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et celles du point 2.3.3 du protocole signé entre ces deux Etats le 28 avril 2008 ;

- il méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;

- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 ;

- le code du travail ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Livenais,

- et les observations de Me Alaimo, avocat de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant tunisien né le 12 juin 1988, relève appel du jugement du 3 avril 2018 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 janvier 2018 du préfet de la Seine-Saint-Denis refusant de lui délivrer un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office à l'expiration de ce délai.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Le tribunal administratif, en jugeant, d'une part, que M. A...ne satisfaisait pas aux conditions prévues pour la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour du droit d'asile et que, d'autre part, faute pour l'intéressé de satisfaire aux conditions d'obtention des titres de séjour qu'il sollicitait, le préfet de la Seine-Saint-Denis n'était pas tenu de saisir la commission du titre de séjour de sa situation, a ainsi nécessairement statué sur le moyen tiré de ce que le préfet avait entaché l'arrêté contesté d'un vice de procédure en s'abstenant de saisir cette commission en ce que M. A...sollicitait un titre de séjour sur le fondement des dispositions susmentionnées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il a ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, suffisamment motivé son jugement sur ce point.

Sur la légalité de l'arrêté attaqué :

3. En premier lieu, aux termes des stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention "salarié". ". L'article 11 du même accord précise que : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. ". L'article 2.3.3. du protocole relatif à la gestion concertée des migrations annexé à l'accord-cadre du 28 avril 2008, entré en vigueur le 1er juillet 2009 stipule pour sa part que : " Le titre de séjour portant la mention "salarié", prévu par le premier alinéa de l'article 3 de l'Accord du 17 mars 1988 modifié, est délivré à un ressortissant tunisien en vue de l'exercice, sur l'ensemble du territoire français, de l'un des métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I du présent Protocole, sur présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité française compétente sans que soit prise en compte la situation de l'emploi. Cette liste peut être modifiée par échange de lettres entre les deux Parties. / Les deux Parties s'engagent à conjuguer leurs efforts afin de faciliter chaque année la délivrance du titre de séjour mentionné à l'alinéa précédent à 3 500 ressortissants tunisiens. ". Enfin, les dispositions de l'article R. 5221-15 du code du travail précisent que : " Lorsque l'étranger est déjà présent sur le territoire national, la demande d'autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est adressée au préfet de son département de résidence ".

4. En outre, L'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7.(...) ".

5. Portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaire prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée. Il fixe ainsi, notamment, les conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France au titre d'une activité salariée. Dès lors que l'article 3 de l'accord franco-tunisien prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant tunisien souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-tunisien, au sens de l'article 11 de cet accord. Toutefois, si l'accord franco-tunisien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, il y a lieu d'observer que ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un titre de séjour à un ressortissant tunisien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.

6. M. A...soutient que le préfet des Hauts-de-Seine, en procédant à l'examen de sa demande de titre de séjour en tant qu'elle reposait sur l'existence d'une demande d'autorisation de travail présentée à son profit par la société Immo Confort pour l'exercice d'un emploi de couvreur, a méconnu les stipulations de l'article 3 de l'accord franco-tunisien précité ainsi que celles du point 2.3.3. du protocole d'accord signé le 28 avril 2008. Toutefois, et à supposer qu'il ait introduit sa demande de titre de séjour, comme il l'affirme, sur le fondement de ces stipulations, leur application demeure conditionnée à la présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité compétente. Or, il est constant que le requérant, qui, au surplus, ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français, ne disposait pas d'un tel contrat. Le préfet des Hauts-de-Seine n'a donc, en tout état de cause, pas méconnu ces stipulations en refusant à M. A...la délivrance d'un titre de séjour.

7. En outre, et contrairement à ce que soutient M.A..., il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas d'une capture d'écran du site de la préfecture de la Seine-Saint-Denis qui ne fait aucune référence à sa situation personnelle, qu'il aurait transmis à l'appui de sa demande de titre de séjour une demande d'autorisation de travail souscrite par son employeur ou un contrat de travail. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet des Hauts-de-Seine aurait entaché sa décision d'un vice de procédure au regard des dispositions de l'article R. 5221-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en s'abstenant de transmettre de tels documents au service de la main-d'oeuvre étrangère de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi en vue de recueillir son avis doit également être écarté en tout état de cause.

8. En troisième lieu, il ressort, d'une part, des pièces du dossier qu'en dépit des déclarations de M. A...selon lesquelles il serait entré en France au mois de janvier 2011, que sa présence sur le territoire national n'est avérée qu'à compter de l'année 2015. En outre, l'intéressé est célibataire et sans enfant et si son frère, son oncle et sa tante, et ses cousins sont établis sur le territoire français, il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine ou avoir noué sur le territoire national des relations d'une intensité particulière. Dans ces conditions, le préfet des Hauts-de-Seine a pu légalement estimer qu'il ne justifiait pas de l'existence de circonstances exceptionnelles ou de motifs humanitaires de nature à permettre sa régularisation au titre de la vie privée et familiale. D'autre part, et alors même que M. A...a produit quinze bulletins de salaires mensuels et non onze comme l'indique l'arrêté litigieux, il ne justifie pas d'une activité professionnelle suffisamment stable ou pérenne qui aurait dû conduire le préfet des Hauts-de-Seine, dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire de régularisation, à délivrer à titre exceptionnel un titre de séjour à l'intéressé en sa qualité de salarié. En lui refusant une régularisation sur ces deux terrains, le préfet n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation.

9. Il se déduit de ce que qui précède que le préfet des Hauts-de-Seine n'a commis aucune erreur de droit dans l'application du 7° de l'article L. 313-11 du code de justice administrative, eu égard aux éléments propres à la situation personnelle et familiale de M.A....

10. En quatrième lieu, M. A...ne remplissant pas, en l'espèce, les conditions pour l'obtention d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Hauts-de-Seine n'était pas tenu, contrairement à ce qu'il soutient, de consulter la commission du titre de séjour prévue par l'article L. 312-2 du même code avant de prendre la décision de refus de titre de séjour contestée.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales relatif au droit au respect de la vie privée et familiale : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

12. Pour les motifs de fait exposés précédemment, le refus de séjour opposé à M. A...ne porte pas, en l'espèce, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le requérant ne peut donc soutenir que le refus de séjour qui lui est opposé méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

13. En sixième lieu, dans la mesure où M. A...n'établit pas que le refus de délivrance d'un titre de séjour qui lui est opposé serait entaché d'illégalité, il n'est pas fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire français, devrait être annulée par voie de conséquence d'une telle illégalité.

14. Enfin, en septième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment des termes de l'arrêté attaqué, que le préfet de la Seine-Saint-Denis a tenu compte des circonstances propres à la situation individuelle de M. A...avant de prendre à son encontre l'arrêté contesté. Le moyen tiré du défaut d'examen de sa situation personnelle, dirigé contre la seule décision portant obligation pour l'intéressé de quitter le territoire français, doit donc être écarté.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

4

N° 18VE01463


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE01463
Date de la décision : 06/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Textes applicables.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Règles de procédure contentieuse spéciales.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yann LIVENAIS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : LUMBROSO

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-11-06;18ve01463 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award