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03/12/2019 | FRANCE | N°18VE04015

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 03 décembre 2019, 18VE04015


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société PARADIS INDIEN a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 23 septembre 2015 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée e

t du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour des montants respectifs de 3...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société PARADIS INDIEN a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision du 23 septembre 2015 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge, d'une part, la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail et, d'autre part, la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour des montants respectifs de 35 200 euros et 2 309 euros.

Par un jugement n° 1600200 du 4 octobre 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 3 décembre 2018, la société PARADIS INDIEN, représentée par Me Chevrier, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement et la décision du 23 septembre 2015 ;

2° à titre subsidiaire, de la décharger de la différence entre le montant de 37 509 euros, mis à sa charge, et celui de 15 000 euros ;

3° de mettre à la charge de l'OFII la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision du 23 septembre 2015 est motivée de manière erronée ;

- elle a été édictée en méconnaissance du principe du contradictoire ;

- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation, les deux ressortissantes

sri-lankaises en cause n'ayant jamais été employées par la société requérante ;

- le montant de la sanction excède le montant maximal de 15 000 euros prévu par la loi ;

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code du travail ;

- le code pénal ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme Bruno-Salel, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. A l'occasion d'un contrôle effectué par les services de police le 13 avril 2015 au sein du salon de beauté " Beauty Forever " situé 77 rue Edouard Vaillant à Bezons (Val-d'Oise) et exploité par la société PARADIS INDIEN, l'administration a relevé la présence de deux ressortissantes sri-lankaises dépourvues de titres les autorisant à travailler en France. Par une décision du 23 septembre 2015, le directeur général de l'OFII a mis à la charge de la société PARADIS INDIEN la somme de 35 200 euros correspondant à la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et celle de 2 309 euros au titre de la contribution forfaitaire des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. La société PARADIS INDIEN relève appel du jugement du 4 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 23 septembre 2015.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le respect du principe du contradictoire :

2. Aux termes de l'article L. 8251-1, premier alinéa du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France ". Aux termes de l'article L. 8253-1 de ce code : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale ". Aux termes de l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des poursuites judiciaires qui pourront être engagées à son encontre et de la contribution spéciale prévue à l'article L. 8253-1 du code du travail, l'employeur qui aura occupé un travailleur étranger en situation de séjour irrégulier acquittera une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement de l'étranger dans son pays d'origine ". Aux termes de l'article L. 8113-7 du code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les inspecteurs du travail, les contrôleurs du travail et les fonctionnaires de contrôle assimilés constatent les infractions par des procès-verbaux qui font foi jusqu'à preuve du contraire (...) ". L'article L. 8271-17 de ce code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : " Outre les inspecteurs et contrôleurs du travail, les agents et officiers de police judiciaire, les agents de la direction générale des douanes sont compétents pour rechercher et constater, au moyen de procès-verbaux transmis directement au procureur de la République, les infractions aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger sans titre de travail (...) / Afin de permettre la liquidation de la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du présent code et de la contribution forfaitaire mentionnée à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration reçoit des agents mentionnés au premier alinéa du présent article une copie des procès-verbaux relatifs à ces infractions ". Aux termes de l'article

R. 8253-3 de ce code : " Au vu des procès-verbaux qui lui sont transmis en application de l'article L. 8271-17, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration indique à l'employeur, par lettre recommandée avec avis de réception ou par tout autre moyen permettant de faire la preuve de sa date de réception par le destinataire, que les dispositions de l'article L. 8253-1 sont susceptibles de lui être appliquées et qu'il peut présenter ses observations dans un délai de quinze jours ".

3. S'agissant des mesures à caractère de sanction, le respect du principe général des droits de la défense, applicable même sans texte, suppose que la personne concernée soit informée, avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et qu'elle puisse avoir accès aux pièces au vu desquelles les manquements ont été retenus, à tout le moins lorsqu'elle en fait la demande. L'article L. 122-2 du code des relations entre le public et l'administration, entré en vigueur le

1er janvier 2016, précise d'ailleurs désormais que les sanctions " ne peuvent intervenir qu'après que la personne en cause a été informée des griefs formulés à son encontre et a été mise à même de demander la communication du dossier la concernant ". Si les dispositions législatives et réglementaires relatives à la contribution spéciale mentionnée à l'article L. 8253-1 du code du travail ne prévoient pas expressément que le procès-verbal transmis au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en application de l'article L. 8271-17 du code du travail, constatant l'infraction aux dispositions de l'article L. 8251-1 relatif à l'emploi d'un étranger non autorisé à exercer une activité salariée en France, soit communiqué au contrevenant, le silence de ces dispositions sur ce point ne saurait faire obstacle à cette communication, lorsque la personne visée en fait la demande, afin d'assurer le respect de la procédure contradictoire préalable à la liquidation de la contribution, qui revêt le caractère d'une sanction administrative. Le refus de communication du procès-verbal ne saurait toutefois entacher la sanction d'irrégularité que dans le cas où la demande de communication a été faite avant l'intervention de la décision qui, mettant la contribution spéciale à la charge de l'intéressé, prononce la sanction.

4. Il résulte de l'instruction que par un courrier du 23 juillet 2015, notifié le 25 juillet suivant, le directeur général de l'OFII a informé la société PARADIS INDIEN qu'un procès-verbal établissait qu'elle avait employé deux travailleurs démunis de titres les autorisant à exercer une activité salariée, qu'elle était donc susceptible de se voir appliquer la contribution spéciale prévue par l'article L. 8253-1 du code du travail et la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement prévue à l'article L. 626-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'elle disposait d'un délai de quinze jours à compter de la réception de cette lettre pour faire valoir ses observations. La société PARADIS INDIEN, qui a ainsi été mise en mesure de solliciter la communication du procès-verbal d'infraction du 13 avril 2015, n'établit, ni même n'allègue l'avoir fait avant l'intervention de la décision du 23 septembre 2015. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire n'est pas fondé, comme l'ont relevé les premiers juges.

En ce qui concerne le principe des sanctions financières :

5. Si la requérante soutient qu'au 13 avril 2015, jour du contrôle, elle n'avait pas encore d'activité ni d'employé, le contraire résulte des déclarations de sa gérante, relatées par le procès-verbal d'audition de cette dernière par les services de police selon lesquelles le salon a ouvert au public dès le 1er avril 2015. En outre, la gérante a reconnu, au cours de son audition, avoir employé l'une des deux ressortissantes sri-lankaises en cause depuis cette date et celle-ci a indiqué, lors de sa propre audition par les services de police, travailler au salon depuis le 10 avril 2015. Si la gérante et l'autre ressortissante sri-lankaise en cause ont toutes deux nié, lors de leurs auditions respectives par les services de police, toute relation de travail, elles n'ont apporté aucune explication plausible à ce que lors du contrôle, cette étrangère a été trouvée dans une pièce située à l'arrière du magasin en train de ranger une étagère, ainsi qu'il résulte du procès-verbal d'infraction du 13 avril 2015 dressé par le services de police, dont les constatations font foi jusqu'à preuve du contraire ainsi qu'il résulte des dispositions combinées des articles L. 8113-7 premier alinéa et L. 8271-17 premier alinéa du code du travail citées au point 2 du présent arrêt.

En ce qui concerne le montant des sanctions financières :

6. Aux termes de l'article L. 626-1, deuxième alinéa, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le montant total des sanctions pécuniaires pour l'emploi d'un étranger en situation de séjour irrégulier ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues par les articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du code du travail ". L'article

L. 8256-7 renvoie, s'agissant des personnes morales, à l'amende prévue à l'article 131-38 du code pénal, qui fixe le montant maximum de l'amende encourue par ces personnes " au quintuple de celui prévu pour les personnes physiques par la loi qui réprime l'infraction ". Le montant maximum encouru par une personne physique pour l'emploi d'un étranger non autorisé à travailler est de 15 000 euros en application de l'article L. 8256-2 du code du travail. Il en résulte que le montant total des sanctions pécuniaires pour l'emploi d'un étranger en situation de séjour irrégulier encouru par une personne morale ne peut excéder 75 000 euros. Le moyen tiré de ce que le montant total des sanctions financières infligées à la société requérante, de 37 509 euros, excéderait le montant maximum légalement prévu, n'est donc pas fondé, comme l'ont relevé les premiers juges.

7. Il résulte de tout ce qui précède que la société PARADIS INDIEN n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. L'ensemble des conclusions de sa requête doit par suite, être rejeté. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société PARADIS INDIEN le versement à l'Office français de l'immigration et de l'intégration d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société PARADIS INDIEN est rejetée.

Article 2 : La société PARADIS INDIEN versera à l'Office français de l'immigration et de l'intégration une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions présentées par l'Office français de l'immigration et de l'intégration est rejeté.

N° 18VE04015 5


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE04015
Date de la décision : 03/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-06-02-02 Étrangers. Emploi des étrangers. Mesures individuelles. Contribution spéciale due à raison de l'emploi irrégulier d'un travailleur étranger.


Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Caroline GROSSHOLZ
Rapporteur public ?: Mme BRUNO-SALEL
Avocat(s) : CHEVRIER

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-12-03;18ve04015 ?
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