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04/12/2019 | FRANCE | N°17VE03585

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 04 décembre 2019, 17VE03585


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... N..., M. A... L..., M. J... E..., Mme B... G..., M. C... F... et M. D... M... ont demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite d'acceptation née le 15 juillet 2016 du silence gardé par le maire de Jumeauville sur la demande de permis d'aménager présentée par la SARL Profoncil en vue de la construction de six lots à usage d'habitation sur un terrain situé 5-7 rue d'Hargeville sur le territoire de cette commune et d'annuler la décision implicite de rejet née du si

lence gardé sur le recours gracieux qu'ils ont formé le 14 septembre 2016...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. H... N..., M. A... L..., M. J... E..., Mme B... G..., M. C... F... et M. D... M... ont demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision implicite d'acceptation née le 15 juillet 2016 du silence gardé par le maire de Jumeauville sur la demande de permis d'aménager présentée par la SARL Profoncil en vue de la construction de six lots à usage d'habitation sur un terrain situé 5-7 rue d'Hargeville sur le territoire de cette commune et d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé sur le recours gracieux qu'ils ont formé le 14 septembre 2016.

Par une ordonnance n° 1700273 du 29 septembre 2017, la présidente de la 3ème chambre du Tribunal administratif de Versailles a rejeté la demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2017, M. N..., M. L..., M. E..., Mme G..., M. F... et M. M..., représentés par Me Jobelot, avocat, demandent à la Cour :

1° d'annuler l'ordonnance et de renvoyer l'affaire au Tribunal administratif de Versailles ;

2° en cas d'évocation, d'annuler les décisions implicites du maire de Jumeauville accordant un permis d'aménager à la SARL Profoncil et rejetant leur recours gracieux formé contre ce permis ;

3° de mettre à la charge de la commune de Jumeauville le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la décision de retrait du permis attaqué n'était pas devenue définitive ; la demande de première instance était donc recevable ; l'ordonnance est entachée de dénaturation des faits, d'une erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision implicite d'acceptation de permis d'aménager et la décision implicite de rejet de leur recours gracieux sont irrégulières ; le service départemental d'incendie et de secours n'a pas été consulté alors que le projet est situé dans une zone inondable ; le programme des travaux V.R.D ne précise pas le type de candélabres retenu ;

- les articles 5 et 6 de l'arrêté du 2 novembre 1992 visé par le plan local d'urbanisme intercommunal valant plan de prévention des risques naturels prévisibles portant délimitation des zones submersibles à risque d'inondation des cours d'eau domaniaux imposaient une étude géologique et la consultation du service chargé de la police des eaux pour la définition des prescriptions nécessaires ;

- le permis tacite ne comprend pas les prescriptions qui visent à éviter les risques d'inondation en méconnaissance de l'arrêté du 2 novembre 1992 ;

- le projet n'est pas conforme à la destination de l'emplacement réservé qui est l'entretien du ru de Senneville ;

- il méconnait, en l'absence de toute prescription spéciale et de consultation du service de la police des eaux, les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme du fait du caractère inondable de la zone dans laquelle se situent les futures constructions ;

- la voirie dite " secondaire " est d'une largeur insuffisante en méconnaissance, en l'absence de consultation du service départemental d'incendie et de secours, des articles R. 111-2 du code de l'urbanisme, UA 3 et UG 3 du règlement du plan local d'urbanisme ;

- les articles UA 2 et UG 2 du règlement du plan local d'urbanisme en l'absence de logement social sont méconnus.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme I...,

- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,

- et les observations de Me O..., de la SELARL Le Roy, Gourvennec, Prieur, pour la commune de Jumeauville, et de Me K... pour la SARL Profoncil.

Considérant ce qui suit :

Sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Jumeauville :

1. La circonstance que l'ordonnance attaquée relève que le permis d'aménager contesté est une " décision réputée n'avoir jamais existé " n'est pas de nature à priver les requérants d'un intérêt à agir contre l'ordonnance rejetant leurs conclusions aux fins d'annulation de ce permis d'aménager.

Sur l'exception de non-lieu à statuer :

2. La circonstance que les requérants disposeraient d'une nouvelle voie de recours contre le même permis d'aménager au cas où l'arrêté du 24 octobre 2016 de retrait du permis d'aménager litigieux serait annulé par le tribunal, est sans incidence sur le présent litige. Par suite, la commune de Jumeauville qui n'établit pas ni même n'allègue que le retrait du permis tacite du 15 juillet 2016 en litige serait devenu définitif, n'est pas fondée à soutenir que les conclusions tendant à l'annulation du permis d'aménager auraient perdu leur objet.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

3. Aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 4° Rejeter les requêtes manifestement irrecevables, lorsque la juridiction n'est pas tenue d'inviter leur auteur à les régulariser ou qu'elles n'ont pas été régularisées à l'expiration du délai imparti par une demande en ce sens ; (...) ".

4. Un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif n'a d'autre objet que d'en faire prononcer l'annulation avec effet rétroactif. Si, avant la saisine du juge, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai du recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté, ce qui conduit à ce que le juge déclare irrecevable la demande dont il était saisi pour défaut d'objet.

5. Pour rejeter le 29 septembre 2017 la demande de M. N... et autres comme irrecevable, en application des dispositions précitées de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, le premier juge s'est fondé sur un motif unique tiré de ce que la décision contestée par les requérants avait été retirée par un arrêté du 24 octobre 2016, antérieur à l'introduction du recours et devenu définitif à la date du 13 janvier 2017 d'enregistrement de cette demande devant le tribunal administratif. Toutefois, il ressort des pièces du dossier d'appel que cet arrêté a fait l'objet d'un recours gracieux de la SARL Profoncil suivi d'un recours en excès de pouvoir enregistré le 23 février 2017 au tribunal et n'était donc pas définitif. Par suite, l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et doit être annulée.

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer par voie d'évocation sur l'ensemble des conclusions présentées par M. N... et autres en première instance et en appel.

7. Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme dans sa rédaction applicable au permis d'aménager en litige : " Le permis (...) d'aménager ne peut être accordé que si les travaux projetés sont conformes aux dispositions législatives et réglementaires relatives à l'utilisation des sols, à l'implantation, la destination, la nature, l'architecture, les dimensions, l'assainissement des constructions et à l'aménagement de leurs abords et s'ils ne sont pas incompatibles avec une déclaration d'utilité publique. (...) ". L'article R. 442-6 du même code, relatif au contenu de la demande de permis d'aménager un lotissement dispose : " Le dossier de la demande est, s'il y a lieu, complété par les pièces suivantes : / a) Un projet de règlement, s'il est envisagé d'apporter des compléments aux règles d'urbanisme en vigueur (...) ". Il résulte de ces dispositions que les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient, en conséquence, à l'autorité compétente de refuser le permis d'aménager sollicité notamment lorsque, compte tenu de ses caractéristiques telles qu'elles ressortent des pièces du dossier qui lui est soumis, un projet de lotissement permet l'implantation de constructions dont la compatibilité avec les règles d'urbanisme ne pourra être ultérieurement assurée lors de la délivrance des autorisations d'urbanisme requises.

8. En premier lieu, aux termes des articles UA 2 et UG 2 du règlement du plan local d'urbanisme de la commune de Jumeauville relatif aux occupations et utilisations du sol soumises à conditions particulières : " (...) Pour chaque opération entrainant la réalisation de 5 logements et plus, il sera prévu au moins 20 % de logement locatifs financés par un prêt aidé de l'Etat. ".

9. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la SARL Profoncil aurait établi de règlement du lotissement de six lots destinés à l'habitation. La société n'a pas davantage apporté de précisions au regard du respect des obligations précitées de prévoir 20% de logements sociaux à partir de cinq logements. La commune de Jumeauville n'établit pas davantage par la seule référence à une mention imprécise du dossier de demande de permis sur " l'article 2 " avoir pris des dispositions permettant d'assurer la construction d'un minimum de 20 % de logements locatifs sociaux. Par suite, M. N... et autres sont fondés à soutenir que le permis d'aménager a été délivré en méconnaissance de l'obligation de prévoir pour l'opération projetée au minimum un logement social.

10. En deuxième lieu, aux termes des articles UA 4 et UG 4 du règlement du plan local d'urbanisme de Jumeauville : " (...) 2 - Assainissement / Eaux usées / Toute construction doit être raccordée au réseau public d'assainissement. A défaut de réseau public, un dispositif d'assainissement individuel est admis conformément à la réglementation en vigueur (arrêté du 7 septembre 2009). Il doit être conçu de façon à pouvoir être mis hors circuit et la construction sera alors directement raccordée au réseau, quand celui-ci sera réalisé. (...) Les eaux usées ne doivent pas être déversées dans le réseau d'eaux pluviales, ni dans les puisards.". Le rapport de présentation de ce plan approuvé le 17 juin 2011 précise que la commune dispose d'un réseau de collecte essentiellement unitaire aboutissant en aval de la commune " à un déversoir d'orage qui rejette dans le milieu naturel " en l'absence de " système de traitement des eaux usées ", la construction d'une station d'épuration étant à l'étude " sa mise en eau est prévue en 2013. Dans l'attente de cette réalisation, toute nouvelle construction sera équipée d'un système d'assainissement individuel. ".

11. En application de l'article R. 441-6 du code de l'urbanisme, lorsque la demande de permis d'aménager prévoit l'édification de constructions à l'intérieur du périmètre du terrain à aménager, le dossier de demande doit être complété par la production de certaines pièces exigées pour l'instruction d'une autorisation de construire. En particulier, doivent être indiquées, conformément à l'article R. 431-9 du même code, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. En l'espèce, la demande d'aménagement prévoyait l'édification de six habitations à l'intérieur du périmètre du terrain à aménager. Si la demande de permis d'aménager a comporté l'indication des modalités de raccordement de ces constructions au réseau public de collecte des eaux usées de diamètre 200 mm existant rue d'Hargeville au droit de la parcelle, il ressort des pièces du dossier que le réseau de collecte de Jumeauville étant déconnecté de la station d'épuration de Rosny-sur-Seine, lesdites eaux usées de six habitations ne feront l'objet, en l'absence de la nouvelle station d'épuration prévue par le rapport de présentation rappelé au point 10 dont l'achèvement des travaux serait prévu pour la fin de l'année 2019, d'aucun traitement particulier, avant d'être rejetées dans un déversoir d'orages puis dans le milieu naturel. Ainsi, en l'absence d'un assainissement collectif et de prévision d'un système d'assainissement individuel, le moyen tiré de la méconnaissance des articles UA 4 et UG 4 du règlement du plan local d'urbanisme de Jumeauville est fondé.

12. Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, en l'état du dossier, aucun des autres moyens soulevés par M. N... et autres, tirés de la méconnaissance de l'article R. 111-2 au regard des risques d'inondation et de la consistance de la voirie, de l'absence d'information sur le type de candélabres retenus par le projet, de ce que l'autorisation serait illégalement conditionnée à l'accord des services techniques sur les candélabres, de l'omission de consulter puis de retenir explicitement les prescriptions du service départemental d'incendie et de secours et du service de la police des eaux, n'est susceptible de fonder l'annulation des décisions prononcées par le présent arrêt.

13. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du même code : " Sans préjudice de la mise en oeuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé. ".

14. Il résulte de l'instruction, que compte tenu des deux motifs d'illégalité retenus, de l'absence d'épuration des eaux usées du terrain d'assiette et de ce que la SARL Profoncil n'entend pas mettre en oeuvre, le cas échéant, un projet conforme à la règle applicable pour l'assainissement, M. N... et autres sont fondés à demander l'annulation du permis d'aménager tacite dans sa totalité. Il n'y a dès lors pas lieu de faire droit aux conclusions de la SARL Profoncil tendant à ce que la cour use des pouvoirs qu'elle tient des dispositions précitées des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

15. Il résulte de tout ce qui précède que M. N... et autres sont fondés à demander l'annulation du permis d'aménager tacite né le 15 juillet 2016 délivré à la SARL Profoncil et de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Jumeauville une somme globale de 2 000 euros à verser à M. N... et autres au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de M. N... et autres qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1700273 du 29 septembre 2017 du Tribunal administratif de Versailles est annulée.

Article 2 : Le permis d'aménager tacite de la SARL Profoncil du 15 juillet 2016 et la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre ce permis d'aménager sont annulés.

Article 3 : La commune de Jumeauville versera à M. N... et autres une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la SARL Profoncil présentées sur le fondement des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme et L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Jumeauville présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de l'urbanisme sont rejetées.

N° 17VE03585 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE03585
Date de la décision : 04/12/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-04 Urbanisme et aménagement du territoire. Autorisations d`utilisation des sols diverses.


Composition du Tribunal
Président : M. BRUMEAUX
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : SCP ZURFLUH-LEBATTEUX-SIZAIRE ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-12-04;17ve03585 ?
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