La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/06/2019 | FRANCE | N°16VE03854

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 13 juin 2019, 16VE03854


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Anagraphis a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'avis des sommes à payer n° 1815 émis par la COMMUNE DE SAINT-OUEN le 22 juillet 2015 aux fins de recouvrement de la somme de 1 567 508,30 euros et de mettre à la charge de la COMMUNE DE SAINT-OUEN le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1508144 du 31 octobre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé ce titre de perce

ption et mis à la charge de la COMMUNE DE SAINT-OUEN la somme

de 1 500 euros...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Anagraphis a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'avis des sommes à payer n° 1815 émis par la COMMUNE DE SAINT-OUEN le 22 juillet 2015 aux fins de recouvrement de la somme de 1 567 508,30 euros et de mettre à la charge de la COMMUNE DE SAINT-OUEN le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1508144 du 31 octobre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé ce titre de perception et mis à la charge de la COMMUNE DE SAINT-OUEN la somme

de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés respectivement le 26 décembre 2016 et le 6 novembre 2017, la COMMUNE DE SAINT-OUEN, représentée par MeB..., demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande présentée par la société Anagraphis devant le tribunal administratif ;

3° de mettre à la charge de la société Anagraphis la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la convention conclue avec la société Anagraphis n'autorisait cette société ni à procéder à une collecte de fonds auprès d'entreprises privées, ni à gérer les sommes ainsi collectées, ni à se rémunérer sur ces sommes ; en outre, le tribunal administratif a commis une erreur de droit en exigeant que les fonds indûment collectés par la société Anagraphis aient la nature de fonds publics pour que l'exposante soit en droit de les recouvrer par la voie d'un titre de recette ; à cet égard, dans son réquisitoire aux fins de déclaration et de jugement de gestion de fait des deniers de la commune du 20 juin 2016, le procureur financier près la chambre régionale des comptes d'Ile-de-France a considéré que la société Anagraphis avait procédé à une contraction de recettes et de dépenses publiques ;

- les moyens soulevés en première instance par la société Anagraphis ne sont pas fondés ; en particulier, elle n'est pas fondée à soutenir que le marché n'aurait pas été exécuté de sorte que les sommes en litige appartiendraient aux mécènes et constitueraient des fonds privés ; la société n'a pu obtenir ces dons qu'en raison du marché passé avec l'exposante ; elle a donc indûment encaissé des fonds versés par des sociétés privées dans le cadre d'une politique publique, qui auraient dû être reversés à la commune ;

- l'exposante ne bénéficie d'aucun enrichissement sans cause n'ayant pas passé de commandes d'oeuvres d'art et a d'ailleurs demandé à la société Anagraphis de les reprendre.

---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ablard,

- les conclusions de M. Cabon, rapporteur public,

- les observations de MeA..., substituant MeB..., pour la COMMUNE DE SAINT-OUEN, et celles de MeE..., substituant MeF..., pour la société Anagraphis.

Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 juin 2019, présentée pour la société Anagraphis.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte d'engagement signé le 9 mai 2011, la COMMUNE DE SAINT-OUEN a confié à la société Anagraphis un marché de prestations intellectuelles dans le cadre de sa politique d'implantation d'oeuvres d'art contemporaines sur son territoire. L'article premier de ce marché à bons de commande indique qu'il " a pour objet de désigner un mandataire chargé de participer aux opérations de sélection, de réalisation et d'implantation d'oeuvres d'art sur le territoire de la ville de Saint-Ouen ". Chargée, notamment, en application de l'article II. 2 du cahier des clauses particulières applicable au marché, de " rechercher et mobiliser les éventuels financements extérieurs à la ville (subventions, dons ou mécénats...) ", la société Anagraphis a conclu, entre le 8 avril 2013 et le 28 mars 2014, des conventions avec des sociétés privées par lesquelles ces dernières se sont engagées à " apporter leur soutien financier pour la réalisation de projets artistiques intéressant le territoire de la ville de Saint-Ouen dans le cadre de l'opération Art dans la Ville ". Par un avis de sommes à payer émis le 22 juillet 2015, le maire de la COMMUNE DE SAINT-OUEN a réclamé à la société Anagraphis la somme de 1 567 508,30 euros au titre des fonds qu'elle avait ainsi collectés auprès de ces sociétés. La COMMUNE DE SAINT-OUEN relève appel du jugement du 31 octobre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a, à la demande de la société Anagraphis, annulé ce titre exécutoire.

2. Pour annuler le titre exécutoire du 22 juillet 2015, le Tribunal administratif de Montreuil s'est fondé sur le motif que les fonds collectés par la société Anagraphis ne constituaient pas des fonds publics que la commune était en droit de recouvrer par la voie d'un titre de recette, alors même que cette société les avait collectés dans le cadre du marché mentionné au point 1.

3. Toutefois, et ainsi qu'il a été dit ci-dessus, en recherchant des financements extérieurs à la ville, la société Anagraphis n'a agi qu'en qualité de prestataire et de mandataire de la COMMUNE DE SAINT-OUEN en exécution du marché passé le 9 mai 2011 dans le cadre de la politique menée par cette collectivité aux fins d'implantation d'oeuvres d'art contemporaines sur son territoire. La mission de la société Anagraphis consistait d'ailleurs pour l'essentiel à fournir à la collectivité des prestations intellectuelles telles que la participation au processus de sélection des artistes et l'élaboration d'un planning et d'un budget prévisionnel. Si elle devait, en outre, selon l'article II. 2 précité du cahier des clauses particulières, " rechercher et mobiliser les éventuels financements extérieurs à la ville (subventions, dons ou mécénats...) ", il ressort des stipulations des articles II et XVI de ce cahier que les dépenses liées à l'opération devaient être " acquittées au nom et pour le compte du maître d'ouvrage ", lequel assumait " l'intégralité des dépenses " et s'engageait " à mettre à la disposition du titulaire l'ensemble des fonds nécessaires au paiement des tiers dans les limites fixées par l'enveloppe financière allouée au projet ". Ainsi, la société Anagraphis n'est, en tout état de cause, pas fondée à soutenir qu'elle était chargée de procéder à la collecte et à l'encaissement des fonds résultant du concours financier que des entreprises privées acceptaient d'apporter à la politique d'implantation d'oeuvres d'art menée par la COMMUNE DE SAINT-OUEN. Dans ces conditions, sans que la société Anagraphis puisse utilement se prévaloir de la circonstance que les conventions de participation conclues avec les sociétés privées, dont les préambules rappellent d'ailleurs qu'elle agit en qualité de mandataire de la commune, mentionnent que le don consenti par le mécène sera viré sur son compte bancaire, la COMMUNE DE SAINT-OUEN était en droit d'émettre un titre de recette afin de recouvrer les sommes collectées par la société Anagraphis sur le fondement du marché passé le 9 mai 2011. Par suite, la COMMUNE DE SAINT-OUEN est fondée à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Montreuil a jugé que la créance dont elle recherche le recouvrement par le titre de recette en litige n'est pas fondée dans son principe.

4. Toutefois, il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par la société Anagraphis devant le Tribunal administratif de Montreuil.

5. En premier lieu, le maire de la COMMUNE DE SAINT-OUEN a, par un arrêté

n° AR/14/2019 du 18 décembre 2014 régulièrement publié, donné compétence à M. C...D..., directeur général adjoint des services, pour signer les " mandats de paiement, titres de recettes, certificats administratifs et toutes pièces portant liquidation des dépenses ". Par suite, la société Anagraphis n'est pas fondée à soutenir que le titre de recette litigieux aurait été signé par une autorité incompétente.

6. En deuxième lieu, tout état exécutoire doit indiquer les bases de liquidation de la créance pour le recouvrement de laquelle il a été émis, à moins que ces bases n'aient été préalablement portées à la connaissance du débiteur. Le titre de recette litigieux est ainsi motivé : " restitution des fonds publics collectés au titre de la convention art dans la ville ". Il indique en outre un montant toutes taxes comprises à recouvrer correspondant à la somme hors taxe mentionnée par la société Anagraphis au titre des sommes perçues par elle dans le récapitulatif général qu'elle a établi en mai 2015. Par suite, la société Anagraphis n'est pas fondée à soutenir que le titre de recette en litige a été édicté en méconnaissance des exigences susmentionnées.

7. En troisième lieu, la société Anagraphis ne peut utilement, pour contester la légalité du titre de recette en litige, faire état de ce que ce titre ne mentionne aucune date limite de paiement ni aucun délai de paiement.

8. En dernier lieu, la société Anagraphis soutient que la somme réclamée par la COMMUNE DE SAINT-OUEN n'est pas fondée dès lors que les fonds collectés ont été utilisés afin d'exécuter le marché conclu entre elles et ne sont, ainsi, plus disponibles.

9. Il résulte de l'instruction que des conventions ont été conclues par la société Anagraphis avec les sociétés SNC Kaufman et Broad promotion, Cogedim résidence, Sodearif, SCCV Saint-Ouen Les Couleurs du parc, Bouygues immobilier, SCCV Saint-Ouen Bauer/Interconstruction, SCI Saint-Ouen Terra Natura, SCI Saint-Ouen Parvis des Bateliers, Nexity immobilier d'entreprise, et SCI Saint-Ouen Parc lot 11, pour un montant total à percevoir de

1 907 299,48 euros. En outre, il ressort du récapitulatif général de l'opération, dressé en mai 2015 par la société Anagraphis, que cette société a effectivement perçu, au titre de ces conventions, la somme totale de 1 307 656,25 euros et qu'elle a dépensé, pour l'exécution du marché, la somme totale de 796 663,41 euros. A cet égard, il est constant que ces financements ont permis la réalisation des oeuvres suivantes, dont certaines d'entre elles ont été effectivement installées sur le territoire de la commune : l'oeuvre " Arc-en-ciel " de Philippe Berry, l'oeuvre " Danse contact " de Yane, l'oeuvre " Robot " d'Hervé Di Rosa, l'oeuvre " Time is the winner " de Patricia Zurini, le déplacement de l'oeuvre " Labyrinthe " de France de Ranchinet et la restauration de l'oeuvre " Tolérance " de Guy Ferrer. Si la COMMUNE DE SAINT-OUEN se prévaut de la circonstance qu'elle n'a délivré aucun bon de commande relatif à ces oeuvres, il résulte cependant de l'instruction que ces oeuvres, préalablement validées par le jury " Art dans la ville " présidé par le maire alors en exercice, ont été réalisées et installées avec son accord. Dans ces conditions, et alors que la société Anagraphis ne pouvait, comme elle l'a fait, prélever sa rémunération sur les fonds qu'elle a collectés, pour un montant total de 166 291,23 euros, le montant de la créance de la COMMUNE DE SAINT-OUEN s'élève à la somme de 510 992,84 euros.

10. Il résulte de tout ce qui précède que la COMMUNE DE SAINT-OUEN est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé totalement l'avis des sommes à payer du 22 juillet 2015 et que ce titre exécutoire doit être annulé seulement en tant qu'il a mis à la charge de la société Anagraphis une somme supérieure à 510 992,84 euros.

11. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la COMMUNE DE SAINT-OUEN et de la société Anagraphis présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1508144 du 31 octobre 2016 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé en tant qu'il a annulé le titre exécutoire émis le 22 juillet 2015 par la COMMUNE DE SAINT-OUEN.

Article 2 : Le titre exécutoire émis le 22 juillet 2015 par la COMMUNE DE SAINT-OUEN est annulé en tant qu'il a mis à la charge de la société Anagraphis le versement d'une somme supérieure à 510 992,84 euros.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

N° 16VE03854 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 16VE03854
Date de la décision : 13/06/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05-02 Marchés et contrats administratifs. Exécution financière du contrat. Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : CABINET JORION AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-06-13;16ve03854 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award