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20/11/2018 | FRANCE | N°16VE00503

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 20 novembre 2018, 16VE00503


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. H...G..., A...E..., F...B...et C...D...ont demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 13 août 2012 par lequel les maires des communes de Longjumeau et de Morangis (Essonne) ont interdit la circulation des véhicules terrestres à moteur sur le chemin rural " voie de Corbeil " dans sa portion comprise entre la rue du Moulin et l'autoroute A6.

Par un jugement n° 1206414 du 21 décembre 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure

devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 février 2016 et ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

MM. H...G..., A...E..., F...B...et C...D...ont demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 13 août 2012 par lequel les maires des communes de Longjumeau et de Morangis (Essonne) ont interdit la circulation des véhicules terrestres à moteur sur le chemin rural " voie de Corbeil " dans sa portion comprise entre la rue du Moulin et l'autoroute A6.

Par un jugement n° 1206414 du 21 décembre 2015, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 février 2016 et 13 juillet 2017, MM. G..., E..., B...etD..., représentés par Me Haddad, avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et l'arrêté du 13 août 2012 des maires des communes de Longjumeau et Morangis ;

2° de mettre à la charge solidaire des communes de Longjumeau et Morangis la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de les condamner in solidum aux entiers dépens de l'appel et de première instance.

Ils soutiennent que :

- les premiers juges ont procédé à un renversement de la charge de la preuve dès lors qu'il appartenait aux communes de démontrer que le chemin litigieux fait partie de leur domaine privé ;

- l'interdiction de circulation est générale et absolue et n'est pas justifiée par un motif de sécurité d'une exceptionnelle gravité ;

- l'interdiction est disproportionnée au regard des objectifs de sécurité publique allégués et porte atteinte à leur liberté de circulation, à leur droit de propriété et à leur droit au respect à la vie privée et familiale protégés par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses premier et quatrième protocoles additionnels ;

- les maires des communes concernées disposaient d'autres alternatives pour lutter contre les risques allégués ; les premiers juges ont omis de répondre sur ce point ;

- l'arrêté est entaché de détournement de pouvoir.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses premier et quatrième protocoles additionnels ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Besson-Ledey,

- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 13 août 2012, les maires des communes de Longjumeau et Morangis ont interdit la circulation des véhicules terrestres à moteur sur le chemin rural " voie de Corbeil " dans sa portion comprise entre la rue du moulin à Longjumeau et l'autoroute A6, propriété privée des communes de Longjumeau et Morangis. MM.G..., E..., B...etD..., propriétaires indivis d'une parcelle cadastrée n° 30 voie de Corbeil, Lieudit " Les Gravières " à Longjumeau, ont saisi le Tribunal administratif de Versailles d'une demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par jugement du 21 décembre 2015, dont ils relèvent appel, le tribunal a rejeté leur demande.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des motifs mêmes du jugement attaqué que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de ce que les communes disposaient de moyens moins restrictifs pour assurer la conservation du chemin rural ou assurer la sécurité des usagers en en limitant l'usage à certains véhicules seulement, en relevant que le chemin n'était pas praticable pour des véhicules terrestres à moteur ordinaires.

Sur la légalité de l'arrêté en litige :

3. Aux termes de l'article L. 161-1 du code rural et de la pêche maritime : " Les chemins ruraux sont les chemins appartenant aux communes, affectés à l'usage du public, qui n'ont pas été classés comme voies communales. Ils font partie du domaine privé de la commune. ". Aux termes de l'article L. 161-2 du même code : " L'affectation à l'usage du public est présumée, notamment par l'utilisation du chemin rural comme voie de passage ou par des actes réitérés de surveillance ou de voirie de l'autorité municipale. (...) ". Aux termes de l'article L. 161-3 du même code : " Tout chemin affecté à l'usage du public est présumé, jusqu'à preuve du contraire, appartenir à la commune sur le territoire de laquelle il est situé. ". Aux termes de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime : " L'autorité municipale est chargée de la police et de la conservation des chemins ruraux ". Et aux termes enfin de l'article D. 161-10 du même code : " Dans le cadre des pouvoirs de police prévus à l'article L. 161-5, le maire peut, d'une manière temporaire ou permanente, interdire l'usage de tout ou partie du réseau des chemins ruraux aux catégories de véhicules et de matériels dont les caractéristiques sont incompatibles avec la constitution de ces chemins, et notamment avec la résistance et la largeur de la chaussée ou des ouvrages d'art. ".

4. Il ressort des pièces du dossier que le chemin rural en cause est utilisé comme voie de passage et regardé par les maires des communes de Longjumeau et Morangis, qui en ont interdit la circulation des véhicules à moteur, comme un chemin affecté à l'usage du public. Dès lors que ce chemin est affecté à l'usage du public, il doit être présumé, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 161-3 du code rural et de la pêche maritime, comme appartenant aux communes de Longjumeau et Morangis. Ce chemin constituant une voie dépendant du domaine privé communal ouverte à la circulation publique, les maires des communes de Longjumeau et Morangis étaient en droit d'y exercer les pouvoirs de police qu'ils tiennent des dispositions précitées.

5. Il ressort de la combinaison des dispositions précitées qu'il appartient au maire de faire usage de son pouvoir de police en réglementant et, au besoin, en interdisant de façon temporaire ou permanente la circulation des engins et matériels sur les chemins ruraux dès lors que de telles mesures de restriction sont rendues nécessaires afin de garantir la conservation de la chaussée et de prévenir les risques de dégradation de celle-ci. En interdisant à tous véhicules autres que ceux des services communaux, de secours ou de forces de l'ordre, l'utilisation du chemin rural situé " voie de Corbeil ", alors que d'importants travaux de décaissement sauvages réalisés sans autorisation ont laissé d'importantes ornières et trous pouvant atteindre jusqu'à 80 centimètres, ainsi qu'il ressort du procès-verbal de constat du 16 avril 2012, et fragilisé les fondations des clôtures des propriétés privées en bordure du chemin, les maires des communes de Longjumeau et Morangis ont entendu empêcher une utilisation dommageable de la voie. Eu égard à l'état de dégradation très importante du chemin, impraticable tant par des véhicules terrestres légers en raison de l'importance des décaissements, que par des véhicules de plus gros gabarit sans détériorations supplémentaires, les maires des communes concernées, qui ne sont pas tenus à une obligation d'entretien des chemins ruraux, ont pu en interdire la circulation des véhicules terrestres à moteur, exception faite des véhicules des services communaux, de secours ou de forces de l'ordre. Ainsi, alors même que la mesure ne serait pas justifiée par des motifs de sécurité d'une exceptionnelle gravité, il ressort des pièces du dossier que les maires des communes de Longjumeau et Morangis auraient pris la même décision s'ils n'avaient retenu que le seul motif relatif à la conservation de la voie pour prendre l'arrêté litigieux. En conséquence, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'interdiction serait disproportionnée au regard du but poursuivi de protection du chemin et aurait ainsi porté une atteinte excessive à leur liberté d'aller et venir ;

6. Si les requérants font valoir que l'interdiction de circulation sur la portion en cause du chemin rural aurait pour effet d'enclaver leur propriété, ils ne justifient pas de la nécessité d'y accéder par un véhicule à moteur en raison d'une destination spécifique de cette parcelle qui ne supporte ni habitation ni exploitation et alors que les communes font valoir que la destination du chemin, avant que des véhicules y circulent et le dégradent, était piétonne.

7. Si les requérants font valoir que l'interdiction de circulation porte une atteinte excessive à leur droit au respect à leur vie privée et familiale, protégé par la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses premier et quatrième protocoles additionnels, ils n'apportent pas de précisions suffisantes à l'appui de leurs moyens permettant au juge d'en apprécier le bien-fondé.

8. S'il appartient au maire de faire usage de son pouvoir de police afin de réglementer et, au besoin, d'interdire la circulation sur les chemins ruraux et s'il lui incombe de prendre les mesures propres à assurer leur conservation, les dispositions de l'article L. 161-5 du code rural et de la pêche maritime n'ont, par elles-mêmes, ni pour objet ni pour effet de mettre à la charge des communes une obligation d'entretien de ces voies. Le moyen tiré de ce que l'arrêté litigieux serait entaché de détournement de pouvoir en ce que les maires des communes concernées n'entretiendraient pas le chemin en cause ne peut qu'être écarté.

9. Il résulte de tout ce qui précède que MM.G..., E..., B...et D...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

10. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge des communes de Longjumeau et de Morangis, qui ne sont pas les parties perdantes, la somme demandée par MM. G..., E..., B...et D...au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge solidaire de MM.G..., E..., B...et D...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, le versement aux communes de Longjumeau et de Morangis d'une somme respective de 1 000 euros.

11. Aucun dépens n'ayant été exposé, les conclusions présentées par MM. G..., E..., B...et D...tendant au paiement de dépens ne peuvent être que rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de MM.G..., E..., B...et D...est rejetée.

Article 2 : MM.G..., E..., B...et D...verseront solidairement la somme de 1 000 euros respectivement aux communes de Longjumeau et de Morangis au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

N° 16VE00503 4


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE00503
Date de la décision : 20/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-01 Police. Police générale. Circulation et stationnement.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Laurence BESSON-LEDEY
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : SELARL HADDAD-MOUTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 27/11/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-11-20;16ve00503 ?
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