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18/12/2018 | FRANCE | N°17VE01256

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 18 décembre 2018, 17VE01256


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS ETMB a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, en premier lieu, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2008 au 31 août 2011, en deuxième lieu, à titre principal, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, et, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le reha

ussement de l'impôt sur les sociétés serait confirmé, la réduction des cotisations i...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS ETMB a demandé au Tribunal administratif de Montreuil, en premier lieu, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui ont été mis à sa charge au titre de la période du 1er octobre 2008 au 31 août 2011, en deuxième lieu, à titre principal, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, et, à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où le rehaussement de l'impôt sur les sociétés serait confirmé, la réduction des cotisations initiales d'impôt sur les sociétés dont elle s'est acquittée au titre de l'exercice clos en 2011 à raison de la déduction de son revenu imposable des sommes correspondant à des retenues de garantie non rétrocédées à ses sous-traitants et inscrites par elle à l'actif du bilan de cet exercice, et, en troisième et dernier lieu, la décharge des amendes qui lui ont été infligées sur le fondement du I de l'article 1737 du code général des impôts et de l'article 1759 du même code.

Par un jugement n° 1510644 du 20 février 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 avril 2017, 26 janvier 2018 et 18 mars 2018, la SAS ETMB, représentée par Me Delot, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la décharge des impositions ainsi que des amendes litigieuses ;

3° subsidiairement, de prononcer la restitution partielle des cotisations initiales d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2011 ;

3° de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 7 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est recevable à demander la réduction des cotisations d'impôt sur les sociétés dont elle s'est acquittée au titre de l'exercice clos en 2011, dans la mesure où elle a présenté cette demande lors de sa réclamation préalable contre les impositions supplémentaires auxquelles elle a été assujettie ;

- la taxe sur la valeur ajoutée grevant les achats d'abonnements et de places auprès du Paris-Saint-Germain Football club était déductible, dans la mesure où ces dépenses ont été engagées dans le cadre de la promotion commerciale de la société et, par suite, pour les besoins de ses opérations imposables ;

- l'administration fiscale ne démontre pas que les factures émises par plusieurs de ses sous-traitants seraient des factures de complaisance ; elle justifie de la réalité des prestations en cause ainsi que de l'inscription comptable de ces dépenses au bénéfice des sociétés ayant émis ces factures ; elle n'était pas, en tout état de cause, informée de l'encaissement de ces règlements par des tiers ;

- les créances constituées de retenues de garantie détenues sur des sociétés radiées au registre du commerce et des sociétés en 2010 ne devaient pas être considérées comme définitivement irrécouvrables dans la mesure où l'action en reprise des créanciers impayés, prévue par l'article L. 643-13 du code de commerce, n'était pas prescrite à la clôture de l'exercice clos au 30 septembre 2010 et n'avaient ainsi pas à être réintégrées dans l'actif de la société au titre de l'impôt sur les sociétés pour l'année 2010 ;

- dans l'hypothèse où serait admise la réintégration des retenues de garantie litigieuses à l'actif du bilan de clôture de l'exercice clos en 2010, elle devra être dégrevée, afin d'éviter une double imposition, de la fraction de l'impôt sur les sociétés qu'elle a réglé au titre de l'exercice clos en 2011 pour un montant équivalent à celui mis à sa charge au titre de l'exercice clos en 2010 consécutivement à la réintégration de ces retenues de garantie dans le résultat imposable de cette année, dans la mesure où elle justifie avoir inscrit les sommes en cause à l'actif de son bilan clos en 2011 et avoir été imposée sur ces sommes au titre de ce même exercice ;

- l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts n'a pas à être appliquée puisque, d'une part, les distributions litigieuses n'ont pas donné lieu à rehaussement des bénéfices de la société et que, d'autre part, elle a communiqué avec une précision suffisante l'identité du bénéficiaire de ces distributions ;

- l'amende prévue au I de l'article 1737 du code général des impôts n'a pas à être appliquée puisque les factures n'étaient pas de complaisance.

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de commerce ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Livenais,

- et les conclusions de M. Huon, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La SAS ETMB, qui a pour activité la réalisation de travaux de menuiserie, s'est vue notifier, par deux propositions de rectification en date des 7 décembre 2011 et 15 mai 2012, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er octobre 2007 au 30 septembre 2010, étendue jusqu'au 31 août 2011 ainsi que des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2009 et 2010. Elle s'est également vu notifier, par les mêmes propositions de rectification, l'application des amendes fiscales prévues par le I de l'article 1737 du code général des impôts et l'article 1759 du même code. La SAS ETMB relève appel du jugement du 20 février 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires et de ces amendes, ainsi, subsidiairement, qu'à la restitution des cotisations initiales d'impôt sur les sociétés dont elle s'est acquittée au titre de l'exercice clos en 2011, en ce qu'elles se rapportent à l'intégration dans son résultat imposable du montant de retenues de garantie définitivement acquises et dont l'administration fiscale estime qu'elles devaient être réintégrées au résultat de la société au titre de l'exercice clos en 2010.

Sur la fin de non-recevoir opposée en défense par le ministre de l'action et des comptes publics s'agissant des cotisations primitives d'impôt sur les sociétés acquittées au titre de l'exercice clos en 2011 :

2. Aux termes de l'article R.196-1 du livre des procédures fiscales : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : a) De la mise en recouvrement du rôle ou de la notification d'un avis de mise en recouvrement ; /b) Du versement de l'impôt contesté lorsque cet impôt n'a pas donné lieu à l'établissement d'un rôle ou à la notification d'un avis de mise en recouvrement ; /c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation(...)". En outre, aux termes de l'article R. 196-3 du même livre : " Dans le cas où un contribuable fait l'objet d'une procédure de reprise ou de rectification de la part de l'administration des impôts, il dispose d'un délai égal à celui de l'administration pour présenter ses propres réclamations ".

3. Par une réclamation préalable du 19 décembre 2014, la SAS ETMB a demandé tant la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge au titre de la période correspondant aux exercices clos en 2008, 2009 et 2010, ainsi que des pénalités correspondantes, que la réduction des cotisations initiales d'impôt sur les sociétés qu'elle a payées au titre de l'exercice clos en 2011 dans le cas où les redressements contestés viendraient à être confirmés, au motif qu'elle serait, dans un tel cas, doublement imposée au titre de l'intégration dans son revenu imposable de retenues de garantie opérées sur plusieurs de ses sous-traitants et dont ces derniers n'avaient pas demandé la libération. S'agissant d'une année au titre de laquelle la SAS ETMB n'avait pas fait l'objet d'une procédure de reprise, celle-ci ne pouvait, comme elle le soutient, présenter de demande en décharge au titre de l'exercice clos en 2011 dans le délai de prescription spécial prévu par l'article R. 196-3 du livre des procédures fiscales. En revanche, à la date de présentation de la réclamation préalable, cette même demande, en ce qu'elle peut également être regardée comme ayant été présentée en application du b) de l'article R. 196-1 du même livre, n'était pas tardive. Dans ces conditions, la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'action et des comptes publics ne peut être accueillie.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les rappels de taxe sur la valeur ajoutée :

S'agissant des abonnements et places acquis auprès du Paris-Saint-Germain Football club :

4. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts dans sa version applicable en l'espèce : " II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures ". L'article 206 de l'annexe II du même code dispose, pour sa part : " IV. (...) 2. Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : (...) 3° Lorsque le bien est cédé sans rémunération ou moyennant une rémunération très inférieure à son prix normal, notamment à titre de commission, salaire, gratification, rabais, bonification, cadeau, quelle que soit la qualité du bénéficiaire ou la forme de la distribution, sauf quand il s'agit de biens de très faible valeur ". Enfin, l'article 28-00 A de l'annexe IV au même code précise, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les biens de très faible valeur mentionnés au 3° du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts s'entendent de ceux dont la valeur unitaire n'excède pas 60 Euros toutes taxes comprises par objet et par an pour un même bénéficiaire ".

5. Lorsque l'administration fiscale, sur le fondement des dispositions précitées de l'article 271 du code général des impôts, met en cause la déductibilité de la taxe ayant grevé l'acquisition d'un bien ou d'un service, au motif que ce bien ou ce service n'a pas été utilisé pour les besoins des opérations imposables du redevable, il lui appartient, lorsqu'elle a mis en oeuvre la procédure de rectification contradictoire et que le contribuable n'a pas accepté la rectification qui en découle, d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour soutenir que le bien ou le service acquis n'ont pas été utilisés pour les besoins de ses opérations imposables, sous la réserve des éléments que seul le contribuable est en mesure d'apporter.

6. En l'espèce, l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant des dépenses relatives à l'achat de places et d'abonnements pour des matchs du Paris-Saint-Germain Football club, engagées au cours de la période courant du 1er octobre 2008 au 31 août 2011 au motif que ces dernières n'auraient pas été engagées, contrairement à ce qu'affirme la SAS ETMB, pour promouvoir la société auprès de donneurs d'ordre ou de clients éventuels et ne se rattachent pas à des opérations de publicité ou de promotion commerciale menées par la société requérante.

7. En premier lieu, la SAS ETMB ne peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 230 de l'annexe II au code général des impôts, dont les dispositions, abrogées à compter du 1er janvier 2008, n'étaient plus applicables au titre de la période au cours de laquelle la déductibilité de la taxe grevant les dépenses litigieuses a été remise en cause par l'administration fiscale.

8. En second lieu, les factures émises au nom de la SAS ETMB pour l'achat des abonnements et billets d'accès aux matchs de football en cause ne mentionnent pas l'identité des clients invités à bénéficier de ces prestations, et, plus généralement, ne comportent aucune mention permettant de conclure à leur achat dans le cadre d'une opération de promotion commerciale menée par la SAS ETMB. Les attestations produites par cette dernière et signées de personnes présentées comme les bénéficiaires de ces invitations, d'ailleurs rédigées en des termes vagues et identiques et qui sont postérieures à la période vérifiée, ne permettent pas d'identifier, pour chaque prestation acquise, les clients invités par la SAS ETMB et la réalité des relations d'affaires qui les uniraient. De même, la circonstance que deux des signataires de ces attestations soient des représentants des sociétés Eiffage et Bateg, avec lesquelles la SAS ETMB a conclu des contrats de sous-traitance au cours de la période vérifiée, ne permet pas de démontrer l'engagement des dépenses en cause pour les besoins de la conclusion de ces contrats. Dans ces conditions, l'administration fiscale doit être regardée comme rapportant la preuve, qui lui incombe, de ce que les dépenses en litige n'ont pas été engagées pour les besoins des opérations imposables de la société requérante, et de ce que la taxe sur la valeur ajoutée relative à ces achats ne pouvait être déduite par la SAS ETMB en vertu des dispositions de l'article 271 du code général des impôts. Ces dépenses, qui ne peuvent pas, au demeurant, être davantage regardées comme des dépenses de parrainage du Paris-Saint-Germain Football club, correspondent ainsi à des cadeaux faits à des tiers à l'entreprise, au sens des dispositions précitées de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts. Or, ces dispositions s'opposent à la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé des opérations effectuées à titre gratuit ou sans contrepartie et dépassant, comme en l'espèce, le seuil de 60 euros toutes taxes comprises, fixé par l'article 28-00 A de l'annexe IV au code général des impôts. Il s'ensuit que la SAS ETMB n'est pas fondée à soutenir que l'administration fiscale ne pouvait remettre en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée grevant ces dépenses.

S'agissant des factures émises par les sociétés Adams, Adam et Marko :

9. En vertu des dispositions combinées des articles 271, 272 et 283 du code général des impôts, un contribuable n'est pas en droit de déduire de la taxe sur la valeur ajoutée dont il est redevable à raison de ses propres opérations la taxe mentionnée sur une facture établie à son nom par une personne qui n'est pas le fournisseur réel de la marchandise ou de la prestation effectivement livrée ou exécutée. Dans le cas où l'auteur de la facture est régulièrement inscrit au registre du commerce et des sociétés, assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée et se présente comme tel à ses clients, il appartient à l'administration, si elle entend refuser à celui qui a reçu la facture le droit de déduire la taxe qui y est mentionnée, d'établir qu'il s'agit d'une facture de complaisance et que le contribuable le savait ou ne pouvait l'ignorer. Si l'administration apporte des éléments suffisants en ce sens, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur cette opération, sans qu'il ne puisse être exigé de lui des vérifications qui ne lui incombent pas.

10. L'administration fiscale a estimé que certaines factures de travaux réalisés en sous-traitance pour le compte de la SAS ETMB et émises par les sociétés Adam, Adams et Marko avaient été réglées à des personnes, physiques ou morales, distinctes de ces dernières. Elle rapporte la preuve, qui lui incombe, de ce que les factures en cause sont de complaisance dès lors que, d'une part, elle justifie par la production des chèques de règlement de ces factures annexées aux propositions de rectification que la SAS ETMB a effectivement libellé les chèques émis en paiement de ces factures au nom de tiers, et que ce sont ces derniers qui ont endossé ces moyens de paiement et que d'autre part, elle fait valoir sans être contredite que les sociétés Adam, Adams et Marko étaient défaillantes aux dates auxquelles elles ont émis les factures en cause. La SAS ETMB, pour sa part, n'établit pas que ces sociétés auraient effectivement réalisé les prestations ayant fait l'objet des factures en litige en se bornant à soutenir que les dépenses correspondantes ont été inscrites dans sa comptabilité au nom de ces sociétés et qu'elle ignorait, ce qui est d'ailleurs démenti par l'instruction, que ses règlements auraient été encaissés par des tiers. La circonstance, enfin, que l'administration fiscale n'a pas remis en cause la déductibilité en charge de ces paiements est sans incidence sur l'administration de la preuve du caractère complaisant de ces factures, l'administration fiscale n'ayant pas contesté la matérialité des prestations de service concernées mais seulement l'identité de leurs auteurs. Il suit de là que la société requérante qui savait nécessairement qu'elle était en présence de facture de complaisance n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a remis en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée figurant sur ces factures.

En ce qui concerne les rehaussements d'impôt sur les sociétés :

S'agissant de la réintégration d'un passif injustifié correspondant aux retenues de garantie de l'exercice clos le 30 septembre 2010 :

11. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts : " 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés ".

12. L'administration fiscale a remis en cause l'existence de dettes de la SAS ETMB au titre de l'exercice clos en 2010 d'un montant de de 62 958, 39 euros correspondant à une partie du montant de retenues de garantie figurant sur les factures établies par plusieurs entreprises sous-traitantes de la société requérante et comptabilisées au passif de cette dernière, au motif que, d'une part, et s'agissant de la retenue constituée sur la société Piramini, cette dernière ne pouvait plus prétendre au reversement de cette garantie dans la mesure où, alors que le chantier correspondant avait été définitivement réceptionné, elle n'avait pas remis à la société requérante son procès-verbal de fin de travaux et que, d'autre part, les autres sous-traitants dont s'agit avaient été radiés du registre du commerce et des sociétés ou liquidés pour insuffisance d'actif au cours du même exercice et qu'ils ne pouvaient, par suite, obtenir au cours d'un exercice ultérieur le paiement de la retenue de garantie.

13. La SAS ETMB ne conteste pas sérieusement que la société Priamini ne pouvait plus exiger de sa part, à la clôture de l'exercice 2010, la libération de la retenue de garantie constituée à son égard par la société requérante. Elle ne conteste pas davantage que les autres sous-traitants concernés avaient définitivement perdu, à la clôture du même exercice, leur personnalité juridique en raison de la clôture de la procédure de liquidation les concernant et qu'ils ne pouvaient plus, de ce fait, exiger le remboursement de la créance qu'ils détenaient sur elle. Si cette dernière soutient que, dans ce derniers cas, elle était susceptible de faire l'objet d'une demande de reversement de ces retenues de garantie par les autres créanciers de ces sociétés liquidées au titre de l'action en reprise prévue par l'article L. 643-13 du code de commerce, cette seule circonstance ne permet pas d'établir, en l'absence de tout autre élément démontrant l'existence d'actions de ce type à la clôture de l'exercice, que la dette correspondant à ces retenues de garantie perdurait. Par suite, l'administration fiscale était fondée, en application des dispositions précitées du 2. de l'article 38 du code général des impôts, à estimer les retenues de garantie litigieuses comme un élément injustifié du bilan de clôture de l'exercice 2010 et à les rapporter au bénéfice imposable au titre de cet exercice. En outre, si la SAS ETMB soutient, à titre subsidiaire, qu'elle aurait pu, le cas échéant, constituer des provisions d'un montant égal aux retenues de garantie en cause et les déduire de son résultat imposable en application des dispositions combinées du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et de l'article 209 du même code, il est constant qu'elle n'a, en tout état de cause, pas constitué de telles provisions au titre de l'exercice clos en 2010. Il y a donc lieu de confirmer ce chef de redressement.

Sur la demande de restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés versées par la SAS ETMB au titre de l'exercice 2011 :

14. Aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré... ".

15. La SOCIETE ETMB demande, à titre subsidiaire, afin d'éviter une double imposition, que lui soit restituée une fraction des cotisations initiales d'impôt sur les sociétés dont elle s'est acquittée au titre de l'exercice clos en 2011 à raison de la déduction de son résultat imposable au titre de ce dernier exercice de la somme de 62 958, 39 euros, correspondant aux retenues de garantie qui, ainsi qu'il est dit au point précédent, doivent être réintégrées à son bénéfice imposable au titre de l'exercice clos en 2010, et qu'elle avait inscrit à l'actif de son bilan de clôture de l'exercice 2011. Dans le dernier état de ses écritures, la société requérante rapporte la preuve, qui lui incombe en vertu des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, de ce qu'elle s'est effectivement acquittée de l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2011 à raison de cette somme, ainsi qu'il ressort de ses écritures comptables, de ses déclarations fiscales et des termes de l'attestation circonstanciée signée de son commissaire aux comptes. Il y a lieu, par voie de conséquence, de faire droit à sa demande et d'ordonner la restitution, par l'administration fiscale, des cotisations d'impôt sur les sociétés versées par la SAS ETMB au titre de l'exercice clos en 2011, à hauteur du montant de l'imposition résultant de l'intégration, dans son résultat imposable, du montant des retenues de garantie précitées pour la somme de 62 958, 39 euros.

Sur les pénalités :

En ce qui concerne l'amende prononcée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts :

16. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ". L'article 117 du code général des impôts dispose en outre : " Au cas où la masse des revenus distribués excède le montant total des distributions tel qu'il résulte des déclarations de la personne morale visées à l'article 116, celle-ci est invitée à fournir à l'administration, dans un délai de trente jours, toutes indications complémentaires sur les bénéficiaires de l'excédent de distribution. En cas de refus ou à défaut de réponse dans ce délai, les sommes correspondantes donnent lieu à l'application de la pénalité prévue à l'article 1759 ". Enfin, aux termes de l'article 1759 de ce même code : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 % ".

17. L'administration fiscale a infligé à la SAS ETMB l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts au motif que celle-ci n'avait pas indiqué avec suffisamment de précision l'identité des bénéficiaires de revenus réputés distribués, constitués par les rémunérations occultes versées à des tiers et correspondant aux sommes figurant sur les factures de complaisance identifiées par le service vérificateur

18. Ainsi qu'il a été dit précédemment, l'administration fiscale a démontré que les factures émises par les sociétés Adams, Adam et Marko étaient des factures de complaisance. La SAS ETMB soutient, d'une part, que les bénéfices réputés distribués seraient inexistants, puisque les sommes en cause, bien que correspondant aux montants versés à des tiers sur le fondement de ces factures de complaisance, ont néanmoins trouvé une contrepartie dans des prestations réellement effectuées. Cependant, ainsi qu'il vient d'être dit, les sommes ayant justifié l'application de l'amende en cause sont des virements réalisés en direction de personnes autres que les fournisseurs, apparents ou réels, de l'entreprise et, à ce titre, il s'agit donc de sommes qui pouvaient, comme l'a fait en l'espèce l'administration fiscale, être légalement présumées distribuées sur le fondement du c de l'article 111 du code général des impôts. En conséquence, la masse des revenus distribués excédait le montant total des distributions tel qu'il résultait des déclarations de la société. D'autre part, et contrairement à ce que soutient la SAS ETMB, cette dernière, ainsi régulièrement saisie par le service vérificateur de la demande prévue par l'article 117 du code général des impôts par courriers des 18 juin et 11 juillet 2012, n'a pas désigné les bénéficiaires réels du paiement de ces factures puisqu'elle s'est bornée à indiquer que les sommes en cause avaient été versées dans les mains des sociétés ayant émis ces factures, alors que les bénéficiaires de ces règlements avaient été identifiés par l'administration fiscale elle-même dans le cadre de l'exercice de son droit de communication. Il s'ensuit que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'amende prévue à l'article 1759 du code général des impôts mise à sa charge est mal fondée.

En ce qui concerne l'amende prononcée sur le fondement du I de l'article 1737 du code général des impôts :

19. Aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ; 2. De la facture, le fait de délivrer une facture ne correspondant pas à une livraison ou à une prestation de service réelle " ;

20. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que l'administration fiscale a démontré que la SAS ETMB a comptabilisé des factures de complaisance dont les règlements ont été effectués auprès de tiers. Elle était donc fondée, de ce seul fait, à faire application à l'égard de la société requérante de l'amende prévue à l'article 1737 du code général des impôts.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS ETMB est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a refusé de faire droit à sa demande de restitution partielle des cotisations initiales d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2011.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

22. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, qui n'est pas la partie principalement perdante dans la présente instance, la somme que demande la SAS ETMB au titre des frais exposés par elle est non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il sera restitué à la SAS ETMB le montant des cotisations initiales d'impôt sur les sociétés dont elle s'est acquittée au titre de l'exercice clos en 2011 découlant d'une réduction de sa base imposable de cet exercice égale à la somme de 62 958, 39 euros correspondant au montant des retenues de garantie qu'elle avait inscrit à l'actif de son bilan de clôture de l'exercice considéré.

Article 2 : Le jugement n° 1510644 du 20 février 2017 du Tribunal administratif de Montreuil est reformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS ETMB est rejeté.

9

N° 17VE01256


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE01256
Date de la décision : 18/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Amendes - pénalités - majorations.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur les bénéfices des sociétés et autres personnes morales - Détermination du bénéfice imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Yann LIVENAIS
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : DELOT

Origine de la décision
Date de l'import : 01/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-12-18;17ve01256 ?
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